Précédent   Buzz Comics, le forum comics du monde d'après. > > Critiques > Critiques VO et VF des forumers

Réponse
 
Outils de la discussion Modes d'affichage
  #421  
Vieux 06/07/2014, 18h42
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark
J'ai mis du temps pour achever ce projet mais j'y suis finalement arrivé, et donc je vais le partager avec ceux que ça intéresse ici : mes critiques du run de Franquin sur Les Aventures de Spirou et Fantasio !



4 AVENTURES DE SPIROU... ET FANTASIO est le premier tome de la série, écrit et dessiné par Franquin, publié en 1950 par Dupuis.



- Spirou et les plans du robot (14 pages). Le savant Samovar s'est blessé lors de sa dernière expérience. Les journaux annoncent son transfert dans un hôpital, ce qui inquiètent Spirou et Fantasio, soucieux que les plans d'un robot construit par le scientifique ne tombent entre de mauvaises mains. Leurs craintes sont fondées car des bandits organisent l'enlèvement de Samovar...

- Spirou sur le ring (20 pages). Les exploits de Spirou lui valent l'admiration des gamins mais l'un d'eux, le teigneux Poildur, défie le héros en lui proposant un combat de boxe. Avec l'aide de Fantasio, il s'entraîne tandis que son adversaire, qui veut s'assurer la victoire, terrorise les gosses pour qu'ils le soutiennent. Le match a lieu, mais le complice de Poildur fait tout pour faciliter la partie à ce dernier, quitte à tricher...

- Spirou fait du cheval (7 pages). Fantasio rend visite à Spirou pour l'inviter à une randonnée équestre. Une superbe monture attend le premier tandis que son ami a droit à un canasson à l'humeur très fantasque, ce qui va provoquer divers incidents durant le parcours...

- Spirou chez les Pygmées (21 pages). Spirou entraîne Spip à la campagne pour un pique-nique quand ils tombent nez à nez avec un léopard. Le fauve le suit jusque chez lui où il est grassement nourri. Spirou se renseigne auprès du zoo pour savoir si l'animal ne s'en est pas échappé, puis cherche à le confier au bureau des objets perdus. Fantasio remarque alors dans le journal que la bête appartient à l'empereur de Lilipanga, domicilié non loin. Cet homme est en fait un colon blanc qui règne sur une île au large des côtes du Congo mais dont les indigènes se livrent à une guerre insoluble. Spirou et Fantasio suivent l'empereur là-bas et vont tâcher de remédier à cette situation...

C'est en 1946 qu'André Franquin hérita de Spirou et Fantasio, dont Joseph "Jijé" Gillain n'avait plus le temps de s'occuper, et ces 4 Aventures rassemblées dans cet album, le premier publié par Dupuis, permettent donc de découvrir les premiers efforts de celui qui fera du groom le héros populaire qu'il est encore aujourd'hui.

En examinant attentivement quelques signatures dans des coins de cases, on peut noter que Franquin a commencé son oeuvre en 1947 et achèvera ces épisodes en 1949, mais durant ce temps, il va déjà affirmer son style, en se détachant de l'influence de Jijé, qui l'a formé.

Les quatre récits sont d'un intérêt inégal : Franquin développe réellement des intrigues pour Les plans du robot et Chez les Pygmées, quand pour Sur le ring et Spirou fait du cheval, il se contente de broder sur un argument. Néanmoins, quelle que soit la construction, on note déjà que l'auteur déroule des séquences, en n'hésitant pas à en exploiter les ressorts comiques quand ils l'inspirent, plus qu'il ne développe de véritables scénarios très aboutis : comme il l'a souvent avoué ensuite, jusqu'à ce qu'il collabore avec Greg (à partir du Prisonnier du Bouddha, tome 14), et encore avec beaucoup de liberté, Franquin improvisait ses histoires, les écrivait au fur et à mesure, au fil des planches, et c'était à la fois une méthode qui lui offrait de l'espace mais aussi générait beaucoup d'appréhension (cela finira même par le bloquer à la fin de son run, quand la lassitude le gagnera et qu'il ne pourra plus gérer plusieurs séries à la fois).
*

Pour Les plans du robot, Franquin poursuit en fait une histoire amorcée par Robert "Rob-Vel" Velter avec le savant fou Samovar, l'archétype du scientifique multi-cartes qui mène aussi bien des recherches sur l'atome (une terreur issue en droite ligne des bombardements américains sur le Japon à la fin de la seconde guerre mondiale, et qui hantera Franquin durant toute sa carrière) que dans la robotique. A partir de ces éléments (la convalescence de Samovar et l'invention de ses robots), l'auteur tire une course-poursuite haletante dans laquelle Spirou va affronter un groupe de bandits souhaitant dominer le monde grâce aux robots en kidnappant Samovar.

Le génie de Franquin s'exprime par des pages très denses (souvent d'une quinzaine de cases) avec des automobiles (dont il était un fabuleux dessinateur) se pourchassant à une allure folle, évitant ou pas tous les obstacles. On est en pleine "slapstick comedy", avec des enchaînements délirants mais d'une fluidité ébouriffante, directement emprunté au cinéma muet et surtout au dessin animé, puisque Franquin a brièvement travaillé dans l'animation, vouait une grande admiration aux films de Walt Disney et suivit même Jijé avec Morris aux Etats-Unis en 1948 pour tenter l'aventure américaine (mais, casanier, il sera le premier à en revenir).

Bien qu'il ait toujours eu du mal à s'attacher au personnage de Spirou, qu'il considérait comme une "coquille vide", Franquin se contredit dans son oeuvre en en faisant un héros qui ne tient pas en place et agit pour éviter des catastrophes. C'est lui la vraie vedette, Fantasio n'est qu'un sidekick qui se greffe aux aventures et c'est alors un partenaire bien différent psychologiquement de ce qu'il deviendra ensuite (recommandant sans cesse la prudence à Spirou, doté d'un caractère frivole, mais cependant totalement repensé par rapport à la création de Jijé qui en avait fait un zazou extraordinairement laid). Idem pour Spip, qui n'est pas encore un écureuil paresseux et râleur mais le compagnon domestique de Spirou, qui porte son calot, lui sert de guetteur.

Visuellement le trait de Franquin est aussi très différent : c'est encore l'élève de Jijé avec ce tracé rond, fin, des perspectives bien définies, un art consommé pour tirer au maximum parti d'une suite de petites vignettes dans lesquelles il arrive à faire rentrer un ou plusieurs personnages, un décor, tout en veillant toujours à la lisibilité de la composition et à des enchaînements très découpées, dignes d'un storyboard de cartoon.
*

Spirou sur le ring date de 48 et, pour ceux qui ont lu (si ce n'est pas fait, corrigez vite cette lacune) Le Journal d'un Ingénu, ce petit récit a été une inspiration manifeste pour Emile Bravo (et aussi pour Al Séverin, dans l'album Spirou sous le manteau). Fantasio y joue encore l'assistant du héros, l'entraînant pour un match de boxe accepté à la suite d'un défi lancé par un gosse cruel et brutal nommé Poildur.

Si l'idée tient sur un timbre-poste, Franquin s'en sert pour resituer Spirou socialement : on devine que le groom aventurier a été lui aussi un de ces gamins bruxellois de condition modeste avant d'être chasseur au "Moustic-Hôtel" (puisque c'est en observant les adolescents qui servaient sur les paquebots dans leurs tenues rouges que Rob-Vel, son créateur, l'imagina).

De même, si Poildur est un garçon antipathique, Franquin ne peut s'empêcher de le sauver à la fin, et cela préfigure d'autres personnages futurs, adversaires de Spirou plus bêtes que méchants (tel Zorglub).

L'histoire défile très rapidement, en deux actes : d'abord, l'entraînement de Spirou, mis en parallèle avec les méfaits de Poildur, puis le combat entre Spirou et Poildur, durant lequel les tricheries de ce dernier et de son complice suscitent la révolte des supporters du héros, menée par P'tit Maurice.

Franquin déploie des trésors d'inventivité pour mettre cela en images de la manière la plus vivante et efficace possible, toujours en s'appuyant sur un découpage très rigoureux, avec des pages qui comptent fréquemment une quinzaine de cases. Mais il s'autorise aussi des plans plus larges, admirablement composés et fournis, des hors-champs très astucieux, des plans silhouettés jubilatoires (lorsque Spip affronte le rat de Poildur sous le ring durant le combat).

Les personnages sont extrêmement expressifs, tout en conservant la charte graphique de Jijé : Spirou a encore cette allure très fine, presque féminine, que lui avait donné Joseph Gillain, mais Franquin en revanche tient déjà son Fantasio, toujours élégant, grand et mince. Et la galerie de minots qui peuple le récit est franchement incroyable, Franquin leur donnant à chacun une incarnation distincte.
*

Spirou fait du cheval
est le segment le plus faible du recueil, mais pas le moins sympathique ni dénué d'intérêt. Il est bien sûr facile de sur-interpréter des pages comme ça et d'y voir des signes annonciateurs de grandes idées ultérieures, mais comment ne pas penser en voyant le cheval Plumeau que monte Spirou à une sorte d'ancêtre du Marsupilami ? Leurs comportements sont identiques, à la fois cocasses, sauvages, farceurs, bref incontrôlables.

Franquin s'amuse avec ce prétexte de sortie équestre pour mettre en scène une série de catastrophes amusantes comme l'animal de Palombie en provoquera plus tard. C'est léger certes, mais très marrant.

Et fantastiquement dessiné ! Il y a quelque chose de fascinant à étudier le découpage de Franquin : ses cases s'enchaînent avec une telle rapidité, les mouvements se décomposent avec un tel naturel, qu'on les lit d'abord puis on les relit ensuite afin de décortiquer cette mécanique si bien huilée, avec des entrées et des sorties de cadre d'un dynamisme éblouissant.
*

Enfin, Spirou chez les Pygmées offre là aussi matière à spéculer sur les germes du run de Franquin. Cet épisode est lui aussi divisé en deux actes distincts : le premier permet de savourer le génie gaguesque de l'auteur à partir d'une situation absurde (la rencontre et la cohabitation de Spirou avec un léopard), le second s'inscrit dans la veine du récit d'aventures en entraînant Spirou et Fantasio dans cette Afrique des années 40, quand le Congo était encore une colonie belge et les indigènes des "sauvages" considérés avec plus ou moins d'humanisme.

En lisant ça, on ne peut que penser au futur chef d'oeuvre La Corne de Rhinocéros (tome 6), réalisé pourtant 8 ans plus tard. Franquin écrit et dessine le continent noir et ses tribus avec tendresse et ironie, comme en témoigne le dénouement du conflit qui opposent les Lilipangués et les Lilipangus. L'auteur les considère tous avec affection et bienveillance, y compris le personnage de l'empereur (qui n'a rien d'un méchant colon, le vrai affreux de l'histoire étant un trafiquant intervenant de manière très périphérique).

Fantasio gagne du galon dans ce récit en ayant plus de scènes en commun avec Spirou que dans les trois autres Aventures précédentes, prenant une part plus active dans les évènements et leur résolution : il est alors évident que Franquin a compris l'importance d'attacher à son héros un vrai partenaire pour étoffer les échanges, la dynamique même de sa bande dessinée.

Le dessin gagne aussi, un peu, en variété, car Franquin s'affranchit progressivement des gaufriers de quinze cases, se permettant même des plans verticaux, des inserts. Il se fait aussi plaisir en mettant en scène des animaux comme le léopard, un lion, un crocodile, un zèbre et des singes, dans un environnement où son imagination décorative fait merveille et fournit d'autres gags (la construction de la prison).
*

C'était il y a 64 ans, et cet album, même s'il est parfois encore inégal, présentait les débuts révolutionnaires de celui qui allait faire de Spirou le rival de Tintin : les premiers pas de Franquin.

***



UNE GRANDE AVENTURE DE SPIROU ET FANTASIO : IL Y A UN SORCIER A CHAMPIGNAC est le 2ème album de la série, écrit et dessiné par Franquin (d'après une idée de Jean Darc), publié en 1951.


Spirou et Fantasio partent camper près du village de Champignac-en-cambrousse. Rapidement, ils assistent à des évènements étranges : les cochons deviennent multicolores, les vaches produisent du lait en quantité mais imbuvables...
Un bohémien, qui s'est installé avec femme et enfant dans les environs, est désigné comme responsable et la population (avec le maire en tête) le persécute. Mais pour nos deux héros, le suspect est plutôt le comte, un vieil excentrique passionné de mycologie résidant dans un château avec un grand parc, où il mène de mystérieuses expériences...

