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Extrait interview ALAN MOORE - 9ème Art No.6
La bande dessinée sera-t-elle un jour mieux reconnue en tant que moyen d'expression ? Alan Moore : Il y a eu cet énorme vrombissement - excessif - dans les années 80, qui manifestement ne pouvait durer. Nous n'avions rien de prêt, et même si ça avait été le cas, nous n'aurions pas pu maintenir ce niveau d'intérêt. Donc il nous a semblé que tout retombait au stade d'avant, et peut-être même pire, non pas parce que nous avions atteint le sommet, mais parce que personne n'avait vraiment l'énergie pour remonter et obtenir le même résultat. La première fois que je me suis impliqué dans le domaine de la bande dessinée, notre programme, collectivement, était de la faire vraiment progresser, de la pousser vers de nouvelles hauteurs, et quand nous y sommes arrivés, elle s'est révélée aussi merdique que tous les autres médias du XXe siècle, elle a été considérée avec aussi peu de respect, alors il y a eu cette déflation et cette déception. Mais les choses ont changé. Je pense que les gens ont au moins admis qu'il existe une bande dessinée pour adultes. Les gens se souviennent vraiment que c'est une bande dessinée qui a gagné le prix Pulitzer avec Maus. Et quoi que soit devenue la bande dessinée, en Amérique et Angleterre, ce n'est jamais qu'une partie du monde. Je sais qu'au Brésil, grâce au réseau de distribution et au fait que Watchmen était en vente dans les kiosques à journaux en ville, apparemment la plupart des foyers en ont un exemplaire. Je suis un géant au Brésil ! Avant les années 1980, l'idée d'une bande dessinée pour adultes était une contradiction en elle-même. Ces derniers temps, même si les gens n'ont jamais vu de bande dessinée pour adultes, ils en ont au moins entendu parler, le concept s'est au moins enraciné dans la culture, et cela permet de produire des choses comme Gemma Bovery de Posy Simmonds. Je suis optimiste à ce sujet, je peux faire tout ce que je veux, et les autres font ce qu'ils veulent. Chris Ware est quelqu'un de qui on peut beaucoup apprendre, avec sa façon de jouer avec le temps, l'espace et la surface de la page, c'est une vraie source d'inspiration. Cela dit, depuis que Watchmen est sorti, quand les gens présentent leur projet en disant " ça va être mon Watchmen", il s'agit toujours de variations sinistres sur la réalité du superhéros. J'espérais que les gens remarqueraient cette histoire de pirates enchâssée dans la narration et qui reflétait ; on peut faire des choses intéressantes avec ces éléments réfléchissants, ce type de structure. Mais non, tous les personnages sont juste devenus plus psychopathes, ils disent "fuck" plus souvent, c'est un monde plus sinistre, plus cynique et plus triste. Je pense qu'à un certain niveau, on peut me le reprocher, et je reconnais que cela arrive parfois. Qu'en est-il de Twilight, cette histoire de superhéros non réalisée ? A M : D'aprés ce que m'a dit Alex Ross, il avait trouvé l'idée de départ, et ce n'est qu'aprés qu'on lui a dit : "As-tu déjà vu le synopsis de Twilight ?" Je suis tout à fait prêt à le croire. Aprés Watchmen, Twilight n'était pas une idée si bouleversante que ça et je suis plutôt content que la production n'ait pas abouti. Je l'avais entrepris uniquement parce que DC m'avait demandé si je voulais m'occuper de son grand crossover de l'année suivante. J'ai répondu que les crossovers étaient toujours épouvantables mais qu'il devait y avoir une façon d'en faire un qui serait bon. Il n'y avait aucune raison artistique d'en faire un, même à l'époque. Récemment DC a demandé si je serais éventuellement intéressé à faire Twilight maintenant ; j'ai dit que non, et que leur problème était bien là. S'ils ne comprennent pas pourquoi c'est une mauvaise idée, ça explique exactement leur situation actuelle. L'un des gros problèmes de la bande dessinée mainstream, c'est que si l'on sait d'où viennent les dessinateurs (ils présentent un dossier, on leur donne du boulot, ils progressent) et les scénaristes (c'est à peu prés pareil), qu'en est-il des responsables éditoriaux ? Comment juge-t-on des responsables éditoriaux ? A l'exception d'un gars comme Julius Schwartz, qui a des références et avec qui travailler a toujours été un plaisir, l'industrie des comics est dirigée par des gens sans talent évident pour quoi que ce soit, voire pas de talent du tout. Cette industrie vaut-elle vraiment la peine d'être sauvée ? Visiblement, vous le pensez ? A M : Je crois que Gary Groth a un jour demandé pourquoi quiconque pourrait vouloir sauver la BD américaine mainstream. D'accord, Gary est éditeur et comprend mieux que moi les rouages du métier. Mais sauf erreur de ma part, si le mainstream disparaissait, je ne vois pas comment les boutiques de BD pourraient continuer à exister en ne vendant que Joe Sacco, Chris Ware, Fantagraphics, Drawn and Quaterly et Top Shelf. C'est comme un train : tous les wagons sont reliés entre eux. Je comprends que l'on cherche à se vendre comme une BD "alternative", mais il ne faut pas s'imaginer que la BD indépendante soit