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Vieux 16/08/2010, 15h03
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Acte III

"This is the end / My only friend / The end..."

Pour cette dernière partie de la rétrospective, nous allons donc examiner les trois derniers arches narratives de Daredevil écrites par Brian Michael Bendis et illustrées par Alex Maleev : Golden Age, Decalogue et The Murdock Papers, qui couvrent les épisodes 66 à 81.




L'Âge d'Or (#66-70, Décembre 2004-Avril 2005) introduit le personnage d'Alexander Bont, le premier parrain du crime avant le Caïd. En 1946, il tue le Défenseur, un justicier masqué : ce coup d'éclat marque le début de son règne. En 1966, stoppé par Daredevil, il est incarcéré et Wilson Fisk le remplace.

Lorsqu'il apprend par la presse que Matt Murdock est DD, alors qu'il va être libéré, il entreprend de se venger en employant le Gladiateur et en consommant la drogue produite par le Hibou.
Cependant, l'agent fédéral Angela Del Toro, nièce de feu White Tiger, aborde Murdock pour qu'il la forme comme super-héroïne (elle a hérité de la gemme de son oncle). Lorsque Daredevil disparaît, enlevé pour être torturé par Bont et le Gladiateur, elle part à sa recherche comme d'autres acolytes du diable rouge...


C'est sur cette trame très classique que Bendis enrichit la mythologie de son héros en remontant loin dans le passé... Et en se heurtant du même coup au problème de la temporalité dans les comics.

Les super-héros ne vivent pas seulement dans un monde dissemblable au nôtre, ils évoluent également dans un temps différent. Dans un de ses romans, Vestiaire de l'enfance, Patrick Modiano, un auteur dont l'oeuvre est une réflexion sur le passé et ses conséquences, décrit le temps passé en exil au Mexique par son héros comme un "présent éternel". On peut considérer de la même manière le temps des comics, un présent éternel, où des évènements écrits par les scénaristes il y a cinquante ans se sont, dans cette réalité alternative, déroulés en fait il y a une semaine.

Bendis est confronté malgré cela à cette même relation au temps : il anime avec Daredevil un héros "né" dans les années 60 mais dont les aventures se sont en fait déroulées sur quelques années tout au plus. En datant l'historique de Bont et donc celle de Murdock, il joue contre cette absurdité des comics où l'on ne sait jamais quand quelque chose se passe vraiment et si on le sait en quelle année nous sommes sensés être aujourd'hui (même si les accessoires peuvent nous renseigner sur ce point - voir par exemple le design des véhicules, des décors, la présence de certains outils comme les téléphones portables).

Si ce qu'établit Bendis dans L'Âge d'Or se passe en temps réél, alors Bont est nonagénaire et Daredevil doit avoir au moins soixante ans : c'est donc aussi grotesque que vain de vouloir dresser une chronologie comme il l'a fait ici. Mieux vaut se contenter de suggérer une époque révolue en représentant son folklore (les années 40 et les débuts du crime organisé)...

Ensuite, ces épisodes restent assez décevants car, bien qu'avec le personnage d'Angela Del Toro, Bendis continue d'évoquer les tracas récents de Murdock (la mort du Tigre Blanc, l'enquête du FBI au sujet de sa double vie d'avocat-justicier), il échoue justement à rendre vraiment intéressant cette nouvelle protagoniste et la tension si bien distillée dans les premiers arcs se dilue de plus en plus depuis Le Roi de Hell's Kitchen et La Veuve. Le cas de Del Toro est particulèrement troublant car il semble que son personnage ait été créé pour s'excuser d'avoir tué celui du Tigre Blanc, le seul héros porto-ricain de Marvel, inventé par George Pérez (lequel dessinera le costume de l'héroïne). Dans une série déjà bien fournie en figures féminines remarquables (Elektra, la Veuve Noire, mais aussi Karen Page et Milla Donovan), Angela Del Toro manque singulièrement de charisme et Bendis ne saura jamais bien l'utiliser (alors qu'Ed Brubaker s'en servira, tardivement certes, mais avec ingéniosité - cf. Lady Bullseye et Return of the King).


Non, le véritable intérêt de cet arc réside dans les illustrations d'Alex Maleev, qui exécute un fort bel exercice de style. En effet, L'artiste modifie son dessin en fonction des époques évoquées et s'en acquitte à chaque fois avec maestria : noir et blanc pour les années 40, couleurs tramées et sommaires pour les années 70, et trait infographié pour l'action actuelle.