Comme l'indique le titre, il s'agit de la première "grande aventure" de Spirou et Fantasio, un galop d'essai pour Franquin, après le recueil de "short stories" du tome 1 (4 Aventures de Spirou et Fantasio) et avant le tome 3 (Les Chapeaux Noirs).

L'idée du récit lui est donné par Jean Darc, qui est le pseudonyme d'Henri Gillain, le frère de Joseph "Jijé" Gillain, son mentor, fondateur de "l'école de Marcinelle", auquel Franquin appartient avec d'autres artistes comme Morris, Tillieux, Peyo. Darc était institeur et son histoire a été profondèment retravaillée par Franquin, qui n'en a conservé que deux éléments, le sorcier (le comte) et le village (Champignac).

La "patte" de Franquin est déjà sensible même si elle n'est pas encore aboutie : le déroulement de l'intrigue est linéaire et procède d'un enchaînement de situations plus que d'une trame sophistiquée. Il avouera avoir beaucoup improvisé, et cette méthode restera la sienne tant qu'il ne sera pas assisté au scénario. Ainsi Spirou et Fantasio font une découverte (les phénomènes sur les bêtes de Champignac) qu'ils cherchent à comprendre et qu'un personnage périphérique (le bohémien) va leur permettre de résoudre (le château du comte, les expériences de ce dernier), puis le récit bifurque vers un second acte en se déplaçant en ville (le comte et les épreuves sportives, l'argent qu'il gagne ainsi) où des méchants en profitent sans connaître les limites et dangers de ce qu'ils font (Hercule, Valentino et Narcisse).

Il manque encore le grain de folie, voire le délire, qui dynamiteront les épisodes ultérieurs, avec le soutien de personnages plus épicés (Spip, puis le Marsupilami, Seccotine, sans compter les adversaires "en prise directe" avec les héros comme Zantafio, Zorglub, Zabaglione, John Héléna...). Franquin est encore sage, timoré, et soucieux de développer sur un format long des personnages dont il a hérités (à la fois de Rob-Vell, mais surtout de Jijé son maître et ami). Mais ça ne l'empêche pas de peupler l'univers du groom en créant Champignac, le comte, le maire, quelques habitants (comme Duplumier) qui vont devenir des piliers de la série pendant et après son run.

Si tout cela est donc encore prudent, c'est déjà une lecture très agrèable et fluide. Franquin l'illustre en recourant abondamment à un découpage en gaufrier, auquel il ne fait un sort qu'au bout d'une trentaine de pages.

Mais, à raison de quatre bandes et 8 vignettes par planche, il imprime un rythme soutenu à l'histoire en tirant efficacement parti de cette mise en images minimaliste : ses cases sont très bien composées, très claires. Le trait est encore influencé par Jijé et les personnages (en particulier Fantasio, le comte, le maire) n'ont pas encore une forme arrêtée alors que Spirou n'évoluera pas autant (il deviendra à peine plus svelte, sa houpette plus longue...) et Spip est déjà bien défini.

Les décors sont naïfs mais représentés avec un souci déjà évident d'être identifiables rapidement et sans qu'ils parasitent la lecture de l'action principale (une obsession de Franquin pour lequel le plan ne devait pas être encombré - et une leçon à méditer pour bien des artistes obsédés par les détails !).
*
Pas seulement un classique, mais la pierre de voute d'un édifice amené à se construire !

***


SPIROU ET FANTASIO : LES CHAPEAUX NOIRS ET TROIS AUTRES AVENTURES est le troisième tome de la série, publié par Dupuis en 1952. Cet album comporte deux histoires écrites et dessinées par Franquin (Les Chapeaux Noirs, 15 pages ; et Mystère à la Frontière, 15 pages), et deux autres par Jijé (Comme une Mouche au Plafond, 11 pages ; et Spirou et les Hommes-Grenouilles, 12 pages).



(Extrait de Spirou et Fantasio : Les Chapeaux Noirs.
Textes et dessins de Franquin.)

- Les Chapeaux Noirs (écrit et dessiné par Franquin). Spirou et Fantasio sont envoyés expressément aux Etats-Unis pour un reportage sur la vie dans les grands espaces. Une fois sur place, au Texas, ils découvrent avec désappointement que la ville de Longhorn est une métropole comme une autre, avec ses gratte-ciel et ses embouteillages. Heureusement, un homme les redirige sur Tombstone dont il leur garantit l'authenticité, digne de la grande époque des westerns. Là-bas, ils sont enrôlés comme adjoints du shérif et obligés d'affronter divers desperados. Mais Spirou et Fantasio n'auraient-ils pas été abusés ?

André Franquin ouvre le bal avec cet épisode d'une quinzaine de pages très tonique. Le prétexte est sybillin : transporter Spirou, Fantasio et Spip dans un western sans toutefois sacrifier la continuité de la série, ce sera donc l'occasion d'un reportage. L'astuce fonctionne parfaitement et joue sur la complicité du lecteur qui sait avant les héros que ceux-ci sont dupés par l'homme qui leur conseille d'aller à Tombstone.

La succession de péripéties qui s'ensuit témoigne déjà de la fabuleuse énergie dont Franquin saura toujours faire preuve pour animer la série ensuite, avec des séquences incroyablement bien chorégraphiées. Le découpage de la bagarre entre Spirou et Jack le géant est par exemple un modèle de mise en scène.

La brièveté du récit impose évidemment une chute rapide, mais là encore Franquin réussit à l'amener sans qu'on n'ait l'impression qu'il l'ait expédiée.

Visuellement, le style de l'artiste n'est pas encore mûr : l'influence de Jijé est présente, même si Franquin sait, par quelques détails bien placés, s'en démarquer (par exemple, la houpette de Spirou n'est pas dessinée de la même manière que celle de son prédécesseur). La composition des plans, l'agencement des cases sont d'autres aspects où l'on remarque bien que Franquin soigne ses effets en jouant sur la dimension des vignettes et en imprimant un rythme très soutenu à l'action, malgré le faible nombre de pages et le nombre de rebondissements imaginés.

On est certes encore loin du chef d'oeuvre, mais c'est bigrement efficace.
*

- Comme une mouche au plafond (scénario et dessins de Jijé). Qu'arrive-t-il à Spirou ? A peine est-il, ce jour-là, entré dans son appartement qu'il est attiré au plafond sans pouvoir s'en décoller ! Il téléphone à Fantasio pour qu'il vienne l'aider à résoudre ce mystère et le sortir de là, mais son ami est dans de mauvaises dispositions lui aussi, souffrant d'un torticolis, croyant à peine à son histoire et rechignant à venir à son secours. Néanmoins, les deux complices unissent leurs efforts et soupçonnent rapidement le voisin du dessus, un magicien peu aimable...

Joseph Gillain alias Jijé a été un des maîtres méconnus du 9ème Art, le pionnier de "l'école de Marcinelle", qui a influencé une flopée d'artistes dont la renommée a ensuite dépassé la sienne (Morris, le papa de Lucky Luke ; Franquin ; Peyo ; Will ; Roba, Maurice Tillieux, puis plus tard Yves Chaland, Al Séverin, Olivier Schwartz, etc). D'une productivité incroyable, capable de dessiner aussi bien dans un style réaliste que cartoony, c'est aussi lui qui a repris les aventures de Spirou après la défection de son créateur Rob-Vel et qui a inventé le personnage de Fantasio puis désigné Franquin comme son successeur.

Pourtant, il faut bien avouer que ces dernières contributions à Spirou ne sont pas à la hauteur de sa légende, comme en témoigne ce premier récit : le scénario, fantaisiste à souhait, peine à passionner ou susciter le rire, il manque de rythme, la caractérisation n'est pas subtile, le dénouement traîne en longueur. La magie ne fonctionne pas, si ce n'est pour son côté rétro.

Pourtant, graphiquement, on sent que Jijé était un storyteller aguerri : son découpage avec un gaufrier quasi-constant de 12 cases par pages tire au maximum parti des effets qu'il convoque (même si, en l'occurrence, Dupuis aurait pu composer des planches de quatre bandes en donnant plus de volume à chaque vignette, rendant ainsi la lecture un peu plaisante sans dénaturer l'oeuvre).

L'autre point fort du dessinateur est l'expressivité qu'il arrive à donner aux personnages avec un minimum de traits, même si le physique du magicien jure par sa disproportion. Mais sinon il égale parfois le génie d'un Dubout.
*

- Spirou et Les Hommes-Grenouilles (scénario et dessins de Jijé). Fantasio invite Spirou (et Spip) à le rejoindre sur la côte méditerranéenne. Là-bas, il a fait l'acquisition d'une péniche à bord de laquelle il véhicule occasionnellement des touristes, ce qui lui vaut l'inimitié des autres navigateurs. En acceptant de faire la visite à une vieille anglaise, les mésaventures commencent par une panne, puis la rencontre avec des gangsters à la recherche d'un complice qui les a trahis en cachant un butin.

Jijé signe cette seconde histoire, sans briller beaucoup plus. Néanmoins, soyons justes, c'est tout de même plus abouti que la précédente car cette fois, le récit progresse beaucoup plus en proposant une collection de rebondissements à la fois mieux préparés et développés. On peut même voir dans cet épisode les germes d'aventures devenus des classiques du run de Franquin (comme Le Repaire de la Murène ou Spirou et Les Hommes-Bulles, auquel le titre fait immanquablement penser).

En replaçant les deux héros dans un décor propice aux péripéties, dépaysant, et avec une galerie de seconds rôles mieux définis, Jijé embarque le lecteur, à défaut de leur offrir une intrigue bien rythmée. Car c'est encore là que ça pêche : il faut attendre une bonne demi-douzaine de pages (soit la moitié du récit) pour que ça décolle vraiment...

Visuellement, en revanche, Jijé est plus à son avantage et employant un découpage moins serré, donne à voir des plans parfois superbes où il utilise tout le potentiel que lui offre les décors de la Méditerrannée (la mer elle-même mais aussi sous l'eau, dans les calanques). Son trait rond, un peu grossier au tout début (donnant un air de parfait idiot à Fantasio dans la dernière case de la première page), convient ensuite parfaitement pour croquer des trognes mémorables (la vieille anglaise, la bande de malfrats).
*

- Mystère à la Frontière (scénario et dessins de Franquin). En lisant dans le journal le compte-rendu d'une affaire de trafic de stupéfiants, Spirou et Fantasio entreprennent de résoudre l'enquête. En parcourant la campagne alentour, ils découvrent comment les bandits font passer la drogue d'un pays à l'autre et remontent jusqu'à leur repaire. Restent à les piéger et les faire arrêter, ce qui est une autre de paire de manches.

Franquin revient pour clore l'album avec une nouvelle pépite. Pour l'auteur, tout au long de son passage sur la série, Spirou et Fantasio sont d'abord deux amis curieux qui se mêlent d'affaires ne les concernant parfois pas du tout mais qu'ils s'emploient à démêler. Ici, leur fibre d'enquêteurs-journalistes (même si, en vérité, seul Fantasio est un vrai reporter professionnel) est titillé par un trafic de drogue dans les environs d'Enragimont.

Comme une pelotte qu'on déroule, Franquin déploie son histoire qu'on suit, cette fois, au même rythme que les deux héros. Les adversaires qu'ils affrontent sont ingénieux, coriaces, et tout se décidera lors d'une haletante et spectaculaire course-poursuite, qui ressemble presque à un échauffement de la course cycliste dans La Mauvaise Tête (tome 8).

Là encore, Dupuis a reformaté la dimension des bandes, ce qui aboutit à des planches de cinq strips au lieu de 4 et donc à des vignettes plus petites, qui ne rendent pas justice aux dessins de Franquin. Pourtant, malgré cette miniaturisation absurde, on ne peut qu'admirer avec quelle dynamisme, quelle intelligence il enchaine les plans, monte les séquences. Sa fluidité est redoutable, sans doute ce qu'on peut concevoir de mieux (et ce, même si Franquin estimait qu'Hergé était la référence absolue, et que son ami Peyo était celui qui produisait les planches les plus lisibles qu'il ait pu lire).

L'influence de Jijé est encore manifeste, le style n'est pas encore totalement personnel, avec un trait naïf et rond comme son mentor, mais la maîtrise des gags (comme lors de la scène des casques) et la qualité des finitions sont magnifiques.

