#31
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Nous y voilà : c'est la "mid-season finale", comme disent les américains pour désigner le terme de la première partie d'une saison pour une série télé - et ici appliqué au sixième épisode sur les douze au total que compteront la série Mister Miracle par Tom King et Mitch Gerads. Sachant que le titre va faire une pause au mois de Février, est-ce que cette étape décisive va nous laisser aussi pantelant que les fois précédentes ?
On retiendra d'abord, même si c'est anecdotique, que Mister Miracle #6 contient le premier texte rédigé par Brian Michael Bendis pour une publication de son nouvel éditeur : le scénariste, qui a annoncé son départ de Marvel après dix-sept ans fin 2017, signe en quelques lignes un éloge éloquent sur les qualités de la série de Tom King en expliquant que chaque année, une série se distingue, sort du lot, en mettant d'accord aussi bien les critiques que le public. Et cette année, cette série est indéniablement celle-ci. Les faits, les chiffres, l'ont prouvé : en effet, les six premiers épisodes ont été un carton éditorial, salué par la presse, confirmé par des ventes telles que chaque numéro a dû être réimprimé à plusieurs reprises. Pour retrouver un phénomène équivalent, même si ses scores étaient moins élevés et sa parution plus inégale, sans doute faut-il remonter au Hawkeye de Matt Fraction et David Aja. A la lecture de ce nouveau chapitre, avant la reprise en Mars (les auteurs ont bien mérité un break et stratégiquement, ce bref arrêt ne peut qu'attiser la curiosité et l'impatience du lectorat), ce qui frappera surtout, c'est ce sentiment jouissif que vous avez sans doute connu au moins une fois dans votre vie de fan : cette espèce de frisson de plaisir, cette électricité jubilatoire qui vous parcourt l'échine à mesure que vous tournez les pages de votre fascicule parce que ce que vous lisez vous donne un sourire pleinement satisfait, vous procure un bonheur intense, cette impression de perfection, de mécanique parfaitement huilée, quasiment musicale. Il y a en effet une comparaison à établir avec une chanson dans cet épisode : dès les premières notes de l'intro, on pressent ce mouvement irrésistible qui va vous emporter telle une vague et ne redescendre qu'à la dernière page. Entre temps, vous aurez traversé une vingtaine de planches si merveilleusement écrites et dessinées qu'elles auront la puissance rythmique et la saveur harmonique d'un morceau imparable. Ce numéro est comme un cadeau offert par Tom King à son dessinateur Mitch Gerads : jusqu'à présent on avait pu admirer la fidélité rigoureuse de l'artiste à traduire visuellement les scripts de son partenaire, mais Mister Miracle manquait peut-être de ce qui définit un comic-book super-héroïque dans ses fondations mêmes, un épisode d'action pure rehaussée de dialogues décalés où les héros accomplissaient leurs exploits (braver mille pièges, vaincre toute résistance) avec une attitude so cool. Si on avait entrevu dans le #2 les capacités spectaculaires de combattant d'un néo-dieu comme Mister Miracle face aux Paradémons d'Apokolips, voir ici Scott Free et Big Barda dézinguer des gardes de New Genesis avec une efficacité insolente, survivre à des dragons, braver le vide ténébreux sur un fil, neutraliser Lightray après avoir échappé à une antichambre au mécanisme mortel, tout cela est absolument grisant. Et ça l'est d'autant plus que les échanges entre Barda et Miracle sont savoureux : en franchissant des obstacles insensés, ils discutent aménagement, ameublement, gestion de l'espace commun. Cette manière de se moquer du danger en conversant des aspects les plus commodes de la vie à deux rompt avec la gravité et la réalité altérée dans sa perception des précédents épisodes. Nous sommes dans une aventure pure, un morceau de bravoure destiné à nous montrer les qualités physiques exceptionnelles des personnages parce que capables de communiquer ainsi en se sortant de difficultés incroyables. L'exploit est aussi admirable parce que Gerads continue de l'animer en respectant ce découpage en "gaufrier" de neuf cases immuable. On a eu le temps de constater auparavant combien ce cadre formel ne l'embarrassait pas - au contraire, il en jouait en virtuose. Mais était-il possible qu'il en repousse encore les potentialités ? La réponse est affirmative : il s'amuse même avec ! Ici, il exploite l'effet de la continuité séquentielle (la bataille contre les deux gardes après le bain avec les dragons), là, il utilise l'espace négatif (à mesure que l'antichambre qui menace de les écraser se comprime, l'image rétrécit jusqu'à ne plus montrer qu'une fente lorsque Barda suite en rampant Miracle hors du piège). Chaque scène est une sorte de défi graphique dont Gerads trouve, à l'instar de son héros, la clé, la solution, mais de manière ludique : le regard du lecteur est stimulé par l'inventivité du dessinateur pour déjouer la monotonie du découpage et la répétition des menaces que doivent vaincre Barda et Miracle. Tout cela est donc si bien fait que lorsque nous sommes à la dernière page, l'insouciance nous a (re)gagnés comme Mister Miracle alors que le plus dur (l'impossible ?) reste à faire : pénétrer dans les quartiers privés d'Orion pour qu'il annule sa condamnation à mort. Entre temps, Scott Free aura appris, de façon étonnamment désinvolte de la part de Barda, qu'il va être père et nous le quittons alors qu'il va affronter celui qui a décrété sa mort. Tom King et Mitch Gerads sont devenus maîtres dans l'art du grand huit émotionnel, mais à mi-chemin de leur aventure exceptionnelle sur ce titre, on peut dire encore une fois qu'ils nous épatent par leur génie de l'imprévisibilité et leur exigence intacte à divertir sans abêtir. Phénoménal. Exemplaire. Magique. |
