Discussion: Marche funèbre
Afficher un message
  #62  
Vieux 13/06/2009, 20h22
Avatar de Steuf !
Steuf ! Steuf ! est déconnecté
Sardou & les tapas member
 
Date d'inscription: janvier 2008
Messages: 7 973
Steuf ! change la caisse du Fauve
Episode 6 :

Citation:
« - Froide nuit que celle-ci ! N’est-ce pas mes amis ? »

Les deux gardes en faction aux cellules sursautèrent. Ils n’avaient entendu aucun bruit de pas dans le couloir. Le plus grand des deux avait déjà défouraillé sa dague.

« - Holà, compères ! Calmons nous ! J’ai du mal à trouver le sommeil, je me suis dit qu’un godet de cidre me ferait sûrement du bien… Ensuite je me suis dit qu’un peu de compagnie ne me ferait pas de mal non plus ! »

Le Sergent Hardi se tenait face à eux, un sourire au lèvre et une outre de cidre dans la main.

« - Sergent, nous sommes chargé de garder ces cellules, à aucun moment nous ne pouvons nous permettre de discutailler avec le premier venu durant notre service. Qui plus est avec un Sergent du Duché qui s’est vu signifier une expulsion du Fort. » lui lança le grand garde d’un ton condescendant.

Hardi ne se départit pas de sa mine joyeuse et lui retourna d’un ton affable :

« - Au vu de la tempête, vous devrez encore supporter notre présence quelques jours mon ami. Et puis je ne suis qu’un petit gradé, les histoires de politique, je dois l’avouer, me passent un peu par-dessus la tête. »

« - Cessez donc d’essayer de nous bonimenter, Sergent ! Je vous… »

Le garde stoppa net. Il fixa d’abord Hardi d’un air interrogateur et baissa les yeux. Une dague venait de pénétrer dans son dos et sortait de sa poitrine. La lame se retira vivement et le malheureux tomba à genoux avant de lâcher son dernier souffle.

Le deuxième garde essuya son arme avant de la rengainer.

« - J’ai cru comprendre d’après le Capitaine que le temps nous était compté… »

« -En effet ! »

« - Dans ce cas, allons chercher la Jambe. »

---

« - Un autre godet, jeune homme ? »

Renan la Jambe refusa d’un signe de la main.

Déjà une bonne heure que le Capitaine de Seine l’avait laissé seul dans la taverne. Quand le jeune homme avait tenté de poser une question, l’officier l’avait coupé net et lui avait répondu : « Nous n’avons plus le temps pour la conversation, je dois mettre mes pions en place ». Il s’était ensuite dirigé vers un homme assis à une table au fond de la pièce. Le mystérieux compagnon du Capitaine fit frémir Renan ; C’était une sorte de géant aussi large qu’un bœuf et ses mains étaient épaisses comme autant de battoirs. Il portait une longue moustache noire et ses cheveux étaient coupés très courts. Une longue balafre parcourait la partie droite de son visage. Le jeune la Jambe en déduit que cet homme avait du un temps embrasser la carrière militaire. Leur conversation avait duré une dizaine de minutes avant que tout deux se lèvent et quittent l’auberge.

Renan devait se faire à cette idée : Le Capitaine de Seine ne lui faisait pas confiance. Le jeune homme avait eu l’orgueil de croire qu’il avait un rôle à jouer dans cette aventure, il s’était même cru plus fin que le Sergent Hardi. Quelle naïveté ! Sous son air bonhomme, le Sergent était un agent chevronné au service du Duché, quant à lui, il n’était qu’un fardeau imposé à cette expédition. A cette idée, le jeune homme fût pris d’un sentiment de découragement. Il décida donc de commander un gobelet d’eau de vie.

A peine son godet fût il posé sur la table, que le Capitaine entra dans la taverne. Il s’approcha de Renan, lui prit la liqueur, et la but d’une seule gorgée.

« - L’heure n’est plus à l’éthylisme, jeune la Jambe, un coup d’état nous attend. Suis-moi donc dehors. »

---

« - Où allons-nous ? »

« - Vous mettre à l’abri. A quelques lieues d’ici, une garnison ducale nous attend. »