L'album est donc un peu bizarre, bancal, inégal, avec ce double programme d'histoires diversement inspirées, mais ces épisodes permettent de voir le passage de témoin entre Jijé et Franquin, ce dernier affichant déjà d'impressionnantes dispositions pour créer un run d'anthologie.

(A SUIVRE...)
Réponse avec citation
  #422  
Vieux 06/07/2014, 21h40
Avatar de Diablowagner
Diablowagner Diablowagner est déconnecté
GenSen
-Généalogiste Sénile-
 
Date d'inscription: février 2008
Messages: 1 390
Diablowagner change la caisse du Fauve
Ces critiques évoquent de vieux souvenirs de lectures (avec Un sorcier à Champignac, que j'ai du relire un nombre incalculable de fois), ou plus récents : j'ai découvert la plupart des titres que tu critiques ici grâce aux Intégrales Dupuis parus il y a quelques années.

Je regrette d'ailleurs que tu ai laissé de côté les "Péchés de Jeunesse" de Franquin. L'Héritage notamment est une histoire extrêmement riche, avec de nombreux gags et de très nombreuses péripéties, où l'on voit bien la pâte de Franquin a avancer son histoire au fur et à mesure sans plan global dès le départ. Il en va de même pour Spirou et le Robot. Je m'étonne qui tu n'ai pas commencé ta critique par ces premiers travaux de Franquin, plutôt que reprendre la vieille division en album de la série, qui ne vaut pas grand chose en terme de chronologie et d'évolution.

De même, "Un sorcier à Champignac" aurait peut-être mérité un petit développement sur les deux personnages qui vont devenir récurrents et emblématiques (ce qui n'était plus arrivé depuis la création de Fantasio) : le Compte et le Maire, figures centrales de ce tome, mais qui préfigurent de nombreux gags par la suite (même si à mon sens, ça sera Fournier qui exploitera le plus le petit monde de Champignac).

Mais vivement la critique des "Héritiers" !
Réponse avec citation
  #423  
Vieux 06/07/2014, 22h04
Avatar de Al Pennyworth
Al Pennyworth Al Pennyworth est déconnecté
Bring back our Doop
 
Date d'inscription: juillet 2013
Localisation: Orléans
Messages: 1 772
Al Pennyworth change la caisse du Fauve
Passionnantes critiques, ça me redonne envie de rouvrir mes vieux Spirou.
Réponse avec citation
  #424  
Vieux 07/07/2014, 17h15
Avatar de PSYCHO PIRATE
PSYCHO PIRATE PSYCHO PIRATE est déconnecté
Connard Vintage
 
Date d'inscription: janvier 2007
Messages: 8 998
PSYCHO PIRATE change la caisse du Fauve
__________________
Mille bombardes ! Les trésors de la flibuste c'est fait pour les vieux matelots et pas pour les espèces de canassons à tête hippopotame gaulés comme du purin !
Réponse avec citation
  #425  
Vieux 10/07/2014, 23h50
Avatar de Mandrill
Mandrill Mandrill est déconnecté
Super-Singe
 
Date d'inscription: mars 2005
Localisation: Montrouge
Messages: 2 502
Mandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardin
Coooooooooooooooooooooooooooool !
__________________
Je pense donc je signe.
Réponse avec citation
  #426  
Vieux 19/07/2014, 18h49
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark
Citation:
Posté par Diablowagner
Voir le message
Je regrette d'ailleurs que tu ai laissé de côté les "Péchés de Jeunesse" de Franquin. Je m'étonne qui tu n'ai pas commencé ta critique par ces premiers travaux de Franquin, plutôt que reprendre la vieille division en album de la série, qui ne vaut pas grand chose en terme de chronologie et d'évolution.
Offre-moi toutes les Intégrales qui me manquent et je te parlerai des "péchés de jeunesse".

Mais merci de me lire quand même.
Réponse avec citation
  #427  
Vieux 19/07/2014, 18h58
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark

SPIROU ET FANTASIO : SPIROU ET LES HERITIERS est le 4ème album de la série écrit et dessiné par Franquin, sorti en 1952.
*


Le vieil oncle de Fantasio vient de mourir et a fait de lui et de son cousin Zantafio ses principaux héritiers (ne laissant que son perroquet à sa belle-soeur Esther et à sa nièce Séraphine). Mais pour recevoir le legs, ils doivent réussir au moins trois épreuves.
La première consiste à inventer une machine d'utilité publique : Fantasio présente, après plusieurs essais farfelus, le Fantacoptère, un jet-pack dorsal révolutionnaire. Zantafio, fieffé filou, l'a espionné et fait construire de son côté le Zantajet, plus puissant, polyvalent mais plus dangereux : il met le feu à une maison et Spirou sauve un enfant pris dans les flammes, donnant la victoire à Fantasio.
Ensuite, les deux cousins doivent participer à une course automobile sur le circuit de Cocochamp (inspiré de Spa-Francorchamp) et se font engager par l'écurie Turbot. Zantafio fait encore des siennes, redoublant de fourberie en organisant le rapt des deux coureurs Martin et Roulebille (qu'on retrouvera dans le tome 6 : La Corne de rhinocéros) puis en essayant d'accidenter Fantasio avec la complicité d'un autre pilote. Spirou prend le volant du bolide de Zantafio, évite le drame et arrive troisième - mais il donne ainsi la victoire au vilain cousin.
Enfin, il leur faut retrouver et capturer un animal, le Marsupilami, qui vit dans la jungle de Palombie, en Amérique latine. Mais la bestiole est facétieuse et l'endroit occupé par les redoutables indiens Chahuta's. Spirou et Fantasio attrapent le Marsupilami et, contre toute attente, échappent aux indigènes grâce à Zantafio, qui a choisi de rester en Palombie (on verra pourquoi dans le tome 7, Le Dictateur et le Champignon).
De retour auprès du notaire Mordicus, après avoir remis le Marsupilami au jardin zoologique de la ville, Fantasio découvre la nature de son héritage : l'expérience gagnée durant ces aventures.

Si on peut considérer le vrai début de la série avec le tome 2 (Il y a un sorcier à Champignac), alors Spirou et les Héritiers constitue l'album fondateur du run de Franquin.

L'histoire est clairement découpé en trois actes correspondants aux trois épreuves que disputent Fantasio et Zantafio : ce chapitrage ôte de la fluiditié au récit, mais pas son dynamisme.

Le goût de Franquin pour les mécaniques est déjà manifeste avec la course automobile dont il fait un vrai épisode plein de suspense, riche en rebondissements, plein de tension, révèlant toute la vilaine de Zantafio. On y fait également la connaissance de Martin et Roulebille, qui seront de retour dans le tome 6, La Corne de rhinocéros.

Mais avant cela, le bédéphile aura découvert l'apparition de cet engin formidable qu'est le Fantacoptère : ce véhicule n'est pas seulement ingénieux mais révolutionnaire car, comme le raconta Franquin (dans ses entretiens passionnants avec Numa Sadoul dans Et Franquin créa Lagaffe), il aurait fonctionné dans la réalité.

Pour le fan de comics, et d'Alan Moore en particulier, le Fantacoptère est également l'inspirateur du jet-pack de Tom Strong (visible dès le premier épisode de la série dessinée par Chris Sprouse). Si Franquin n'a pas lu cet hommage, il est indéniable que l'auteur de Watchmen connaissait Spirou et Fantasio.

Enfin, l'élément qui achève de classer ce tome parmi les classiques de la série (et de la bande dessinée en général), c'est l'apparition du plus formidable animal du 9ème Art : le Marsupilami. De toutes les créations de Franquin, il reste (avec le Gaffophone) la plus mémorable et l'artiste conservera toujours une affection spéciale pour lui (en conservant la propriété et l'usage après avoir quitté la série). Par la suite (même s'il le regrettera un peu), il dôtera la bestiole de facultés de plus en plus irrésistibles, comme un jeu avec ses héros et leurs lecteurs.

Quoi qu'il en soit, Franquin ne tardera pas à remettre le Marsupilami en vedette puisqu'il réalisera le tome suivant (Les Voleurs du Marsupilami) dans la foulée et en fera la vraie mascotte de la série.

Graphiquement, Franquin s'est déjà notablement affranchi de l'influence de Jijé en donnant leurs formes quasi-définitives aux personnages. Son trait n'a pas encore la souplesse qui fera sa légende, et le découpage est très académique (avec le fameux gaufrier, rigoureusement employé), mais la lecture est d'une clarté déjà exemplaire.

Une oeuvre et un style sont véritablement en train de naître sous nos yeux durant la soixantaine de pages du récit.

L'album incontournable par excellence : la légende est en marche.

***


UNE AVENTURE DE SPIROU ET FANTASIO : LES VOLEURS DU MARSUPILAMI
est le 5ème album de la série écrit (d'après une idée de Jo Almo) et dessiné par Franquin, sorti en 1954.
*


Au terme de Spirou et les Héritiers, Spirou et Fantasio regrettaient d'avoir privé le Marsupilami de sa liberté en le confiant au jardin zoologique : de fait, l'animal se morfond dans sa cage. Pire, bientôt ils apprennent que la bête est subitement morte !
Mais le corps disparaît et nos deux héros avec le gardien de nuit du zoo, convaincus que le voleur est encore sur place, attendent la fin du jour et des visites pour le coincer. Après une course-poursuite effrénée (à laquelle vient se mêler un varan du Nil désirant s'évader), Spip déchire le paquet du voleur et Spirou arrache la poche de son pantalon d'où s'échappe en outre un papier. Tout cela permet quelques déductions : d'abord, le Marsupilami est encore vivant (le papier du paquet est troué pour permettre à l'animal de respirer), ensuite ils localisent l'adresse et donc l'identité du voleur (Valentin Mollet).
La femme de ce dernier fait promettre de ne pas livrer son mari à la police en échange de quoi elle les informe qu'il est en partance pour Magnana (quelque part dans le Sud - la Côte d'Azur ou l'Espagne). Malgré leurs efforts, Spirou et Fantasio ne réussissent pas à rattraper Mollet qui s'éloigne en avion.
Ils gagnent donc Magnana et l'y cherchent durant un mois. En croisant par hasard la femme de Mollet, ils la suivent jusqu'à un stade et découvrent que Mollet joue dans une équipe de foot. L'interceptant à la sortie du vestiaire, ils le font parler et il avoue avoir volé le Marsupilami pour le compte de Zabaglione dont le cirque se produit en ville et pour lequel il travailla enfant.
Empêchés par le directeur du personnel et son aide, le géant Goliath, d'inspecter la ménagerie, Spirou et Fantasio ne doivent leur salut qu'au Comte de Champignac, en vacances à Magnana, et qui leur offre des pilules grâce auxquelles ils mettent au point un numéro de magie.
Engagés par Zabaglione, ils en profitent alors pour repérer le Marsupilami, mais au moment de le libérer ils sont découverts. Ils se débarrassent, avec l'aide de Mollet (venu au spectacle avec femme et enfants), au prix d'un belle bagarre, de leurs adversaires et peuvent enfin ramener le Marsupilami qu'ils hébergent chez Fantasio.

Le dénouement du tome 4 rendait évident une suite directe, nos deux héros regrettant d'avoir arraché le Marsupilami à sa jungle palombienne. Oubliant leurs scrupules, les héros étaient résolus à voler l'animal au jardin zoologique... Ainsi, alors qu'ils s'apprêtaient à succomber à la malhonnêteté, ils conservent leur satut de justiciers-aventuriers.

Il aura, curieusement, fallu 2 ans pour que ce récit soit publié, alors que Franquin (comme on peut le voir à ses signatures sur certaines vignettes) a réalisé les planches en 52.

La conception de l'histoire n'a pas été évidente non plus : l'auteur savait sur quelle idée il allait la bâtir mais, n'écrivant qu'un vague synopsis, Franquin s'est appuyé sur une idée de Jo Almo pour finaliser son projet. Cette manière de faire continue de surprendre car les aventures de Spirou et Fantasio ne ressemblent aucunement à des récits improvisés - sinon par ce goût récurrent pour des séquences humoristiques en roue libre où il laissait libre cours au développement de gags (en particulier les poursuites, comme celle dans le zoo).

En tout cas, comme à son habitude, et peu importe ses méthodes, Franquin propose un scénario au rythme soutenu, ponctué par des gags savoureux, très visuels, et à l'intrigue faussement simple sans être méandreuse. C'est cela qui est épatant : cette maîtrise derrière la légèreté du processus.