#32
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Quand Mark Millar écrivit la saga Old Man Logan il y a pile dix ans, il avait promis d'y revenir, considérant que le cadre de son histoire recelait encore du potentiel pour d'autres intrigues. Le scénariste a préféré, avec le succès que l'on sait, ensuite quitter Marvel pour voler de ses propres ailes, mais son idée a refait surface : d'abord à l'occasion d'épisodes rattachés à la saga globale Secret Wars et réalisés par Brian Michael Bendis et Andrea Sorrentino, puis pour une série régulière (successivement écrite par Jeff Lemire et Ed Brisson, toujours dessinée par Sorrentino et récemment par Mike Deodato). Aujourd'hui, Marvel a décidé d'exploiter cette dystopie avec une mini-série (et peut-être plus, si affinités) : Old Man Hawkeye, produite par Ethan Sacks et Marco Checchetto, dont l'action se situe cinq ans avant celle de Old Man Logan.
Mark Millar a toujours apprécié les éléments too much pour pimenter ses récits et/ou la caractérisation de ses personnages : on se souvient que dans Ultimates (vol. 2, #9) Hawkeye, solidement attaché à une chaise pour être torturé, tuait ses gardes en s'arrachant les ongles des deux mains pour en faire des projectiles efficacement projetés. Le scénariste récidivait avec le personnage devenu aveugle mais tirant toujours à l'arc comme personne dans Old Man Logan. Ethan Sacks situe son histoire cinq ans avant l'histoire de Millar au moment où Clint Barton s'aperçoit que sa vue baisse et qu'on lui diagnostique un glaucome, qui va le rendre aveugle. Il s'agit donc d'un prequel et on peut imaginer la pression pesant sur les épaules de ce scénariste inconnu au moment d'investir l'univers créé par un collègue devenue une vedette du média et d'animer un personnage aussi iconique, qui a été entre temps magnifié comme rarement dans sa carrière (cf. les séries Hawkeye de Fraction-Aja, Lemire-Perez, Thompson-Romero). Pourtant, Sacks s'en sort parfaitement avec cet épisode inaugural qui se lit d'une traite, mené sur un rythme soutenu et qui respecte l'atmosphère de fin du monde de son illustre modèle. En une série de scènes brèves, aux dialogues économes, traversées de flashs immédiatement mémorables (superbe image de Hawkeye serrant dans ses bras le corps sans vie de Black Widow), il nous plonge dans le monde d'un super-héros hanté et sur lequel vient de tomber la pire des nouvelles depuis la fin de ses pairs. Largement inspiré à l'origine par Impitoyable de Clint Eastwood (1992), ce crépusculaire mélange de super-héroïsme et de western prend un relief particulier grâce à Hawkeye dans la mesure où l'arme du personnage est un arc, traditionnellement lié aux indiens, et parce qu'à la dernière page de l'épisode on découvre que celui qui va le traquer n'est autre que le terrifiant Bullseye qui porte sur le front la marque laissée par Daredevil (lors du run de Bendis, et reprise dans le film avec Ben Affleck), une cible. Jouer ainsi avec les symboles (à l'instar du gang Madrox, idée épatante) est bien vu. Le projet est gâté puisque Marvel a décidé d'en confier les dessins à Marco Checchetto, dont c'est le grand retour chez les super-héros après plusieurs prestations sur des comics dérivés de la franchise "Star Wars" (propriété désormais de Disney et donc exploitée en BD par Marvel). J'ai toujours apprécié cet artiste, dont le run sur The Punisher (écrit par Greg Rucka) était remarquable. Récemment, il était l'atout principal de la mini-série consacrée à Gamora. Son trait réaliste convient superbement à ce récit et il s'empare des personnages et du cadre avec maestria, lui conférant une puissance visuelle rare grâce à des décors soignés, des détails percutants, un découpage vif. Il est soutenu par son coloriste fidèle, Andres Mossa, qui utilise une palette aux tons chauds, avec une dominante de brun, beige, rouge, soulignant l'influence des westerns italiens. Ironiquement intitulée An Eye for an eye, cette histoire futuriste et âpre promet beaucoup. |
#33
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Marvel deviendrait-il plus prudent en lançant à nouveau des mini-séries qui, si elles rencontrent le succès, deviendront des mensuels réguliers (alors que, jusqu'à présent, des titres étaient produits et parfois vite annulés) ? Rogue & Gambit est un de ces projets testés dans ce sens et confié à une scénariste sur laquelle semble compter l'éditeur, la brillante Kelly Thompson, en misant sur deux X-Men qui formèrent pendant longtemps un des couples les plus populaires chez les mutants.