Le vent et la neige giflaient violemment le visage de Jehan la Jambe. Lui-même ne comprenait pas comment il avait réussi à enfourcher ce cheval et suivre le Sergent Hardi au milieu de cette tempête. Ce séjour dans les geôles du Seigneur l’Agile l’avait anéanti tant physiquement que moralement. Un seul repas lui était servi chaque jour : un bol d’eau tiède agrémenté d’une pomme de terre et un morceau de pain rassis. Hormis ses gardes, il n’avait eu pour toute visite que celle du Capitaine de Seine. Pourtant l’arrivée de son fils au Fort lui avait bien été signifié, mais celui-ci n’avait pas daigné lui rendre visite. Il savait bien qu’il n’avait pas toujours été le père que Renan aurait voulu, mais comment la chair de sa chair pouvait le penser capable d’un acte aussi monstrueux ? Nombre de fois, les gardes s’étaient gaussé de sa solitude : « A quoi t’attendais-tu ? Tu n’es même pas digne d’être considéré comme humain… Ton fils sera bien plus heureux lorsque nous t’aurons brulé ! ». En repensant à ces humiliations subies, il eut du mal à réprimer un sanglot. Mais il n’était plus temps de se morfondre. Il fallait galoper jusqu’au camp avant que le Fort n’ait vent de son évasion.
Alors qu’ils traversaient une clairière, se profila au loin un groupe d’hommes qui semblaient errer sans but. Étaient-ils déjà arrivés au camp ? Le Sergent Hardi se tourna vers le vieil homme et lui cria :

« - Ne ralentissez pas et défouraillez votre arme ! »

Jehan se raidit sur sa selle. Il empoigna la dague donnée par Hardi lors de son évasion et tenta de trouver la meilleure assise possible.

Lorsqu’ils furent au niveau du groupe, le sergent tendit son arme sans hésitation et coupa la tête de la créature la plus proche de lui. A ce moment là, Jehan ne sentait plus ni le froid ni le vent. Il reconnaissait ces monstres. C’était bien ces choses qui avaient détruit sa vie. Il sentit comme une fièvre monter en lui et changea légèrement de trajectoire pour foncer en direction d’un groupe de trois. Il poussa un hurlement grave et puissant, réminiscence du vaillant guerrier qu’il avait été. Sa dague transperça le poitrail du premier qui tomba comme un pantin quand celle-ci se retira. Il fit voler la tête du second et arracha l’épaule du troisième en cabrant son cheval puis prit la direction d’un autre groupe plus important. Il n’entendit pas le cri de Hardi qui était déjà loin de la meute :

« - Ne restez pas là, imbécile ! »

---

« - Mon garçon, je te présente l’armée de libération de Fort-au-Bois. »

Devant Renan se trouvait un groupe d’au moins une trentaine de personnes. C’était la fine fleur des malandrins du Fort. Tous semblaient d’origine misérable, étaient sales, puaient la sueur et l’alcool bon marché. Mais l’arsenal en leur possession était impressionnant : Haches à deux mains, cimeterres, arbalètes… Il se trouvait bien face à une armée. Un petit homme trapu s’approcha de lui et tendant le manche d’une épée fort bien équilibrée. De Seine posa une main sur son épaule.

« - Renan, il est temps de te montrer digne de la réputation de ton père. Tu prendras la tête d’une escouade de quinze hommes. Vous resterez à l’extérieur de la résidence du Seigneur. Toute personne, civile ou militaire tentant d’entrer ou sortir du château doit mourir. Tu m’as bien compris ? Je ne veux aucun doute, aucun état d’âme. De toute façon ces sentiments sont étrangers à tes hommes. Pendant ce temps, je m’en irai nous débarrasser de ce cul-terreux de Philippe. »

---

« - Relevez-vous bon sang ! J’arrive »

Hardi éperonna violemment son cheval et fonça en direction de Jehan. Le vieil homme tentait désespérément de se relever tandis que la meute hideuse déchiquetait sa monture. Dans sa hâte d’en découdre, le vieillard s’était laissé déborder de tous côtés. Grâce à Dieu, les créatures lui avaient préféré la chair jeune et ferme du cheval. L’animal avait poussé un hennissement déchirant avant de sombrer sous les assauts de ses prédateurs.

Le sergent tenta de faire place nette autour de lui pour atteindre Jehan. Il pouvait sûrement se frayer un chemin sans avoir à combattre, mais il savait que les créatures risquaient de l’encercler au moment de l’extraction. Il fit donc tournoyer son épée et les membres de ses ennemis volèrent de toute part.

Arrivé au niveau du vieil homme, Hardi sauta de son cheval sans lâcher sa bride. Les choses semblaient avoir apprécié ce type de viande et il était hors de question de perdre leur dernier moyen de se tirer de ce mauvais pas. Il en démembra encore quelques-uns avant de tendre une main ferme au vieil infirme. Celui-ci réussit à se relever et monta tant bien que mal sur le dos du cheval. Le sergent se remit en selle d’un bond agile et fit galoper sa monture au plus loin de ces abominations.

---

« - Halte ! qui va là ? »

À peine eut-il énoncé sa sommation, que la première sentinelle se retrouva transpercée par un carreau d’arbalète au niveau de la poitrine. L’armée de canailles que de Seine avait formée commença son invasion.