Riche en action, ramenant le Marsupilami au coeur du Spirouverse, c'est un album enthousiasmant qui se dévore.

Graphiquement, Franquin a encore fait mûrir son style : Jijé est totalement oublié et le trait, l'expressivité, la gestuelle, le découpage sont remarquables d'élégance, de souplesse, d'énergie. Presque soixante après, cela n'a pas pris un ride : je me répéte à ce sujet, mais c'est aussi une qualité de ces albums que leur éternelle jeunesse.

Une suite royale pour un des tomes les plus aboutis de la série.

(A SUIVRE...)

Réponse avec citation
  #428  
Vieux 22/07/2014, 18h34
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark


UNE AVENTURE DE SPIROU ET FANTASIO : LA CORNE DE RHINOCEROS est le 6ème album de la série, écrit et dessiné par Franquin (avec le concours de Rosy pour le scénario), publié en 1955 par Dupuis.
*



Fantasio entraîne, pour les besoins d'un reportage destiné au journal "Le Moustique", Spirou dans le cambriolage nocturne du grand magasin "Le Bon Bazar", sur le toit duquel ils atterrissent en fantacoptère.
A l'intérieur, ils découvrent les vigiles ligotés et leur ami Roulebille (rencontré dans le tome 4 : Spirou et les Héritiers) blessé à la suite d'une explosion à l'usine Turbot provoquée par deux bandits à ses trousses pour lui dérober les plans d'un futur prototype, la Turbotraction.
Roulebille confie aux héros la moitié des plans, l'autre étant en possession de son ami Martin (également rencontré dans le tome 4) en fuite. Surgit alors Seccotine, jeune reporter du "Moustique" enquêtant sur cette affaire, qui va aider Spirou et Fantasio à semer les tueurs et évacuer Roulebille.
Seccotine retrouve plus tard le tandem et leur apprend qu'en délirant Roulebille lui a dévoilé que Martin était parti pour une petite ville d'Afrique du Nord, Bab-el-bled. En préparant leur départ, Spirou et Fantasio ne se doutent pas que les tueurs les écoutent et découvrent où ils vont.
Une fois à Bab-el-bled, nos deux héros apprennent que Martin s'est déplacé en Afrique centrale, à M'saragba, et avec Seccotine, ils s'enfoncent dans la brousse, avec les tueurs sur leurs talons. Ils retrouvent Martin, blessé, tandis qu'un policier arrête leurs poursuivants.
Craignant pour sa vie, Martin a cependant confié les plans au roi des Wakukus, un des amis chef d'une tribu locale, à qui il a ordonné de les cacher dans un endroit inaccessible - en l'occurrence, dans la corne d'un rhinocéros... Au milieu d'un troupeau comptant 200 specimens !
Spirou retrouve les plans par hasard, dans la tête empaîllée d'un rhino, chez un marchand en pleine brousse, chez qui il s'était procuré du matériel de chasse.
De retour chez eux, les deux héros reçoivent en cadeau le premier exemplaire de la Turbotraction. Mais Seccotine, toujours à l'affut, en prend quelques photos, tenant là un scoop...

1ère apparition de Seccotine et de la Turbotraction ! Ces deux évènements sont au coeur de cet album jubilatoire, un des plus réussis de Franquin (qui, de toute façon, n'en a pas produit beaucoup de décevant...).


En 62 pages, l'auteur s'en donne à coeur joie dans ce récit faisant partie du cycle des voyages de Spirou et Fantasio : ce qui reste fascinant avec cette histoire qui date de plus d'un demi-siècle, c'est sa fraîcheur, l'énergie qu'elle porte et transmet.

La séquence du début dans le magasin est un modèle du genre : si on l'examine soigneusement (ce qui n'est pas si évident car le flux de lecture est tellement fluide qu'on peut seulement survoler les cases et tourner les pages afin de savoir ce qui va se passer, où cela va aboutir), Franquin s'autorise des libertés, des frivolités étonnantes. Fantasio crochète une serrure, se casse la figure dans un escalier, atterrit dans un landau, et finit sa course folle dans un tas de cartons, en faisant un boucan du diable (alors qu'il est sensé être silencieux puisqu'il simule un cambriolage). Franquin s'amuse constamment avec ce genre d'échappées dans le récit, pour le simple plaisir du gag, et en fait un morceau de bravoure qui, sans ralentir le cours de l'histoire, vient le pimenter (Fantasio a-t-il alerté les vigiles ? Non, car les vigiles sont déjà neutralisés, comme on va le voir, mais en plus il tance Spirou qui arrive en lui demandant à voix haute si tout va bien !).
Cette scène est un clin d'oeil évident à celle de Charles Chaplin faisant du patin à roulettes dans un autre grand magasin dans Les Temps Modernes.

Franquin teste en permanence la résistance de l'élasticité de son récit en développant des péripéties qui pourraient le rallonger atificiellement, donc le ralentir, mais qu'il met en images de manière très dynamique, jouant sur le sens de la lecture, l'enchaînement des vignettes, le défilement des cases.
Tout cela donne une impression incroyable de mouvement et contribue à optimiser le suspense, comme lorsque Spirou, Fantasio et Spip sèment les tueurs dans les rues de Bab-el-bled ou quand ils cherchent en vain à retrouver le rhinocéros dans la brousse.

La partie de chasse au rhinocéros est d'ailleurs l'occasion de démontrer la science "gaguesque" de Franquin, le seul dessinateur à rendre crédible le croche-patte d'un écureuil sur un éléphant. On s'étonne d'ailleurs qu'après avoir présenté le Marsupilami dans le tome précédent, l'animal ne fasse pas partie du voyage (mais il aura l'occasion de venir en Afrique, comme dans Le Gorille a bonne mine et d'y faire des siennes)...

Ce tome est plus centré sur l'aventure que sur la comédie cependant : la présence de tueurs lancés aux trousses des héros donne un aspect dramatique au récit car on craint pour leur vie. Il y est aussi question d'attentat (à l'usine Turbot), ce qui, lorsqu'on remarque que l'album date de 1955, peut passer pour une allusion à la guerre en Algérie (mais la série n'est pas encore politisée, comme ce sera le cas juste après avec l'explicite Le dictateur et le champignon ou le cycle de Zorglub).

L'autre nouveauté de taille est le personnage de Seccotine, à double titre : d'abord, il s'agit d'une femme, ce qui constituait une vraie audace dans une série légère des années 50, et ensuite, c'est une vraie héroïne, pas un simple-valoir ou une potiche. Elle fait face à Fantasio avec aplomb, se révèle dégourdie, pugnace, et sa relation avec les deux garçons est ouverte à bien des interprétations.
Ses disputes avec Fantasio ne trahissent-elles pas une attirance entre eux ? Et la réserve de Spirou ne peut-elle pas être considérée comme de la timidité séduite ? Bien plus tard, la sexualité de Spirou sera au coeur du Journal d'un ingénu, le hors-série magnifique d'Emile Bravo, et dans le (pourtant peu inspiré) tome 50 (Aux sources du Z) Morvan et Yann font s'emprasser le groom et la journaliste pour que le premier, en plein voyage dans le passé, se débarrasse d'elle (avant de s'avouer qu'il a apprécié ce baiser...). En tout cas, Seccotine est un personnage irrésistible.

Album indispensable et fomidablement bien réalisé, ce tome 6 est un vrai classique et un des sommets de la période Franquin.
***



LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LE DICTATEUR ET LE CHAMPIGNON est le 7ème album de la série, écrit (avec Rosy) et dessiné par Franquin, publié en 1956.
*


Le Comte de Champignac a concocté à l'aide d'un champignon un gaz baptisé le "Métomol", dont la propriété est de ramollir le métal. Après avoir fait une démonstration à Spirou et Fantasio venus rendre visite au Marsupilami, le Comte se fait dérober le produit par l'animal qui va alors faire des dégâts en ville. Ces catastrophes font comprendre aux héros que la bestiole doit regagner la jungle de Palombie (d'où ils l'ont ramené dans le tome 4 : Spirou et les Héritiers), son domaine naturel, puisque lee jardin zoologique a dû fermer après avoir fait faillite.
Le voyage en paquebot puis en avion est ponctué par de nouvelles gaffes du Marsupilami et finalement Spirou, Fantasio et Spip sont parachutés en rase campagne. Ils gagnent la capitale Chiquito et découvrent alors que le pays est à la botte de l'armée et du mystérieux général Zantas, qui les convoque à son palais après une bagarre dans un bar.
Nos héros retrouvent alors dans ses habits de dictateur le cousin de Fantasio, Zantafio (lui aussi rencontré dans le tome 4), qui leur propose de devenir ses colonels car ils préparent l'invasion du Guaracha. Ils refusent avant de se raviser dans le but de saboter ce plan.
Par chance, Seccotine, en reportage, les croise et leur permet de communiquer en secret avec l'extérieur, commandant à Champignac du Métomol grâce auquel ils pourront neutraliser l'armée palombienne.
Le projet de Zantafio échoue et il disparaît en jurant de se venger. Il ne reste plus qu'à ramener le Marsupilami dans sa jungle, mais l'animal, attaché à ses maîtres, les suit à leur insu...

Bien que Franquin ait toujours jugé sévèrement son oeuvre, ne ménageant ni ses scénarios (souvent improvisés !) et son dessin de l'époque, on ne peut qu'être étonné et épaté par la maestria de son run sur Spirou, où après des débuts hésitants sous influence Jijé, il a su finalement très vite se trouver et imprimer sa marque sur la série.
A cet égard, Le Dictateur et le Champignon est assurèment un des sommets de son oeuvre "spiroutiste" (comme il la qualifiait), le tome de la maturité.


Le récit est ambitieux et ne déçoit jamais, aussi riche en gags (fournis par un Marsupilami en grande forme, "métamolant" tout Champignac, semant la panique à bord d'un paquebot en libérant un gorille mais aussi à bord d'un avion de ligne - qui effectue un looping ! - , et déclenchant dès l'arrivée à Chiquito une bagarre dans un bar) qu'en action (la description d'une dictature sud-américaine et comment la faire chuter, en "bazookant" des chars ou en détournant un jet).
On a là 62 pages d'un haut niveau, menées à un rythme d'enfer, avec du suspense, de l'humour, et même de politique.


Car ce qui distingue ce volume 7 des aventures précédentes, c'est bien - même si Franquin se défendait de réaliser autre chose que de simples bandes dessinées pour la jeunesse - qu'il préfigure un pan entier de la bibliographie de son auteur en dénonçant les dérives idéologiques au nom de la politique.
Dans ses Gaston, Franquin s'engagera plus franchement pour la défense de l'écologie et contre le militarisme, parfois avec naïveté, parfois avec subversion. Mais l'origine, la source de cela, c'est sans doute Le Dictateur et le Champignon.


La couverture (un exercice que l'artiste n'appréciait pas et où il ne se trouvait pas bon) est déjà surprenante puisqu'on y voit les héros en uniforme de colonels de l'armée palombienne dirigée par Zantafio : Spirou et Fantasio passent d'ailleurs la majorité de l'histoire dans ces habits et cela a valeur de symbole. Ils ne sont plus seulement des aventuriers reporters, mais bien des anarchistes déguisés en hommes d'un pouvoir injuste, répressif, résolus à saboter un régime et un projet d'invasion de l'intérieur.


Le retour au premier plan de Zantafio, après son apparition dans Spirou et les Héritiers, est un double évènement : d'abord, c'est la première fois qu'un adversaire du tandem resurgit, et ensuite, il s'agit d'un vrai méchant, d'un sale type. Bien plus que Zorglub, dont la maladresse le rend cocasse donc sympathique, le cousin de Fantasio est un authentique malfaisant, dont les motivations et les méthodes (paranoïa, espionnage, mégalomanie) n'ont rien de comiques.
Franquin était troublé de lui avoir donné les traits de son ami (et futur co-scénariste) Greg, alors qu'il ne le connaissait pas encore et qu'il se refusait à caricaturer ses collaborateurs. Mais au-delà de cette anecdote, on retiendra plutôt une séquence formidable comme celle du discours de Zantafio devant une foule qui, comme il l'apprendra ensuite, n'a rien entendu à ce qu'il disait car les micros ne fonctionnaient pas : après les cascades de Fantasio dans le Grand Bazar de La Corne de rhinocéros, évoquant les Temps Modernes, c'est au Dictateur du même Chaplin qu'on pense cette fois. Les grands esprits se rencontrent...