Matt Hollingsworth parti travailler pour le cinéma à ce moment-là, c'est Dave Stewart qui hérite du poste et commence donc sa collaboration avec Maleev sur ce tour de force. Il gardera la place jusqu'à la fin de l'ère Bendis, imprimant une palette différente mais très convaincante (même si je dois avouer préférer Hollingsworth).


Le titre de l'album est trompeur : en vérité, cet "âge d'or" du run de Bendis-Maleev est déjà un peu passé...




Le Décalogue (#71-75, Mai-Septembre 2005) est un peu la réponse de Bendis à Maleev après L'Âge d'Or : l'artiste a livré une excellente copie dans l'arc précédent mais l'histoire était faiblarde, ici le scénariste rend une histoire passionnante sans que les illustrations ne lui volent la vedette.


Brian Michael Bendis dévoile les évènements survenus durant l'année écoulée, juste après que Daredevil ait détrôné Wilson Fisk pour devenir le nouveau Roi de Hell's Kitchen. Cette découverte est décrite via un groupe de parole composé d'habitants du quartier dans une église, chacun raconte un fait marquant dont il a été le témoin et impliquant Daredevil et ces récits sont inspirés par les dix commandements.

Un regret étreint le lecteur avec ces épisodes : pourquoi Bendis n'a-t-il pas développé son idée en explorant tous les commandements, livrant à coup sûr une saga bien meilleure que tous les chapitres des arcs précédents (La Veuve et L'Âge d'Or) ? Le procédé est tellement bon et bien traité qu'on rêve à ce qu'il en aurait été.

Tout le talent de dialoguiste de Bendis est à l'oeuvre dans ces cinq volets : la performance est remarquable car jamais on ne s'ennuie alors que le héros et les scènes d'action sont relégués au second plan (même si le combat contre le Pitre est mémorable). En fait, il s'agit d'un exercice sur l'évocation, autrement dit rendre présent à l'esprit, à la mémoire, mais en quelque sorte aussi faire apparaître par des procédés magiques car Daredevil est traité autant comme un homme de chair et de sang que comme une créature mythique, une légende urbaine. Ces témoins parlent-ils vraiment d'un type en costume de diable, d'un diable bienfaiteur, ou fantasment-ils sur un démon protecteur, une silhouette de conte à la fois monstrueuse et rassurante ?

Le procédé même, qui consiste à ne presque plus montrer le héros pour mieux en suggérer l'importance, est très habile et synthétise l'approche de Bendis depuis le début de son run où il s'est employé à "effacer" DD pour mieux (et plus) utiliser Matt Murdock. En portant le personnage à une dimension iconique, il établit une passerelle entre le héros décrit par Frank Miller (vision religieuse) et Ann Nocenti (vision fantastique) : le Daredevil de Bendis est finalement un héros confronté à la morale, à sa propre moralité. La dualité de Matt Murdock et son alter ego, avocat le jour appliquant la Loi, justicier la nuit faisant régner l'Ordre, est redessinée : les commandements sont en fait le prolongement du cadre légal, les garde-fous du vigilant. Daredevil lutte contre les voleurs, les assassins, et tous ceux qui profanent les canons moraux. Mais en devenant le nouveau Caïd, n'a-t-il pas enfreint ce code moral en réglant les problèmes de manière aussi discutable que ses ennemis ? Bendis semble répondre que oui et que bientôt sonnera l'heure de la chute, le retour de bâton est imminent (il est intéressant d'ailleurs de savoir que c'est avec l'approbation de son successeur, Ed Brubaker, que Bendis choisira la punition de son héros et que, dans son propre run, Brubaker finira par faire passer Daredevil du "côté obscur de la force", comme s'il était devenu irrécupérable).

Au dessin, Alex Maleev réalise de belles planches toute en sobriété où brille toute sa maestria pour représenter les visages, figurer leurs expressions. Ces épisodes préfigurent des séquences similaires dans New Avengers : Illuminati et Dark Reign : La Cabale (ce dernier numéro étant cependant certainement ce qu'il a produit de plus faible).

La colorisation de Dave Stewart est superbe, très nuancée, mais hélas ! il sera bien moins inspiré pour le volume suivant...



Le Rapport Murdock (#76-81, Octobre 2005-Mai 2006 ) est donc la conclusion d'un run consistant de cinq ans, durant lequel Brian Michael Bendis et Alex Maleev ont fortement marqué de leurs empreintes la série et son héros. Au coeur de leur travail, les thèmes de l'identité et de la moralité : 50 épisodes divisés en deux temps (la révèlation du secret du justicier et ses conséquences), quelques déviations superflues... Jusqu'à ce dénouement.

