|
Il était une fois, il y a très longtemps, bien avant le déluge et juste après la disparition des dinosaures, une tribu qui vivait en paix avec ses défunts. A chaque nuit des morts, le chef de la tribu faisait appel au conseil des défunts pour prendre des décisions difficiles sur l’année à venir. Et cette fois-ci la décision était extrêmement difficile: sa femme était sur le point de mettre au monde leur enfant premier né. Le guérisseur de la tribu avait tout fait pour que la mère et l'enfant puissent vivre, mais l'accouchement se déroulait mal et il en était à un point où il fallait choisir entre la vie du bébé et celle de la mère, sachant que si la mère était choisie pour vivre, elle ne pourrait plus jamais enfanter.
Le chef de tribu avait le cœur déchiré: il aimait sa femme plus que tout au monde mais il aimait aussi ce petit enfant à vivre, promesse d'avenir et héritier de la lignée des chefs de la tribu des Kregins.
Alors que les cris de la future mère déchiraient l'essence même de la nuit. Le chef était avec le sorcier qui invoquait les esprits en prenant son temps. Par ses dons de voyances ce chamane savait que l’enfant à naitre serait une fille. « Aucun guerrier Kreg ne suivrait une femme au combat aucun chasseur Kreg n’accompagnerait une femme pour chasser le grand mammouth. Pour le bien de la tribu et notre survie à tous…", pensait le sorcier, "…il faut que la mère et l'enfant femelle meurent ensemble. »
Puis il y eut un grand silence et un esprit apparut enfin: celui de la femme du chef.
« Mon amour», lui dit-elle, « le destin a enfin choisi pour toi. Mais tu dois faire vite. Notre enfant est encore envie en moi. Ouvre le ventre de ma dépouille, cette coquille vide qui renferme à présent la plus belle des perles: notre fille. J'ai vu son avenir: elle sera aussi forte et brave que le meilleur de nos guerriers, aussi agile que le plus rusé de nos chasseurs. Je sais que ce n'est pas la tradition mais elle sera le chef de notre tribu, le plus grand chef que cette tribu n'ait jamais eu. »
Puis elle disparut.
Sans hésiter le chef sortit de la hutte de convocation des esprits et se précipita chez le guérisseur. La vision brouillée de larmes retenues, il bouscula sans ménagement les femmes qui pleuraient déjà la mort de sa lignée. Il entra en trombe dans la petite pièce destinée aux guérisons. Et s'agenouilla près du corps de sa défunte bien-aimée. Des bosses se formaient puis disparaissaient sous la peau de son ventre .Il s’essuya les yeux, pensant que ses larmes lui jouaient des illusions cruelles. Mais il ne rêvait pas; l’abdomen se déformait, le bébé bougeait. Sa fille luttait pour sortir, pour vivre !
Le guérisseur, atterré par le deuil et son échec, n'avait pas remarqué cette petite vie se débattre. Il était sorti de la pièce à l'instant où la femme de son chef et ami était morte, trop chagriné et honteux pour affronter le regard vide du cadavre. Il pleurait sa défaite, il pleurait la peine de son ami. Le rebouteux savait que son chef ne s’autoriserait à verser aucune larme, il en pleurerait donc le double pour lui.
Le chef dégaina son coutelas, et, la main hésitante, commença à trancher dans la chair tendre et encore chaude du ventre de sa femme. Lorsqu’une petite main jaillit et attrapa la sienne.
Il faillit reculer d’horreur.
Voir cette chose vivante sortir de ce corps mort…
Mais elle s’agrippait à son doigt avec une telle vigueur qu’il élargit un peu le trou et tira. Il se retrouva tout penaud à regarder sa fille ainsi pendouiller accrochée à son index… Le bébé hurla : un cri de vie, qui ramena le chef à la réalité.
Un cri de victoire aux oreilles du père.
Un cri d’alerte à celles du guérisseur.
Il se précipita et incrédule lia le nœud du nombril, observant ce petit miracle sous tous les angles. Il cria de joie plus qu'il ne chanta le chant de bienvenue aux nouveaux nés tandis qu'il tranchait le cordon ombilical.
Cette petite fille était bénie par les esprits des anciens. C'est ainsi que le chef interpréta la chose. C’est ainsi que la tribu l’accepta. Cette enfant venait de remporter son premier combat, elle avait forcé La mort à rendre une vie.
Elle s’appellerait Perle et serait la première femme chef de la tribu des Kregins. |
|
25/11/2010, 15h02
Mode linéaire