Seccotine revient également dans cette histoire, de manière tardive et discrète mais décisive puisqu'elle permet aux héros de mener leur révolution à bien : moins peste mais toujours aussi mignonne, la reporter du "Moustique" reste un personnage féminin d'un modernisme exemplaire dans la bd des 50's.


Enfin, le Marsupilami se taille la part du lion avec des morceaux de bravoure mémorables, écrasant l'écureuil Spip : l'épilogue dans la jungle est tout un symbole, résumant l'affection des héros pour l'animal et réciproquement mais aussi celle de Franquin pour sa créature (la seule dont il tint à garder la propriété exclusive une fois son run sur Spirou achevé).


Graphiquement, l'album est éblouissant de bout en bout : conservant un découpage classique (avec l'emploi du gaufrier), Franquin tire le maximum de son dispositif narratif. La fluidité du flux de lecture est redoutable et donne un tempo échevelé au livre qui se dévore plus qu'il ne se lit.

On voit avec quelle maîtrise le dessinateur valorise les premiers plans quand l'action prime et sait soigner les décors quand il faut situer cette même action : sa Palombie est une synthèse magnifique de l'Amérique du Sud, avec sa sierra, sa capitale à la fois modeste dans son centre et bourgeoise dans ses quartiers résidentielles. La manière dont Franquin arrive à nous faire comprendre où et quand on est est une vraie leçon, c'est toujours limpide et efficace.

Bien entendu, sa gestion des personnages, avec le soin apporté à la gestuelle, l'expressivité, les déplacements, est toujours aussi saisissantes : rien que pour ça, il faut lire et relire ces albums qui sont comme des cours de bandes dessinées, d'art séquentiel avant l'heure ! Tout y est tellement facile, élégant, tout est tellement juste : c'est impressionnant, 54 ans après ça n'a pas pris une ride.

Un chef-d'oeuvre ! Pas moins !
***


LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LA MAUVAISE TÊTE est le 8ème album de la série, écrit et dessiné par Franquin, publié en 1956. Il contient également une courte histoire : Touchez pas aux rouges-gorges. *


Les choses vont mal pour Fantasio : licencié du "Moustique", il vient d'être victime d'un cambriolage où on lui a volé des photos d'identité. Spirou, de passage, essaie de la réconforter mais se brouille avec lui après une brêve partie de Jokari (le jeu que Franquin a préféré illustrer).
Alors qu'il traverse la ville, Spirou voit Fantasio conversant avec son voisin (qu'il lui avait pourtant juré ne pas connaître) et s'éloigner sans le remarquer. Le groom, agacé par l'attitude de son ami, entre dans une bijouterie dont le propriétaire criait "au secours" après avoir été attaqué. Fantasio surgit et est accusé par le commerçant d'être son voleur. Le commissaire Chevelu procède à des vérifications d'identité et laisse partir nos héros.
En voiture, Spirou se fâche à nouveau avec Fantasio qui prétend n'avoir pas rencontrer plus tôt son voisin. Ils se séparent jusqu'à ce que, devant la vitrine d'un magasin de télévisions, Spirou assiste à la retransmission en direct à la présentation du masque d'or de Néfersisit... Volé devant tout le monde par Fantasio !
Résolu à demander des explications à son ami, Spirou se rend chez lui le lendemain matin et le trouve très irrité, racontant qu'il a passé la nuit à faire un voyage à Paris pour un rendez-vous bidon. Le commissaire et ses deux adjoints arrivent et trouvent alors des pièces accablant le journaliste à propos du vol de la bijouterie. Fantasio n'a d'autre choix que la fuite.
Tandis que la police se lance aux trousses de son ami, Spirou examine les photos dans le journal et pense que Fantasio est manipulé, peut-être hypnotisé. Il va chez le voisin de ce dernier et y trouve des indices compromettants - un moulage de la tête de Fantasio, de la matière pour créer un masque - puis surprend une bagarre entre ledît voisin et ses complices. Hélas ! Il ne peut les empêcher de s'échapper, les uns filant en voiture, l'autre l'assommant plutôt que de l'accompagner au poste. Toutefois, le voisin laisse un mot sur la destination de ses acolytes.
Spirou part pour Montauris quand il trouve Fantasio caché dans le coffre de leur Turbotraction. Puis Fantasio, pour semer Chevelu, embarque en train de son côté.
Le commissaire et ses adjoints épinglent le reporter mais Spirou réussit à gagner le domicile présumé des malfrats, tel qu'indiqué par le voisin. C'est ainsi qu'il découvre le cerveau de l'affaire, celui qui a commis ces méfaits sous un masque avec les traits de Fantasio : Zantafio (qui avait juré de se venger dans le tome précédent : Le Dictateur et le Champignon).
Après une course-poursuite, Spirou piège Zantafio dans une cabane où les rejoint le complice du maléfique cousin. Laissant les brigands s'expliquer, Spirou doit encore récupérer le masque de plastique et celui en or de Néfersisit. Il y parviendra, mais au prix d'une cascade apparemment fatale...
Trois mois s'écoulent, le procès de Fantasio est sur le point de se conclure et sa condamnation semble acquise. Il ignore que Spirou est vivant mais amnésique et en possession des pièces qui l'innocenteraient. Mais, par chance, à la faveur d'un concours de circonstances, le groom recouvre ses esprits et surgit au tribunal juste à temps pour sauver son acolyte.

Dôté d'une couverture qui désolait Franquin (il est vrai qu'elle n'est pas très réussie) et d'un titre discuté par son éditeur (l'adjectif "Mauvaise" risquait de nuire commercialement à l'album - le problème se posera à nouveau au tome 11 : Le Gorille a bonne mine qui devait en fait avoir "mauvaise mine"), ce 8ème opus est quand même une nouvelle réussite.


Si Fantasio est le déclencheur de l'histoire, dans la configuration "hitchcockienne" du faux coupable que tout accable, c'est pourtant une histoire dominée par Spirou qui de la planche 37 à 51 s'emploie seul, après l'arrestation de son compère, à démasquer (littéralement) son adversaire et à récupérer les preuves de son innocence. Après un premier morceau de bravoure (la course cycliste remportée malgré lui par Fantasio - planches 30 à 35) à la fois spectaculaire et burlesque, qui rapproche encore une fois Franquin de Chaplin dans la mécanique gaguesque, c'est l'autre occasion pour l'auteur de nous entraîner dans une longue séquence débridée au rythme époustouflant comme il en a le secret.


La dynamique du "couple" Spirou-Fantasio est mise à l'épreuve dans cet album où on les voit se brouiller et se réconcilier jusqu'à ce que groom soit seul aux commandes : on comprend alors que la quête de la vérité (sur la manipulation de Fantasio) est aussi importante pour Spirou que son amitié pour le reporter. Franquin déplorait que son héros n'ait pas plus de caractère : il prouve pourtant le contraire.
Si Spirou est comme beaucoup d'autres aventuriers fondamentalement gentil, loyal, honnête, bon, il est aussi brave, jusqu'à l'intrépidité, déterminé jusqu'à l'entêtement. Mais là où Fantasio est un personnage expansif, tempêtueux, pressé, parfois injuste en étant expéditif, Spirou est plus posé, raisonnable : il n'agit que quand il est certain de son coup et alors rien ne saurait l'arrêter.

Sans être une suite directe du Dictateur et le Champignon - le décor a changé, des éléments en sont absents (comme le Marsupilami, Seccotine) - , le retour de Zantafio relie évidemment les deux albums et a le mérité de ne pas retarder la vengeance qu'il avait promise aux deux héros dans le tome 7.
Franquin ménage toutefois le suspense en révèlant l'identité du malfaisant tardivement (page 39), mais le machiavèlisme et l'énergie déployés par Zantafion soulignent à quel point c'est un vrai méchant après Spirou et Les Héritiers et Le Dictateur... : prêt à tout pour nuire. La vraie némésis de Spirou et Fantasio, c'est bien lui et sa présence même donne une perversité certaine au récit, dépassant la simple aventure distrayante.


Franquin a, sur cette trame policière plus rigoureuse, cependant pu donner libre cours à toute sa virtuosité graphique, notamment dans la seconde partie à Montauris avec la course cycliste mentionnée plus haut puis les efforts de Spirou pour neutraliser Zantafio et récupérer les preuves de sa machination et son butin.

Sans le Marsupilami, et avec la présence discrète de Spip, mais également sans des seconds rôles comme Champignac ou Seccotine, le dessinateur ne dévie pas (ou peu) de l'histoire, mais prouve que même moins fantaisiste, il sait captiver sans faillir.

Le trait est follement élégant et le découpage admirablement fluide : c'est magnifique et imparable. Une autre leçon de narration.

Les deux planches de Touchez pas aux rouges-gorges qui complètent l'album mettent en scène le Marsupilami protégeant une couvée d'oisillons d'un chat. Réalisées pour le magazine de Spirou, elles n'ont pas d'autre intérêt que de nous faire retrouver l'animal palombien, ce qui reste un plaisir.

Un polar "spiroutiste" implacable, quasiment la version "franquinienne" de La Mort aux Trousses. Indispensable donc.

(A SUIVRE...)


Réponse avec citation
  #429  
Vieux 23/07/2014, 18h47
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark


LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LE REPAIRE DE LA MURENE est le 9ème album de la série écrit et dessiné par Franquin, sorti en 1957.
*



Le comte de Champignac a inventé un nouveau produit révolutionnaire à base de champignons, le X4, qui permet de décupler les capacités cérébrales. Pour le tester, il accepte de relever le défi que lui proposent Spirou et Fantasio et lancé par voie de presse par Xénophon Hamadryas : concevoir un engin permettant de descendre dans le grands fonds marins tout en laissant sa liberté de mouvement au plongeur. L'appareil mis au point, reste à le fabriquer et le comte commande les matériaux pour cela. Mais des attentats ruinent les efforts de Champignac, Spirou et Fantasio : d'abord, le camion de livraison est victime d'un accident, puis une explosion endommage le château.
Le trio part dans le Sud et s'installe dans la maison d'un ami du comte, près de la mer, pour y achever leurs travaux. Il rencontre Hamadryas qui leur explique pourquoi il a organisé son concours : il s'agit de retrouver l'épave du "Discret", un de ses anciens cargos commandé par le capitaine John Héléna, et qui aurait coulé.

Spirou descend dans les abysses et découvre l'épave transformé en un repaire alimenté par des générateurs d'oxygène depuis lequel Héléna dirige de juteux mais malhonnêtes trafics. Mais c'eest sans compter sur le Marsupilami, dont la faculté amphibienne lui a permis de suivre Spirou et qui l'aide à neutraliser le malfrat.
Hamadryas rend visite à son ancien capitaine en prison et lui révèle qu'il avait caché une réserve d'or dans une cellule du "Discret", magot qu'il compte récupérer grâce à l'appareil de Champignac. Héléna doit taire le passé mafieux de Hamadryas contre la promesse de ce dernier de le libérer. Mais la police a placé des micros dans la cellule et arrête l'affairiste lorsqu'il tente ensuite de s'emparer du bien du comte par la force. Quant au Marsupilami, il règle son compte à la murène du Cap Rose comme Spirou et Fantasio ont réglé celui d'Héléna et Hamadryas...

Chef-d'oeuvre ! Le Repaire de la Murène est, à mes yeux, le meilleur album de Franquin (seul aux commandes - ses opus écrits par Greg, comme le "dyptique Zorglub", seront d'autres sommets) et il reste mon préféré de tout son run : c'est une histoire que j'ai souvent relue sans jamais m'en lasser.

Tout est parfaitement dosé dans cette aventure, à commencer par le mélange d'action et d'humour : l'intrigue est magnifiquement construite, avec l'idée du concours, l'usage du X4, la découverte de l'épave et des agissements d'Héléna, et enfin la révèlation des mobiles d'Hamadryas. Franquin ménage ses effets avec génie, ponctuant le récit de séquences spectaculaires superbement mis en scène - les sabotages, le recours au Métomol et au Fantacoptère, les tests de plongée. L'auteur convoque ses inventions les plus mémorables pour résoudre et faire progresser l'histoire.

