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Posté par doop |
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Checchetto m'a jamais fait vibrer non plus |
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Je ne veux pas paraître professoral, mais ce n'est pas important en soi de "vibrer" ou pas au style d'un dessinateur. Ce qui compte, c'est de savoir pourquoi ça fonctionne ou pas sur le lecteur que tu es, et pour ça il faut être capable de formuler, de verbaliser le dessin.
Beaucoup de lecteurs, et c'est remarquable sur les forums où les discussions sur les comics tournent bien davantage autour des histoires, donc de l'écriture, que de l'image, se contentent d'allusions au dessin parce qu'ils pensent ne pas avoir les mots pour exprimer ce que le dessin produit sur eux, comment l'émotion qu'exprime le dessin est traduisible en termes critiques (pourquoi ce dessin va bien avec cette histoire ? en quoi ce dessin est techniquement bon ? ce que le dessin ajoute au propos de l'histoire ? etc.).
On a l'impression qu'il s'agit de cracker un code secret, réservé à des initiés, des gens qui eux-mêmes ont étudié et/ou pratiqué le dessin. Mais c'est faux. Le dessin, comme le scénario, possède un vocabulaire riche et personnel, accessible à tous, et ce vocabulaire permet au lecteur/critique de parler du dessin, de ses effets (sur l'histoire, sur celui qui la lit), très simplement et avec éloquence.
Bon, il se trouve que j'ai appris le dessin, je l'ai pratiqué et je l'ai enseigné. J'ai toujours été curieux de son vocabulaire pour l'appréhender mais aussi pour communiquer clairement ce que le dessin exprime. Et si moi, j'y arrive, je pars du principe, que n'étant pas un génie, tout le monde peut y arriver. Ce n'est pas plus difficile que de lire de l'anglais - et j'emploie cette comparaison à dessein puisque c'est comme une langue étrangère à beaucoup mais qu'on peut apprendre facilement.
Le dessin, ce sont des traits, des formes, des volumes, des effets, encadrés dans la bande dessinée par des cases, dont l'agencement s'appelle le découpage. Et tout cela produit le complément du scénario, sa traduction en images, mais aussi permet de le transcender (quand on a face à soi le travail d'un très bon artiste). Et cela génère des émotions aussi fortes et expressives que les mots, la construction d'une intrigue, la verbalisation par les dialogues. Il ne faut pas appréhender le dessin comme un champ lexical d'experts : c'est juste une discipline plus ou moins bien maîtrisé par ceux qui l'exercent, et donc aisément assimilable pour ceux qui veulent en parler. Les dessinateurs ne font pas toujours d'excellents pédagogues, mais les lecteurs peuvent apprendre à parler du dessin sans souci et avec éloquence.