C’est l’histoire d’un mec, de sa femme et de leurs enfants dans leur joli maison de campagne. Un jardin magnifique, remplie de fleurs de toutes les couleurs, une piscine avec toboggan. Le père lit des histoires à ses filles avant de dormir. Il reçoit ses collègues pour discuter des innovations à effectuer pour améliorer les rendements de leur entreprise. Sa femme est si fière de son jardin et se plaint de devoir quitter ce petit coin de paradis quand son mari serait envoyé travailler ailleurs. Pour se délasser, la petite famille et leurs amis vont se baigner dans la rivière pas loin et faire des pique-niques. Voilà, c’est ce que raconte La Zone d' interêt. Sauf qu’au delà du mur qui ceinture leur maison, il se passe autre chose. Cet autre chose, c’est l’horreur absolu. On la perçoit par le mirador au loin, par l’enfilade de baraquements en brique rouge. Par les fumées noirâtres qui s’échappent des cheminées. Par ses bruits étouffés des détonation et des cris. L’horreur pénètre peu dans la maison. Ou alors, par bribes. On la devine par le manteau de fourrure qu’essaye la maîtresse de maison et le rouge à lèvres qu’elle trouve dans la poche et qu’elle essaye devant son miroir. Par des vêtements ramenés par son mari, commandant du camp d’Auschwitz, qu’elle va distribuer à ses domestiques. Et aussi par d’autres détails qui glacent le sang.
Je ne suis pas totalement ignorant sur la question de l’Holocauste. J’ai lu quelques livres. J’ai été élevé en partie par une personne déportée à Ravensbrück qui m’en a raconté très peu mais suffisamment. Mais jamais je ne m’étais posé la question du quotidien des personnes en charge de la solution finale, de comment on vit tandis qu’à quelques mètres, d’autres êtres humains sont exterminés méthodiquement, industriellement.
Pour tout vous dire, quand j’ai quitté le cinéma hier soir, ça allait, j’avais tenu le choc. Et puis, cette nuit, le film m’a réveillé. Je m’y suis mis à y repenser. J’y repense encore. Et à l’heure où l’extrême-droite recommence à gangréner l’Europe et le monde et que ça fait plusieurs années que je vois la menace monter insidieusement, pays par pays, le film éclaire l’idée que le nazisme n’est pas une aberration de l’Histoire. Que ces hommes et ces femmes engagés dans un projet d'annihilation de leur prochain sont des gens ordinaires, qui vont au travail le matin, cultivent leur jardin, aiment leurs enfants. Ce serait naïf de croire que le scénario ne va pas se répéter.
Dernière modification par HiPs! ; 03/02/2024 à 14h14.
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