C'est aussi l'occasion de donner au Marsupilami une nouvelle faculté : il est amphibie et ce don sera décisif pour Spirou dans le repaire d'Héléna. Franquin regrettera d'avoir dôté son animal de capacités supplémentaires pratiquement à chaque nouvel album : c'était une sorte de défi potache entre lui et son ami Yvan Delporte (mythique rédacteur en chef du "Journal de Spirou"). Mais la bonne bouille de la bestiole excuse tout : le vrai talent merveilleux du Marsupilami est de donner la banane au lecteur dès qu'il apparaît. Qu'importe alors qu'il soit amphibie, de parler comme un perroquet (comme ce sera le cas dans l'album suivant : Les Pirates du Silence), cette créature est euphorisante et témoigne de la poétique fantaisie dont se sentait curieusement coupable Franquin.

Il ne manque guère que Seccotine à cette aventure pour que tout le "Spirou-gang" soit au complet. Mais la dynamique des personnages fonctionne à plein régime et Spirou lui-même vole la vedette à Fantasio en étant au coeur des séquences-clés, faisant le coup de poing avec les saboteurs, s'enfonçant dans les abysses, défiant Héléna... Preuve, là encore, que le groom n'est pas qu'un simple héros boy-scout dans l'ombre de son bouillonnant complice ou du comte lunaire.

Les dessins atteignent également des sommets d'élégance et d'énergie : le découpage est d'une fluidité imparable, les dimensions des vignettes alternent pour servir au mieux l'action, et l'atmosphère angoissante des profondeurs permet à Franquin de prouver qu'il sait représenter un milieu pour lequel il éprouvait une authentique phobie (car s'il admirait Cousteau, l'artiste détestait l'eau !).

Quel régal ! Voilà vraiment une bd extraordinaire arrivée à son zénith !

***



DEUX AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LES PIRATES DU SILENCE et LA QUICK SUPER est le 10ème album de la série, sorti en 1958.
Il comporte donc deux histoires, la première étant écrite par Rosy, et dessinée par Franquin avec l'aide de Will pour les décors, comptant 46 pages ; et la seconde en comptant une quinzaine.
*



- Les Pirates du silence : Le Marsupilami arrive, épuisé, chez Spirou et Fantasio. Comprenant qu'il vient de chez le comte de Champignac, les deux héros téléphonent à ce dernier, sans succès. Fantasio convainc Spirou, malgré cela, de l'accompagner pour Incognito City, ville où se réfugient vedettes et milliardaires, où il compte faire un reportage - bien qu'y soient interdits les appareils photos.
En route, ils font la connaissance de Juan Corto dos Orejas y Rabo, qui ose les défier en voiture, avant de les inviter chez lui, à Incognito City justement, pour s'excuser. Puis, en s'arrêtant à une station service, ils interrompent une dispute musclée entre le garagiste et deux brutes.
Arrivés à destination, Spirou et Fantasio, après avoir été refoulés d'un palace refusant les animaux, sont hébergés par Alphonse Minet qui s'est entiché de Spip et du Marsupilami. Lors d'une conversation, l'animal révèle à ses maîtres qu'il est doué de parole - comme un perroquet il est capable de répéter certains mots !
Les deux amis décident ensuite de rendre visite à Juan Corto pour lui rendre une mystérieuse fiole qu'il a perdu lors de leur première rencontre. Chez le milliardaire, ils aperçoivent les deux brutes de la station service, en habits de chauffeur et de valet.
Spirou tente à nouveau de téléphoner au comte de Champignac dont le silence commence à l'inquiéter. De retour chez Minet, il trouve le pauvre homme ligoté et qui lui apprend que Fantasio a été enlevé. Le Marsupilami part à sa recherche et sème Spirou en allant jusque chez Corto.
L'animal revient chez Minet et nomme Juan Corto. Spirou comprend que Fantasio se trouve là-bas et découvre, une fois sur place, que le comte est également otage de cet homme qui prépare un hold-up d'envergure en ville grâce à un gaz soporifique créé par Champignac. Celui-ci a heureusement un antidote qu'il injecte à ses amis mais aussi à Spip et au Marsupilami. Ensemble, ils s'emploient alors à stopper les voleurs en leur arrachant leurs masques à gaz jusqu'à l'arrivée de la police, prévenue par Minet et Champignac.
Fantasio , qui a pris des photos grâce à des appareils cachés dans sa pipe et sa montre, croit tenir un reportage sensationnel. Mais c'est sans compter sur le Marsupilami qui le répéte alors à voix haute !


- La Quick Super : M.Content, propriétaire d'un garage, furieux de s'être voler plusieurs voitures et d'être suspecté, accepte quand même que Fantasio (accompagné de Spirou et Spip) essaie son dernier modèle, la Quick Super.
Les deux héros rencontrent peu après le détective de la compagnie d'assurance qui partage ses informations - Content a travaillé dans le passé pour le cirque Zabaglione, qui avait enlevé le Marsupilami (dans le tome 5 : Les Voleurs du Marsupilami) - en échange de leur aide pour coincer les voleurs.
Après une nuit passée à dormir dans la voiture, Spirou et Fantasio poursuivent leurs tests quand le groom aperçoit dans une foire le géant Goliath. Il comprend alors que c'est son acolyte, le nabot directeur du personnel, qui vole les voitures en se cachant dans leur coffre, et qu'ainsi Content escroque les assurances.

Comme le tome suivant, Le Gorille a bonne mine, Les Pirates du Silence est un album mal-aimé de certains fans et de Franquin, qui le jugeait inabouti. C'est pourtant comme le n°11, un opus à réhabiliter car très agrèable à lire.
Quels reproches adressent les détracteurs à ce livre ? De proposer deux histoires moins ambitieuses que de grands classiques antérieurs et ultérieurs, mais ces histoires sont-elles pour autant mauvaises ?
En vérité, Les Pirates du Silence présente la faiblesse inverse du Gorille a bonne mine, dont le récit aurait pu être plus développé : ici, l'argument est peut-être au contraire trop mince pour tenir 46 planches, mais cela ne signifie pas qu'on s'ennuie en le lisant.

Par exemple, l'idée d'endormir une ville entière pour un braquage est ingénieuse et offre un affrontement final spectaculaire (même si Franquin aurait pu facilement en tirer plusieurs planches pleines de cascades comiques). La ville hyper-sécurisée, refuge de riches propriétaires, est déjà une excellente idée en soi et les ruses de Fantasio pour y faire un reportage à sensations, finalement ruinées par la faute du Marsupilami, sont savoureuses. Il aurait été amusant d'inclure Seccotine dans ce récit, effectuant un sujet similaire et concurrent, propice à énerver Fantasio.

Mais, comme il l'a confié à Numa Sadoul (dans le livre d'entretiens Et Franquin créa Lagaffe), Franquin s'est lancé dans cet album en étant vite à court d'idées. Rosy a été appelé à la rescousse et a construit l'histoire, comme le fera par la suite Greg (même si Franquin sera beaucoup plus interventionniste avec ce dernier). Démotivé, un peu honteux, l'artiste a avoué avoir dessiné ce scénario sans conviction.

C'est pourtant un résultat loin d'être déshonorant : les planches sont très élégantes, dynamiques, jamais on ne sent que Franquin s'est forcé pour les réaliser. Le décor est peut-être insuffisamment exploité, mais l'animation des personnages, l'exposition de l'action est parfaitement lisible et efficace.
Créateur exigeant, d'abord avec lui-même, l'artiste n'a pas à rougir de cette aventure.

La seconde partie du programme, La Quick Super, présente également une intrigue plutôt bien ficelée, qui ne mérite pas la sévèrité de son auteur et de certains fans.
Franquin fait référence à un précédent album (le tome 5 : Les Voleurs du Marsupilami) avec habileté pour dénouer cette histoire de vols de voitures. Les véhicules permettent à l'artiste de se (et nous) faire plaisir et la séquence finale où Spirou comprend la magouille de Content et où la Quick Super finit dans le décor est remarquablement découpé, témoignant de la virtuosité avec laquelle Franquin parvenait déjà, bien avant les meilleurs gags de Gaston, à simuler le mouvement dans une suite de vignettes que le lecteur n'aurait pas eu l'idée de zapper pour arriver plus vite en bas de page.

Un album à reconsidérer : ce n'est effectivement pas un sommet du run, mais loin d'être un ratage.

***



DEUX AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LE GORILLE A BONNE MINEe est le onzième album de la série, écrit et dessiné par Franquin, publié en 1959.
Il contient deux histoires, Le Gorille... (42 pages) et Vacances sans histoires (18 pages).
*



- Le Gorille a bonne mine : Spirou et Fantasio partent en Afrique pour y réaliser un reportage-photo sur les gorilles du mont Kilimakali. Une fois sur place, ils rencontrent d'abord deux ingénieurs d'une mine, Lebon et Leblond, qui leur affirment qu'il n'y a plus de singes dans la région où, par ailleurs, plusieurs disparitions d'indigènes ont été signalées.
Mais ces propos sur la présence des gorilles sont ensuite démentis par l'administrateur Badman et l'expédition part comme prévu. Elle va être perturbée par plusieurs incidents provoqués par les ingénieurs et qui ont raison de la motivation de Badman mais pas de Spirou et Fantasio continuent seuls.
Ils rencontrent alors les Wagundus sur le pied de guerre mais calmés par l'arrivée opportune du Dr Zwart, porté disparu.
Enfin, ils approchent les gorilles dont ils font des photographies sensationnelles. Mais, grâce à une piste flairée par le Marsupilami, Spirou et Fantasio découvrent ensuite que Zwart exploite avec Lebon et Leblond une mine d'or clandestine avec des indigènes comme esclaves. Nos deux héros libèrent les malheureux mais laissent les brigands se déchirer pour se partager leur trésor...

Originellement publié dans Le journal de Spirou sous le titre Le gorille a mauvaise mine, ce récit plus court que la moyenne, fait partie des classiques de la série et montre André Franquin au sommet de son art de scénariste et de dessinateur.

Datant de 1959, cette histoire préfigure l'intérêt pour les gorilles de Diane Fossey en 1963 : cette journaliste du National Geographic a connu la gloire avec son livre, puis avec un film où elle était interprétée par Sigourney Weaver, intitulé justement Gorilles dans la brume et qui lui permit de créer une fondation pour protéger l'espèce.

Dans cette aventure, Spirou et Fantasio partent en reportage comme des journalistes free-lance, et non pour le compte du journal "Le Moustique" ou du "Journal de Spirou" : cette situation sera reprise dans l'album suivant, Le Nid des Marsupilamis, et sa conférence vidéo sur l'étonnant animal.

Le Marsupilami vole régulièrement la vedette aux deux héros en permettant à Franquin de quitter les rails bien droits de son scénario pour des scènes merveilleuses de drôlerie où éclate son génie de la mise en scène. Qu'il flanque une rouste à un lion ou la frousse à l'ingénieur Leblond en lui tirant dessus accidentellement avec le fusil volé à Spirou, les exploits du Marsupilami fournissent des planches où la science du rythme, la fluidité du découpage, l'inventivité dee la composition de Franquin restent des modèles du genre. Songez que cet album a 51 ans et vous comprendrez le modernisme de cet artiste chez qui, mieux que tout autre, la suggestion du mouvement, l'art séquentiel (théorisé par Will Eisner) sont exploités au maximum.

Sous son air de conteur sympathique, Franquin a tout au long de sa carrière dévoilé un engagement fort sur quelques thèmes, dont l'écologie est le plus important : ce sera manifeste avec Gaston Lagaffe, mais déjà dans ses Spirou et notamment dans Le Gorille..., cette préoccupation est présente. L'exploitation des richesses naturelles de l'Afrique, la menace de la disparition des grands singes, sont là pour en attester. Il dénonce aussi l'esclavagisme des indigènes, l'avidité des occidentaux. En contrepoint, il souligne l'hospitalité des africains, la beauté farouche des Wagundus, et son dessin est grisé par le décor de la savane dont il restitue à la fois l'ambiance hostile et ludique (là encore avec les escapades burlesques du Marsupilami).

Franquin s'est, c'est évident, documenté précisément pour cette aventure : la carte du Congo encore belge est visible dans la 2 CV des héros, et ensuite le site de leur expédition est précisé (à 100 km au nord du Mont Karisimbi, dans la région du Kivu). La population locale s'exprime en Swahili, dialecte effectivement utilisé là-bas.

Le trait de Franquin n'a peut-être jamais été aussi beau qu'à cette époque : issu de l'école de Marcinelle, il est désormais bien défini et personnel. C'est un dessin rond, tout en souplesse, en délié, d'une élégance fabuleuse, qui perdurera jusque dans les débuts de Gaston Lagaffe (avant de devenir plus nerveux et encore plus vif).