Le Capitaine prit la tête de l’expédition, accompagné de six hommes armés de rapières. Ils ne firent aucun quartier. Toute personne croisant leur route était destinée à mourir. La garde de Philippe, comme la plupart des gardes de palais, n’était pas préparée à ce genre d’assaut. De petits groupes arrivaient de toute part, mais aucun ne semblait savoir vraiment quoi faire. De temps à autres le Capitaine les haranguait :

« - Ne soyez pas stupides, capitulez et joignez vous à moi ! L’Agile ne mérite pas que l’on meure pour lui ! »

De Seine aimait ce genre d’opération. Il était passé maître dans l’art de renverser les gouvernants des provinces récalcitrantes. Il savait appuyer sur les plaies les plus douloureuses afin de pousser son adversaire à l’erreur diplomatique. Après il n’avait plus qu’à former une armée grâce aux mauvaises fréquentations qu’il avait tissé dans chaque contrée dépendante du Duché. Il aimait cela aussi, lui le fils de bonne famille, s’acoquiner avec la canaille. Si on les payait bien, ils pouvaient devenir les meilleurs soldats possibles, sans attaches ni remords. Ici le coup d’état serait rapide, il le savait déjà, mais la régence provisoire risquait d’être beaucoup plus ardue. L’apparition de ces morts-vivants ne lui disait rien qui vaille, et par expérience, il savait que ce genre de choses ne restait jamais un incident isolé.

Les arrivées de gardes se faisaient de plus en plus clairsemées, le gros de la troupe avait dû resserrer la protection aux quartiers du Seigneur. Il ne restait qu’une paire de corridors et il serait face à lui.

---

« - Mais qu’a t’il bien pu se passer ici ? »

Toute forme de bonhomie avait disparu du ton du Sergent Hardi. Dans le camp où devait les attendre l’escouade, Tout était détruit. Les tentes étaient arrachées et tachées de sang, les traces de pas montraient qu’il y avait eu combat en ces lieux. Le pire était surtout ces cadavres d’homme et de chevaux qui jonchaient le sol anarchiquement.

« -mmmmh… A… à l’aide…. »

La voix venait d’un des cadavres. Il avait les deux jambes arrachées et son teint était livide. Lorsque le Sergent et Jehan s’approchèrent, il réussit à tendre une main vers eux.

Le Sergent défourailla sa dague et lui planta dans le cœur. Jehan était pétrifié.

Hardi se tourna ensuite vers le vieil homme et lui dit :

« - Nous allons brûler tous les corps. Tous sans exceptions. Si l’un d’entre eux est encore en vie, nous l'achèverons et nous le brûlerons également. Dès que le soleil sera levé, nous retournerons au Fort en priant que les plans du Capitaine se soient bien déroulés. »

---

« - Messire Philippe, par les pouvoirs qui m'ont été conféré par le Duc, je vous démets de vos pouvoirs de suzerain sur les terres de Fort-au-Bois. Je prend le contrôle de cette région provisoirement. Vous serez mis aux arrêts pendant cette période de transition. Lorsqu'un nouveau seigneur aura été désigné par le Duc, les nouvelles autorités disposeront de votre sort. Nul n'est besoin de vous dire que des preuves de bonne volonté de votre part durant cette période seront appréciées. Votre destin est entre vos mains, Philippe. »

Le Seigneur était à genoux, ainsi que les derniers membres valides de sa garde. Le Capitaine de Seine le toisait avec un sourire satisfait. Il arrivait donc au terme de son règne... Il leva la tête vers le Capitaine et lui dit :

« - Je déclare ne pas m'opposer à cette destitution, Capitaine. Ces derniers mois j'ai cru agir dans l'intérêt de Fort-au-Bois, mais je me suis fourvoyé. J'en fais l'aveu ici même, j'ai pactisé avec des forces démoniaques pour tirer mon fief de l'étreinte ducale. Je pensais pouvoir détruire ces alliés contre-nature quand mon but serait atteint, mais je me suis lourdement trompé. J'ai ouvert des portes qui auraient du rester fermées, je mérite mon sort. Je me suis moi-même condamné. »

Le seigneur baissa la tête. Il éclata en sanglots.

Le Capitaine de Seine resta silencieux un moment. Son front était plissé. Il prit enfin la parole.

« - Si je ne m'abuse, je conclus que vous avez pactisé avec une sorcière. Peut-être pourrons-nous sauver votre honneur si vous nous aidez à retrouver celle-ci. J'ai déjà été confronté à ce genre de problème. Si nous la retrouvons vivante, nous pouvons mettre un terme rapide à l'épidémie que vous avez provoqué. »

Les sanglots du Seigneur redoublèrent.

« - La sorcière est morte. Je l'ai tué de mes propres mains... »

« - Alors, nous devrons tout détruire. Philippe, sachez que vous resterez dans l'histoire comme l'homme qui a entrainé Fort-aux-Bois à sa perte. »
Réponse avec citation