Les aventures de Rogue & Gambit permettront-elles à Kelly Thompson de rebondir durablement après l'annulation annoncée (et fort regrettable) de sa série Hawkeye (à partir de Mars prochain) ? On veut l'espérer, même si la rumeur court qu'elle a été choisie par Brian Michael Bendis pour reprendre la série Jessica Jones (ce qui ne serait pas un mince honneur). Venant s'ajouter à une collection pourtant déjà abondante de titres mutants, mais qui va probablement être réformée dans les prochains mois, ce nouveau projet est pour l'instant prévu comme une publication à court terme. Marvel mise sur la popularité de Rogue (qui fut longtemps une de ses héroïnes les populaires, toutes franchises confondues) et la nostalgie que provoque chez les fans des années 90 son couple avec Gambit (même si le cajun a depuis perdu beaucoup de son lustre). Thompson s'empare du duo avec beaucoup d'aisance : on retrouve ce goût pour la comédie légère et l'action trépidante, qui rend immédiatement la lecture plaisante et dynamique. L'enjeu de la mission est vite posé, le mystère est accrocheur, la relation entre les deux héros rappelle le meilleur des romances contrariées avec une tension sentimentale bien exploitée. Les dialogues sont enlevés, on ne s'ennuie pas, et l'ambiance est prenante dès le prologue puis à l'arrivée du tandem sur l'île de Paraiso. La chute de ce premier épisode, après une ellipse audacieuse, est irrésistible : on a envie de lire la suite. Au dessin, on peut déplorer que Marvel n'ait pas confié la tâche à un artiste moins passe-partout que Pere Perez, qui a souvent servi de doublure à Clayton Henry (notamment depuis que celui-ci travaille chez Valiant). Néanmoins, le résultat est propre, les personnages expressifs, mais tout ça manque de relief, de personnalité : le découpage est très classique (malgré une scène, dans l'avion, bien mise en scène avec quatre cases occupant toute la largeur de la bande, dont la valeur de plan ne varie pas), l'encrage lisse. Même la colorisation, d'habitude sombre de Frank d'Armata, se fait plus nuancée. Sans prétention, mais excellemment écrit et inspiré, ce numéro inaugural de Rogue & Gambit est très agréable, malgré un graphisme trop sage : sa fraîcheur est son meilleur atout. Pas sûr que ça suffise pour en faire un hit, mais cette modestie sympathique est préférable à une ambition déplacée. |
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Merci pour ces retours, mais il faudrait peut-être éviter la pub pour un site de diffusion illégal sur la dernière couverture...
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Je me suis permis de changer l'image. Merci JB d'avoir fait remarqué ce point.