Si vous voulez prendre un cours en abrégé de flux de lecture, savoir comment, sans recourir à des cadrages foutraques, composer une image, enchaîner des vignettes servant l'action de manière limpide et énergique, alors (re)lisez Franquin à cette époque : on n'a pas fait mieux depuis !
*
- Vacances sans histoires : Fantasio veut profiter d'un congé tranquille, loin de tout souci professionnel et de tout ennemi potentiel. Il convainc Spirou, Spip et le Marsupilami de l'accompagner pour une ballade en Turbotraction... Mais c'est sans compter sur le roi du pétrole Ibn-Mah-Zoud, le pire conducteur du monde, daltonien et inconscient. S'arrêtant au Casino, il est laissé en plan par son chauffeur t confond sa propre Turbotraction avec celle de Fantasio, garée tout près. Il n'ira pas loin, mais assez pour effrayer tous ceux qu'il croise et désintégrer le véhicule lors d'une sortie de route dont il réchappe miraculeusement.
Ignorant comment cela s'est passé, Fantasio transforme une De Dion-Bouton 1918 en y incorporant des gadgets saugrenus puis persuade Spirou de l'essayer. De retour chez eux, les deux héros reçoivent la visite de leur ami Roulebille et Ibn-Mah-Zoud qui avoue tout et leur offre comme dédommagement le dernier modèle des automobiles Turbot, la Turbotraction II. L'émir repart avec la voiture rafistolée par Fantasio qui présente l'avantage de ne pas dépasser les 40 km à l'heure.

Cette histoire complète le volume et, bien que d'un intérêt relatif, a quand même le mérite de confirmer les qualités du récit précédent.

Sur une trame minimale, Franquin s'amuse et nous amuse en donnant libre cours à sa passion pour les automobiles et leurs équipements. Comme il le démontra avec Modeste et Pompon, il était féru de nouvelles technologies et de design - pour mieux en montrer les aspects délirants dans Gaston Lagaffe. La manière dont Fantasion "customise" avant l'heure sa De Dion-Bouton est le prétexte pour Franquin de plaisanter sur le caractère malicieux de Fantasio, pondéré par celui plus prudent mais volontaire de Spirou.

En parallèle, Ibn-Mah-Zoud éclipse les deux héros dès qu'il s'empare de la Turbotraction pour entraîner le lecteur dans une folle virée, où, là encore, la maestria de Franquin pour la mise en images est sidérante de dynamisme.

C'est également l'occasion de présenter pour la première fois Gaston Lagaffe (au début et à la fin de l'histoire), de re-faire parler le Marsupilami, et de placer la nouvelle Turbotraction (aux airs de DS futuriste).

Qu'ajouter ?

Houba-houba !

( ASUIVRE...)

Réponse avec citation
  #430  
Vieux 23/07/2014, 19h37
Fletcher Arrowsmith Fletcher Arrowsmith est déconnecté
...
-Généalogiste Sénile--Gardien du Temple-
 
Date d'inscription: avril 2005
Messages: 33 969
Fletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermindFletcher Arrowsmith bat Charles Xavier au mastermind
Les Pirates du Silence est le seul Spirou que mes parents m'ont offert quand j'étais petit (les autres c'est mon acquisition perso). Du coup il garde une place particulière chez moi. J'aime beaucoup l'histoire de cette ville et surtout l'évolution du Marsupilami à la dernière page (à la Doop dans All New Doop #1)
__________________
“Our dreams make us large.” Jack Kirby

MES VENTES DE COMICS : ICI
Réponse avec citation
  #431  
Vieux 24/07/2014, 18h58
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark
Citation:
Posté par arrowsmith
Voir le message
Les Pirates du Silence est le seul Spirou que mes parents m'ont offert quand j'étais petit (les autres c'est mon acquisition perso). Du coup il garde une place particulière chez moi. J'aime beaucoup l'histoire de cette ville et surtout l'évolution du Marsupilami à la dernière page (à la Doop dans All New Doop #1)
Beaucoup de gens que je connais et qui aiment Spirou ont ce rapport affectif avec un album de la série.
Pour ma part, Le repaire de la murène reste un tournant. Après, je n'ai plus pu décrocher et j'ai découvert ce qui a précédé avec émerveillement.

Quant au Marsu à la fin des Pirates..., Franquin était resté très critique. Il considérait que l'avoir fait parler était une erreur (et une facilité scénaristique). Il n'aimait pas cet album, mais bon, il était très sévère avec ses Spirou, peu trouvait grâce à ses yeux. Pourtant, à cette époque, il était sur un nuage : il alignait les albums avec une efficacité incroyable ; même quand l'histoire était moyenne, ça se lit tout seul.
Réponse avec citation
  #432  
Vieux 26/07/2014, 18h05
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark


LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LE NID DES MARSUPILAMIS est le 12ème album de la série écrit et dessiné par Franquin, sorti en 1960.
Il contient deux histoires, Le Nid des Marsupilamis (42 pages), et La Foire aux Gangsters (19 pages), cette dernière illustrée avec Jidéhem (pour les décors).

*



- Le Nid des Marsupilamis : Après leur aventure en Afrique (Le Gorille a bonne mine, tome 11), Spirou et Fantasio reçoivent une proposition pour présenter une conférence sur les grands singes. D'abord réticent, Fantasio se laisse convaincre par Spirou mais au même moment on leur annonce que le programme a changé et qu'un autre documentaire sera présenté. Ils s'y rendent et découvrent que Seccotine a filmé un autre Marsupilami, puis une femelle et leurs enfants, dans la jungle de Palombie.
La vie de ces animaux y est décrite avec précision, de leur relation de couple à la chasse aux piranhas en passant par leur affrontement régulier avec un jaguar ou des singes et la construction de leur habitat.
Mais de retour chez eux, Spirou et Fantasio assurent à leur Marsupilami qu'il restera leur favori.

- La Foire aux gangsters : Le mystérieux Soto Kiki sollicite l'aide de Spirou et Fantasio pour qu'ils assurent la protection du milliardaire John P. Nut menacé par le gangster Lucky Caspiano. Pour cela, il leur enseigne lee judo et leur confie un émetteur-récepteur grâce auquel ils resteront en contact.
Fantasio las d'attendre des nouvelles de Kiki s'éclipse. Spirou reçoit alors un appel de ce dernier le priant de se rendre à la baraque des boxeurs de la foire qui se tient en ville, où serait retenu en otage le fils de Nut.
Spirou a la confirmation que le bébé est aux mains des boxeurs mais l'un d'eux, Bertrand, s'est pris d'affection pour lui et l'aide contre ses complices.
Chez lui, Spirou retrouve Fantasio et comprend alors sa méprise : le bambin est en vérité l'héritier de Honeysuckle, au centre d'une rivalité entre Kiki et Caspiano. Les bandits sont dénoncés à la police et incarcérés. (N.B. : L'épisode connaissait lors de sa publication originale une fin plus complète: Soto Kiki, sorti de l'hôpital, dépose une bombe dans la voiture du bandit Lucky Caspiano qui meurt dans l'explosion, avant d'être arrêté par la police. Cette fin, jugée trop violente, a été coupée pour la sortie en album.)

A nouveau, cet album contient deux épisodes, dont le premier est plus long et le deuxième est une curiosité.

Le Nid... est une histoire singulière (mais devenue recommandée par le Ministère de la Culture pour les enfants) car Spirou et Fantasio sont spectateurs, littéralement, du documentaire réalisé par Seccotine sur les Marsupilamis. Franquin présente les animaux dans leur décor naturel et en profite pour signer un récit détaillé sur leur existence, leurs amours, leur descendance, leurs relations avec les autres bêtes.

La jungle est fantastiquement représentée et offre à l'artiste l'occasion d'illustrer des séquences mémorables : le génie de Franquin pour le running-gag éclate avec les déconvenues du jaguar dont la queue est progressivement dévoré par les piranhas, ces mêmes piranhas qui sont décimés par le Marsupilami déployant ruse et force pour séduire une femelle et protéger leur progéniture.

Un autre gag récurrent est exploité en dehors du film de Seccotine, avec la voisine de Fantasio dans la salle de conférence qui n'arrête pas de manger des bonbons dans des sachets crépitants et de crier d'horreur à chaque séquence où les bébés Marsupilamis sont en danger.

La narration où domine la voix-off de Seccotine et les onomatopées constituant le langage des Marsupilamis est aussi un vrai défi brillamment relevés.

Franquin a pourtant (comme souvent) beaucoup douté durant la réalisation de cet album : la faute à son mentor Jijé qui, en découvrant l'histoire prépubliée dans le Journal de Spirou, lui avait demandé qui il espérait intéresser avec son idée de faux-reportage... Rapidement, et pour longtemps, cet album devint pourtant "culte" auprès des fans de Spirou comme des lecteurs de bd en général. Il est abordable par tous, enfants comme adultes, d'une efficacité imparable, à la fois amusant et tendre : Jijé s'était bien trompé.

Le second épisode est en revanche une étonnante déception dans le run de Franquin. La construction de l'histoire est bancale, souffrant d'une introduction trop longue (avec Kiki, l'initiation au judo, la facilité avec laquelle Spirou et Fantasio acceptent la mission...) et d'un dénouement expédié, bâclé (qui dût d'ailleurs être modifié pour la parution en album).

La présence de Gaston dans un petit rôle paraît forcée, en tout cas elle n'apporte pas grand'chose. Seul Fantasio est bien inspiré en disparaissant rapidement de cette intrigue où seul Spip s'en sort avec les honneurs.

Franquin n'était pas fier de ce chapitre et le jugeait avec sévèrité comme un ratage : c'est lucide.

Inégal mais comprenant une histoire des plus originales, c'est probablement l'opus le plus atypique de la période Franquin.

***




LES AVENTURES DE SPIROU ET FANTASIO : LE VOYAGEUR DU MESOZOÏQUE est le 13ème album de la série, écrit et dessiné par Franquin.
Cette histoire de 46 pages est complétée par une autre, de 13 pages, intitulée La Peur au bout du fil, écrite par Greg, dessinée par Franquin et Jidéhem (pour les décors).

*



- Le Voyageur du Mésozoïque : Le comte de Champignac découvre en Antarctique un oeuf de dinosaure qu'il ramène à son château avec l'aide de Spirou et Fantasio.
Après avoir éclot devant les yeux du comte et de ses amis scientifiques Schwarz, Black et un biologiste, la créature connaît une croissance accélérée par la faute du Marsupilami qui renverse accidentellement du X2 dans son repas.
Le dinosaure provoque alors une série de gaffes en s'échappant du parc du comte et en dévastant Champignac-en-cambrousse dont les habitants fuient, effrayés. L'armée est alertée mais le Marsupilami, après une nuit entière à taper sur le crâne de la bête, réussit à l'assommer.
On isole le dinosaure sur un carré de terre dans le domaine du comte, dont le contour est creusé à l'explosif. Et la ville y gagne une attraction touristique peu commune...


-La peur au bout du fil : Le comte de Champignac réussit à isoler les effets secondaires du X4, qui développe les facultés intellectuelles, mais, par maladresse, alors qu'il téléphone la bonne nouvelle à Spirou tout en se servant du café, boit le résidu nocif de son produit.
Devenu méchant, le comte prépare un attentat au métomol pour l'inauguration de la nouvelle statue du maire de Champignac-en-cambrousse.
Tandis que le biologiste soigne le comte, Spirou cherche la bombe. Tout semble rentrer dans l'ordre jusqu'à ce le marsupilami déclenche l'explosion en sautant sur le détonateur dont Fantasio a oublié de couper le fil le reliant à la bombe...


Comme les trois tomes précédents, Le Voyageur du Mésozoïque se compose de deux histoires, mais cette fois Franquin a opté pour la pure comédie pour la première et reçoit les renforts de Greg au scénario et Jidéhem au dessin pour la seconde (ce qui marque la fin de son run en solo).

Le Voyageur... est un récit délirant et très drôle, dont l'argument est très succinct et préfigure la veine burlesque de ses Gaston : Franquin y déploie son génie comique en brodant sur un thème simple de manière empirique. Plus on avance, plus la situation dégénère, à tel point qu'on ne sait pas comment cela va (et peut) se terminer (bien).
Le dinosaure avec son air parfaitement abruti est immédiatement hilarant et son duel avec le marsupilami est complètement dantesque, la petite bête ayant raison de la grosse contre toute attente (et logique) tandis que les militaires, comme toujours chez Franquin, sont tournés en ridicule (incapables de pulvériser le dino mais détruisant un château dans le brouillard).
Curieusement, le dinosaure disparaîtra de la série après cette entrée fracassante et il faudra attendre le récent tome 51, Alerte aux zorkons, de Vehlmann et Yoann, pour le revoir (qui plus est dans un vrai rôle et pas comme simple figurant)...

