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Vieux 09/04/2018, 16h16
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Hawkguy
 
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Que va devenir Loma Shade qui a, provisoirement, trouvé refuge chez River, à l'Université de Floride, où le gouvernement a ordonné aux étudiants de signaler toute présence extra-terrestre ? Le deuxième épisode de Shade the Changing Woman apporte quelques réponses tout en réservant des surprises aux lecteurs et à l'héroïne de Cecil Castellucci et Marley Zarcone.


Pour bien apprécier Shade the Changing Woman, il faut en accepter les sinuosités narratives : Cecil Castellucci n'est pas une scénariste qui assène un message direct, elle préfère jouer avec son héroïne, les épreuves qu'elle traverse, et la manière qu'a le lecteur de les apprécier pour suggérer des ambiances, des états d'esprits.

Cette manière de faire peut laisser penser que l'audace de la scénariste est limitée, qu'elle écrit de manière trop prudente, timorée, parce que, précisément, elle ne cherche jamais à imposer les situations, à choquer, à susciter le malaise. Mais là encore, c'est une fausse piste : tout est ici affaire de dosage, de mesure. En avançant lentement mais sûrement, le récit permet au lecteur d'appréhender la finesse de ce que subit Loma.

Dans le premier Volume de la série, toute l'astuce consistait à montrer comment une extra-terrestre en investissant le corps d'une jeune fille en apparence bien sous tous rapports découvrait qu'il s'agissait en vérité d'une petite garce. Confrontée à un retour de bâton, jusqu'à la réapparition fantomatique de Megan Boyer, elle essayait de se racheter de fautes dont elle n'était pas directement coupable, avant de fuguer, découragée.

Désormais, c'est à un autre cas de figure que Loma est confrontée puisqu'il ne s'agit plus simplement de composer avec ce que Megan Boyer a fait (ce stade est désormais dépassé), mais avec ce qu'on pourrait faire à l'extra-terrestre qu'elle est si elle était découverte. Le gouvernement américain attend des étudiants qu'il signale toute présence étrangère à notre planète et River ne peut plus accueillir Loma (sans compter qu'elle est une fille dans un dortoir masculin, ce qui est interdit par le règlement intérieur).

Loma essuie aussi la colère et le ressentiment, justifiés, de Teacup lorsqu'elle se tourne vers elle. Justifiés parce qu'elle l'a laissée sans nouvelles des années durant et débarque dans sa vie sans se poser la question de savoir si elle y est la bienvenue.

Cecil Castellucci, en répétant ces scènes où Loma est poussée vers la sortie par ses deux meilleurs amis, évite les grandes effusions, les portes qui claquent, les emportements : River a peur aussi bien pour elle que pour lui, Teacup est plus blessée que vraiment furieuse. Mais Loma finit l'épisode plus seule que jamais, avec pour tout appui moral Rac Shade dont les conseils sont certes judicieux mais peu réconfortants. On ressent à la fois de la peine pour elle tout en comprenant les sentiments qui dictent les réactions de River et Teacup. Et le subplot avec le nouveau venu de Meta ajoute au suspense déjà établi par la traque des aliens à l'Université de Floride.

De la même façon que la scénariste se refuse à céder aux effets tapageurs, Marley Zarcone privilégie un dessin déjouant l'attente des lecteurs. La délicatesse de son trait, qui permet aux couleurs douces de Kelly Fitzpatrick de maintenir ce look acidulé à l'histoire, souligne davantage l'expressivité des personnages dans notre dimension que les excentricités du découpage, celles-ci étant réservées aux moments passés entre Loma et Rac Shade.

Dans ces dernières pages, on évolue dans des fonds qui se substituent à des décors classiques, une séparation commode mais que la dessinatrice sait varier, faire palpiter avec habileté. Où se trouve-t-on d'ailleurs exactement ? Rien ne le précise, ne l'indique clairement. C'est une sorte d'au-delà pop-art, doucement psychédélique, une sorte de bulle où la jeune fille s'abrite aux côtés d'un mentor qui lui rappelle en permanence de se méfier des humains, de ne pas s'isoler mais de faire face aux problèmes qui la submerge. Leur relation est celle d'un mentor et de sa disciple : Rac Shade en sait plus que Loma et il alterne préventions énigmatiques puis plus radicales. Marley Zarcone illustre cela par un motif récurrent où Rac fait tomber ou entraîne Loma dans une chute comme s'il fallait ça pour qu'elle apprenne à se relever, à être plus endurcie. Cette mobilité dans cette dimension tranche avec les scènes plus sages où Loma sollicite l'aide de River et Teacup (même si Zarcone se permet quelques délicieuses fantaisies, comme une pleine page digne d'une affiche de music-hall).

Des mises en garde de Rac Shade à celle du critique envers les lecteurs curieux, tout est affaire d'approche dans cette série : Shade the Changing Woman s'affirme comme le récit non pas tant d'un apprentissage mais d'un enseignement pratique.
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