Matt Murdock avait presque réussi à se débarrasser de ses tracas : il a renvoyé Wilson Fisk en prison, a mis la main sur son quartier natal, a gagné le pardon de ses amis super-héros, trouvé l'amour (provisoirement), lassé le FBI... Mais comme le reporter Ben Urich, il n'avait pas envisagé l'alliance entre le Caïd et les autorités fédérales et cela va causer sa perte.
Au centre de cette intrigue, ces fameux Murdock papers : des documents rassemblés des années durant par Fisk prouvant que l'avocat aveugle est bien Daredevil. En échange de ces preuves matérielles, il obtient du directeur du FBI l'amnistie pour ses crimes. S'ensuit une palpitante course-poursuite où tous les coups sont permis pour savoir qui s'emparera du dossier compilé par le Caïd sur son ennemi.

Après trois arcs inégaux et qui s'écartaient trop de l'intrigue mise en place au début, Bendis avait beaucoup à se faire pardonner et il ne rate pas sa sortie en parvenant à créer un suspense riche en action, tout en exposant parfaitement les manigances des protagonistes (avec un plan diabolique du Caïd pour pièger Daredevil et Urich) et leur faculté à anticiper ce qui va se produire. Le scénariste s'offre même une parenthèse onirique dans le dernier épisode, faussement optimiste, qui prononce le point de non retour atteint par son héros et l'inéluctabilité de sa chute.

Cerise sur le gâteau, Bendis a convié pour cet épilogue tous les proches de DD, justifiant leur présence par l'intensité et la complexité de l'enjeu : ils sont venus, ils sont tous là - Foggy Nelson, Ben Ulrich, Elektra, la Veuve Noire, Bullseye, le SHIELD (avec Mariah Hill, qui a succèdé à Nick Fury), Milla Donovan, Angela Del Toro, l'infirmière de nuit, Luke Cage, Iron Fist et le Hibou.

Le run de Bendis s'achève sur une note noire mais prévisible et on mesure mieux à quel point la transition avec la première histoire de Brubaker est organique.

Alex Maleev déçoit un peu : son style a évolué vers un classicisme convenu et le fait que l'action se déroule majoritairement en plein jour ne permet pas de le retrouver dans ses ambiances entre chien et loup où il excelle. Néanmoins, il réussit de fort belles scènes d'action, très fluides, et laa séquence rêvée de la fin, avec notamment la nuit d'amour entre Murdock et Elektra, est superbe.

La colorisation de Dave Stewart est le point le faible de cet arc : la palette utilisée est très pauvre. En soi, ce n'est pas forcèment un problème, mais encore faut-il savoir en tirer profit et Stewart n'a pas dans ce domaine le brio de Richmond Lewis, qui avec peu fit énormèment sur Batman : Year One (par exemple).

*

Voilà, c'est fini : après 50 épisodes, Bendis a préféré confier la série qu'il a contribuée à revitaliser à une autre équipe, craignant comme il l'explique dans la postface du tpb en vo le combat de trop. Cette lucidité est tout à son honneur, même s'il a un peu délayé la sauce dans la seconde partie de son passage.

L'autre regret restera qu'Alex Maleev n'ait pu assurer l'intégralité des dessins, cédant sa place au troisième acte. Mais sa longévité sur le titre et la qualité globale de sa prestation reste d'un niveau remarquable.

Bendis et Maleev ont beaucoup expérimenté avec leur Daredevil, ce qui en fait naturellement une bande dessinée inégale, parfois passionnante, parfois frustrante. C'est en tout cas une période à part, comme l'ont été celles de Frank Miller, David Mazzucchelli, Ann Nocenti et John Romita Jr.

Ed Brubaker et Michael Lark ont proposé une version plus classique, très efficace, avec un dénouement encore plus radical. Mais cela a fait l'objet d'autres articles (ici : http://www.buzzcomics.net/showpost.p...&postcount=170 et là : http://www.buzzcomics.net/showpost.p...9&postcount=76 ; http://www.buzzcomics.net/showpost.p...&postcount=279 ; http://www.buzzcomics.net/showpost.p...&postcount=284 ; http://www.buzzcomics.net/showpost.p...&postcount=287)...

Dernière modification par wildcard ; 16/08/2010 à 15h18.
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