un véhicule différent du reste de l'industrie, alors que c'est l'un des wagons reliés aux autres. Je me souviens de l'époque où les comics mainstream ont commencé à décliner parce que certains éditeurs indépendants leur prenaient une part de leur public. On s'est beaucoup réjoui dans le Comics Journal sur l'ai de "notre tour est enfin arrivé". Je me suis dit qu'en fait, non : la locomotive venait de tomber de la falaise. Il était idiot d'applaudir sans se rendre compte qu'on y était attaché. S'il n'y a pas de comics mainstream, alors je ne pense pas qu'il y aura beaucoup de possiblités pour la BD alternative. Je pourrais faire beaucoup de choses bien meilleures pour mon image d'extrêmiste fauteur de troubles à l'avant-garde de la modernité. Je fais des choses qui sont assez dérangeantes, mais je prends mes responsabilités en faisant un effort pour sauver ce qui me paraît être, en dépit de ses défauts, le ressort financier principal de l'industrie de la BD. A leur manière, Promethea et Tom Strong sont probablement plus subversifs que From Hell. From Hell, dés qu'on le voit, on sait ce que c'est, tandis que Promethea, au premier abord, ressemble à un trés bon numéro de Wonder Woman. Dernière modification par georgesdaniel ; 30/04/2010 à 18h39. |
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D'une merveilleuse et incisive intelligence, comme toujours, ce que dit Moore.
J'aime partiiculièrement les passages où il fustige les auteurs qui n'ont retenu que l'aspect superficiel de Watchmen, avec des personnages névrosés ne s'exprimant qu'à coups de "fuck", et la remarque sur Promethea, plus subversive que From Hell car ne ressemblant a priori qu'à "un très bon numéro de Wonder Woman". (c'est vrai que le jour où WW aura un scénar du calibre de Promethea, il fera chaud) Et citer Gemma Bovery prouve à quel point le maître a bon goût (vive Posy Simmons ! Achetez ce livre : c'est un chef-d'oeuvre !). Moore, ou l'art de synthétiser un sujet. On se sent (presque) plus intelligent après avoir lu ça. Gloire à toi, Alan ! |
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Oui, enfin, Promethea ne raconte pas la meme chose que Wonder Woman. Ce n est que dans le coté "super heroine brune aux saveurs plus ou moins mythologique" que la ressemblance peut se croire. Et encore, juste à l oeuil.
Je pense que si Moore avait continué Glory chez Awesome, le lien avec WW aurait ete un peu plus fort. Glory est vraiment le chainon entre WW et Promethea. Sinon, d accord avec tout ce qu il dit, meme si rien de bien nouveau. Le passage sur les éditeurs est à mon sens particulierement vrai; meme si je pense qu à la fin de sa carriere, Karen Berger sera reconnue comme une des personnes ayant fait le plus de bien aux comics de toute son histoire. |
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Morre a aussi l'habitude de porter un regard certes assez juste mais aussi assez cynique sur l'industrie. même si j'ai beaucoup de respect pour lui et son travail je ne suis pas toujours très en accord avec ce qu'il dit. Néanmoins il porte ici un regard quelque part pas si pessimiste je trouve, très loin d'aller dans le sens de cette théorie du déclin.
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Mon site (qui date ) |
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Je pense que le fanzine papier aura un rôle à jouer dans le futur.
Il faut seulement qu'on se bouge le cul (là, je parle pour moi bien sùr ), passer de moins en moins de temps sur internet et de plus en plus de temps sur les conventions (là, je parle pour moi aussi, futur sdf ) |
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Dans une moindre mesure, Axel Alonso est à l'origine de pas mal de très bonnes choses lui aussi (et je suppose qu'il n'a pas totalement les mains libres actuellement). |
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Merci pour l'extrait bien intéressant !
( la suite c'est possible ? ) |
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Si c'est autorisé, je peux essayer de taper l'interview tout entière ( 8 pages), ce serait avec grand plaisir. Je tape assés vite, donc voilà.
Mais bon, est-ce qu'on a le droit de faire ça, hum ? Je sais pas. Il y a aussi 16 pages avec deux articles assés intéressant ; "De Watchmen à From Hell - Quelques obsessions et procédés récurrents dans l'oeuvre d'Alan Moore" et "Une dialecte à l'oeuvre" (From Hell). |
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C'est clair.
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Alan Moore : "I should just keep me mouth shut, I just upset people." Ma galerie sur Comic Art Fans
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Faudrait ouvrir un topic pour ca dans la rubrique ITW pour pas polluer se topic. |
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Bon il m'a l'air rodé ce topic quand même...
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on m'a appelé ?
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Le chamois lover est toujours prêt pour de nouvelles aventures. |
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