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Ma Wishlist Comics |
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Rempart ressemble plus aux sons of serpents ou watchdogs qu à un groupuscule néonazis.. je trouve. Ce qui ne change pas le fait que ca pullule déjà dans la mythologie du Captain. Je suis moins enthousiaste que toi car si je reconnais le génie de Samnee (le 2me episode était moins bon graphiquement), je trouve que Waid est en dessous... pas forcément sur cette série.. en général .. et que dans le duo, on voit que BW et Cap sont des séries qu a voulue Samnee.. il est formidable dessus mais, le scenario est minimaliste (comme d autres séries où le graphisme a pris le pouvoir comme Nick Fury ou Doc Strange & Sorcerers) |
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Elle est une des rares où le scenar et le graphisme sont au diapason, l un rivalisant avec l autre justement. Et tu sais que je suis pas fan de king... Bon aprés les reimpressions dependent du tirage.. Combien de séries qui n ont pas durées ont eu des reimpressions... Ons ait tous que souvent c est du marketting ... Bon aprés c est clair que Mr Miracle vend bien au regard des autres séries et que dans le contexte US c est un succes certain... pour un personnage qui n est pas parmi les plus vendeurs. Ca ressemble en effet à Hawkeye. |
#38
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Secret Weapons #0
SECRET WEAPONS #0
W : Eric Heisserer P et I : Adam Pollina Focus sur la vie de Nikki Finch, psiot, avant et après l'activation de ses facultés par la fondation de Toyo Harrada. Je n'ai pas lu la LS Secret Weapons, spin off aux séries Harbingers, mettant en scène des psiots oubliés car leur pouvoir ne vaut pas tripette sur le terrain. C'est des clones de Doug Ramsey (celui des années 80) à la sauce moderne. Bien évidemment je compte me rattraper avec le TP récemment sorti. Alors pourquoi acheter ce numéro ? Deux raisons : déjà c'est un one shot et puis surtout c'est la présence du trop rare Adam Pollina aux dessins qui m'a convaincu de me procurer ce numéro spécial. Côté histoire pas besoin de connaitre ce qui c'est passé dans la LS. Par contre, et c'est mon cas, une bonne connaissance de la série Harbingers est fortement recommandé. Ensuite narration je découvre Eric Heisserer qui assure en proposant une histoire ciblé sur les affres de l'adolescence et en une vingtaine de page le scénariste arrive à capter l'essentiel, à aller droit au but. Il décrit plusieurs moments clés de la vie de Nikki dans son lycée (amour, copine, parcours scolaire, parents), admission à la fondation (test, cours, amis, peur, découverte de ses pouvoirs dans une scène assez drôle, relation avec son père), puis nouvelle fondation (déménagement, nouveaux amis, mal être) puis la fuite avec les drames suites aux révélations dans Harbingers #24 pour arriver à ce qui doit être le début de Weapon Secrets. Quand je parle de de moments clés il faut le lire comme des photos instantanées car toutes les pages sont découpes en 4 cases horizontales uniquement, avec Nikki à chaque fois au centre et souvent répétant la même pose. Le scénariste pour nous immerger un peu plus insère la date des "photos" ou bien le nombre de jours passés dans les fondations de Harada. La fin est émouvante et montre ce qu'un pouvoir même mineur peut faire, comme vous sauver la vie. C'est là que Adam Pollina fait merveille car son trait n'a rien perdu de sa force à capter les expressions des personnages. On peut regretter qu'à l’instar d'un Carlos Pacheco ou d'un Steve Skroce son trait se soit un peu lissé. Nouveau personnage, pouvoir pourri, bref tout pour s'ennuyer et pourtant non. Je retiens de ce numéro un vielle adage qui trouve tout son sens : il n'y a pas de mauvais personnage, seulement des scénaristes peu inspirés. Eric Heisserer fait des merveilles et son écriture y est clairement pour quelque chose. |
#39
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#40
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Adam Pollina???? Punaise, je suis passé complétement à côté! Je vais jeter un oeil (ou deux) à ce numéro.
Il dessine le numéro entier ou bien il y a un back-up? |
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Il dessine le numéro en entier et de main de maitre
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Je partage l'avis de Wildcard sur Mister Miracle (un bijou de maîtrise et de profondeur) et sur Rogue & Gambit (une friandise sucrée qui flatte le fan des personnages et du soap).
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Merci pour les avis ... Mais vous êtes chiants vous me donner envie de prendre des trucs que j'avais pas prévu ^^
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Au temps pour moi : j'ai cherché une image de la couv' sur Google images et j'ai posté celle-ci sans en vérifier la provenance.
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Maintenant, ceci étant dit, je pense aussi que certains lecteurs apprécieront sans doute mieux "Mister Miracle" une fois la série achevée et en mesure, donc, de la lire d'une traite, ce qui permettra sans doute d'en saisir toutes les nuances, d'en révéler tous les secrets. J'ai pris le parti d'en accepter les aspects les plus déroutants et je la savoure pour ça, mais il faut être joueur effectivement. |
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