Franquin, comme à son habitude a-t-on envie de dire, jugeait cet album avec sévèrité, pointant la croissance du dinosaure trop rapide et le scénario trop léger : c'est pourtant dans ce cadre minimaliste où il pouvait improviser à plaisir, en osant de telles énormités, qu'il était sans doute le meilleur. Il est étrange de constater le peu d'indulgence qu'il avait pour ses libertés prises sur Spirou alors qu'il s'est complètement débridé sur Gaston...

Graphiquement, il s'en donne à coeur joie et son dessin a atteint une élégance mêlée de dynamisme qu'il n'a jamais égalé ensuite : on peut affirmer que Franquin est alors à l'apogée de son style classique, après avoir été influencé par Jijé (brièvement, au regard de l'abondance de sa production dans les années 50) et avant d'aller vers un trait beaucoup plus nerveux (de Gaston aux Idées Noires).
Le découpage a beau être simple, il est d'une fluidité redoutable, conférant un rythme échevelé à l'ensemble.
*
Le plus souvent décevant ou en mode mineur dans ses histoires courtes, Franquin livre un vrai bijou avec La Peur au bout du fil : il illustre ce scénario de Greg avec le soutien de Jidéhem aux décors et le mariage est parfait.

Greg articule son récit sur une narration parallèle (Spirou à la recherche de la bombe, Fantasio et le biologiste neutralisant le comte) et la chute est aussi drôle que cruelle. Le comte est comme dans Le Voyageur... au départ de l'intrigue et sa maladresse n'a d'égale que son génie, ce qui annonce l'arrivée de Zorglub dans les tomes 15 et 16.
Spirou y est également beaucoup plus et mieux mis en avant que Fantasio (très enrhumé dans la première histoire, éclipsé par le biologiste et le comte ici), s'affirmant comme un vrai homme d'action.
*
Un album essentiel par sa drôlerie : c'est léger, certes, mais irrésistible.

***



SPIROU ET FANTASIO : LE PRISONNIER DU BOUDDHA est le 14ème album de la série, écrit par Greg et dessiné par Franquin, assisté de Jidéhem pour les décors, publié en 1960.

*


Venus rendre visite au comte de Champignac, Spirou, Fantasio, Spip et le Marsupilami découvrent son parc envahi par une flore géante mais aussi équipé d'un système de sécurité inattendu.
Leur hôte élude leurs questions mais, la nuit venue, Fantasio rôde dans le château et découvre ce que le comte leur cachait en la personne du scientifique russe Nicolas Nicolaïevitch Inovskyev, co-concepteur du G.A.G. (Générateur Atomique Gamma). Cet engin peut supprimer la pesanteur et accélerer la croissance des plantes ou dérégler le climat. Mais le savant refuse qu'il soit employé à des fins militaires et se cache. Mais des espions sont à ses trousses.
Après avoir fait arrêter lesdîts barbouzes à la foire aux bestiaux de Champignac-en-cambrousse, nos héros apprennent que l'autre inventeur du G.A.G., l'américain Harold W. Longplaying, est prisonnier en Extrème-Orient (le pays n'est pas nommé mais il ne fait aucun doute qu'il s'agit de la Chine).
Spirou entraîne toute la bande sur place où ils apprennent par des agents anglais que le scientifique est détenu dans la vallée des 7 Bouddhas. Jugeant urgent d'intervenir, ils vont le libérer et avec l'aide opportune du Marsupilami, ils parviennent à s'introduire dans la prison et à sauver Longplaying. Il leur faut encore quitter le pays en évitant l'armée lancée à leur poursuite.
De retour à Champignac-en-cambrousse, Longplaying et Inovskyev perfectionnent le G.A.G. et, en le testant, mettent carrèment en orbite la statue du maire !

Ce long récit de 60 pages officialise Greg comme scénariste de la série, après trois albums composés de deux histoires de différents formats. C'est donc une date dans l'histoire de Spirou et Fantasio et le run de Franquin.

Depuis 1955, l'artiste a développé sa production à un rythme échevelé et la rencontre avec Greg se produit alors qu'il est passé chez le concurrent, les Editions du Lombard, où, dans les pages du "Journal de Tintin", il crée Modeste et Pompon (auquel participera également Goscinny). Franquin s'était alors fâché avec Charles Dupuis à cause des royalties qu'il touchait et avait carrèment démissionné pour signer un contrat de cinq ans chez le rival du "Journal de Spirou". Rapidement, il se réconcilie avec son premier éditeur et doit donc fournir des planches à la fois pour "Spirou" et "Tintin" ! Le Lombard acceptera de réduire la durée de son engagement et Modeste et Pompon sera repris par Dino Attanasio.

Mais se consacrer à Spirou et Gaston épuise Franquin, qui doute en permanence de la qualité de ses scripts et n'est jamais content de son dessin (il ne le sera jamais vraiment, et c'est le drame de ce génie que d'avoir été toujours si exigeant alors qu'il avait de l'or au bout du crayon). Greg va l'aider à écrire et Jidéhem deviendra son assistant pour les décors, mais contrairement à Hergé qui refusa de créditer Edgar P. Jacobs sur les albums de Tintin qu'ils recomposèrent ensemble, Franquin tiendra à citer ses partenaires (à une époque où les scénaristes n'étaient guère considérés et les assistants encore moins).

Le Prisonnier... est donc la première grande collaboration du trio, avant le dyptique du "Z" qui restera comme leur sommet. C'est un récit d'aventures très réussi, même si Franquin trouva ensuite à redire sur des éléments comme le nom du G.A.G. et ses facultés (qu'il aurait voulu limité à la suppression de la gravité).

L'action est typique des meilleurs Spirou avec la découverte imprévue (le G.A.G.), la décision de partir au secours de Longplaying, et une cascade de rebondissements alternativement causés et réparés par le Marsupilami et/ou Fantasio. Spirou s'affirme encore davantage comme un meneur, entraînant la bande à sa suite, dirigeant les manoeuvres, ne reculant devant aucun danger, tout en n'étant pas impassible ou infaillible.

Greg déploie sa verve de dialoguiste avec un peu trop de générosité pour ne pas ralentir parfois l'action : c'est le signe de la dualité qui sera au centre du dyptique Zorglub, avec d'un côté un scénariste bavard et de l'autre un artiste qui n'est jamais meilleur que dans le pur mouvement, quitte à sortir des rails du récit. Mais si Greg freine un peu le tempo d'un côté, il apporte à Spirou un plus grande rigueur dans la construction narrative justement et l'album ne faiblit jamais durant 60 pages, en donnant de grands moments à chaque héros, avec d'authentiques morceaux de bravoure (l'escalade de la montagne des Bouddhas est un chef-d'oeuvre d'humour et de suspense).

Graphiquement, l'énergie de Franquin est intacte et donne lieu à des planches admirables, sublimées par les décors incroyablement peaufinés de Jidéhem : le découpage est irréprochable et la composition des plans est soignée à l'extrème.
A bien des égards, il y a là parmi les plus belles planches de la série, pleine de dynamisme, de fluidité, avec un trait à la fois élégant et nerveux dont il faut savoir qu'elles étaient encrées au pinceau : quel coup de main pour arriver à ce résultat que la plupart des dessinateurs n'atteignent pas avec une panoplie entière de plumes et de feutres !
*
Un grand cru que l'année 1960 et ce numéro en témoigne : un incontournable absolu !

(A SUIVRE...)

Réponse avec citation
  #433  
Vieux 26/07/2014, 22h57
Avatar de Carmelo
Carmelo Carmelo est déconnecté
Jeune pousse
 
Date d'inscription: mai 2013
Messages: 543
Carmelo change la caisse du Fauve
Encore merci pour ces critiques que tu nous fait. J'ai très peu lu de Spirou et Fantasio mais j'aime beaucoup le travail de Franquin notamment avec Gaston qui fait parti de mon enfance. Faudrait qu'un jour je me (re)lise tout ces classiques à l'instar de Tintin ou Astérix.
Réponse avec citation
  #434  
Vieux 27/07/2014, 18h55
Avatar de wildcard
wildcard wildcard est déconnecté
Hawkguy
 
Date d'inscription: février 2009
Localisation: Chez moi
Messages: 11 674
wildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Starkwildcard pisse du haut de la Tour Stark
J'ai longtemps préféré le Franquin de Gaston, sans doute aussi parce que c'était une oeuvre plus personnelle, et graphiquement, c'était fantastique.
Mais en me replongeant dans ses Spirou et Fantasio, je l'ai redécouvert, lui et ces personnages. C'est vraiment une "feel-good" bd, le dessin y est tellement beau et bon, les histoires tellement rafraîchissantes. Il y avait vraiment chez ces auteurs, dans ces séries, quelque chose de revigorant, on voyait que c'était de la bd faite pour le plus grand nombre mais sans facilité. C'est quelque chose qui s'est perdu.

Bon, après, Tintin, je suis moins client, même si je suis quand même fasciné par l'épure "hergéenne", ce rigorisme incroyable : ce mec a quand même posé des bases fondamentales. C'est plutôt ce qu'il raconte qui m'intéresse moins.

Astérix, il faudra que je le relise un jour. Le phénomène que c'est devenu a tendance à parasiter un peu sa lecture, mais Goscinny et Uderzo, quand même, ça mérite une deuxième chance. Et puis je suis un fan d'Oumpah-Pah.

En tout cas, merci pour avoir lu ce que je raconte (la suite et fin bientôt).
Réponse avec citation
  #435  
Vieux 27/07/2014, 22h53
Avatar de Mandrill
Mandrill Mandrill est déconnecté
Super-Singe
 
Date d'inscription: mars 2005
Localisation: Montrouge
Messages: 2 502
Mandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardinMandrill joue à l'Homme-Taupe dans son jardin
Merci tu m'as vraiment donné envie de relire mes albums qui ont suivis mes déménagements sans que j'y touche beaucoup ces 15 dernières années

Je réalise du coup qu'il me manque pas mal d'albums de Franquin, facile les deux tiers ! (j'ai surtout des Tome et Janry, qui sortaient quand j'étais au collège et que je lisais Spirou Magaziiiine) et je me demande si je vais pas compléter ça avec les intégrales. Mais acheter les albums manquants d'occase me reviendrait moins cher... Est-ce que les intégrales contiennent un peu de matériel inédit en album, ou est-ce que le rédactionnel est une bonne valeur ajoutée ? (ça peut influencer mon choix) Et est-ce que l'ordre chronologique des récits change beaucoup par rapport aux albums ? (a priori Wildcard n'a pas ces intégrales donc mes questions s'adressent aux lecteurs du topic )

Mon album fétiche à moi reste Le Nid des Marsupilamis, ça doit être le premier que j'ai lu et celui que j'ai le plus lu avec les Zorglub, vu que je le relisais chaque fois que j'allais en vacances chez mon oncle et ma tante (mon cousin avait 12 ans de plus que moi et une grosse collection de BD, il est d'ailleurs devenu illustrateur !) #tranchedevie

Dire que je ne l'ai même pas chez moi, un comble !

Assez d'accord avec toi quand tu dis que le marsu nous fout la banane à chaque apparition : il est totalement imprévisible, on ne se lasse pas de sa gestuelle et des milliers de fonctions que sa queue peut avoir !
__________________
Je pense donc je signe.
Réponse avec citation
Réponse


Règles de messages
Vous ne pouvez pas créer de nouvelles discussions
Vous ne pouvez pas envoyer des réponses
Vous ne pouvez pas envoyer des pièces jointes
Vous ne pouvez pas modifier vos messages

Les balises BB sont activées : oui
Les smileys sont activés : oui
La balise [IMG] est activée : oui
Le code HTML peut être employé : non

Navigation rapide


Fuseau horaire GMT +2. Il est actuellement 21h40.


Powered by vBulletin® Version 3.8.3
Copyright ©2000 - 2024, Jelsoft Enterprises Ltd.
Version française #20 par l'association vBulletin francophone
Skin Design et Logos By Fredeur
Buzz Comics : le forum comics n°1 en France !