J'avais déjà écrit un truc sur Prince & les comics et j'envisageais une grosse update juste avant sa mort. Après le 21 avril, je n'avais plus vraiment la tête à ça et je l'avais laissée en chantier.
Je le balance aujourd'hui même s'il n'est pas vraiment achevé.
PRINCE ET LES COMICS
Can U Picture This ?
Prince n’a jamais été un grand bavard, sa musique a longtemps été le seul moyen pour lui d’exprimer ses émotions et ses opinions. Ses rares interviews des 80’s se résument souvent à des suites de courtes phrases mystérieuses tirées de ses chansons. Dès 1981, l’utilisation d’un langage phonétique (U R 2 4) souligne encore cette volonté de simplification de son discours. Cette volonté de concision trouvant son apogée et sa limite dans l’utilisation du symbole "O+>" comme nouveau nom.
Prince dessine même un peu à l’occasion : son croquis de prince pour un costume de concert, pochette de Gett Off
La légende veut qu'il ait commencé à jouer du piano en reproduisant les génériques TV de ses émissions préférées parmi lesquelles "Batman". Mais il faut attendre 1989 pour que Prince montre un réel intérêt pour l'univers des Super-héros.
1989 : Partyman !
Fin 88, Prince est à une période charnière de sa carrière. Son dernier album « Lovesexy » est un semi-échec commercial et critique : le premier couac après des années de règne.
C'est à ce moment qu'intervient Tim Burton en plein tournage de « Batman » : le film célébrant les 50 ans du personnage et sensé rebooster l'intérêt pour le personnage.
Fan de Prince, Burton compte utiliser ses chansons "1999" et "Baby I'm a Star" pour la bande son. Pour obtenir son accord, il invite Prince sur les plateaux de tournage.
Ça tombe plutôt bien, Prince et Batman font partie du même groupe. En effet, DC Comics est une filiale de Warner Bros. Et WB fera tout pour encourager cette alliance.
Intéressé Prince visionne 20 min de rush et rencontre Tim Burton et Jack Nicholson (grand fan lui aussi). Séduit, Prince va plus loin et propose d'écrire une BO entière pour le film au grand bonheur de sa maison de disque. Inspiration soudaine, fantasme d'enfant, attrait persistant et inachevé pour le cinéma ou flairage de gros coup ?, probablement tout ça à la fois.
La production du film avait même envisagé un temps une BO interprétée par Prince pour les morceaux les plus sombres (Joker) et par Michael Jackson pour la partie « Lumière » (Batman)
Considéré par une partie des fans comme un album hors "continuité", une simple BO porte-monnaie, Batman n'en reste pas moins un album qui décline sous une nouvelle forme les thèmes chers à Prince à l'époque.
A travers l’opposition entre le Joker et Batman et de l'histoire d'amour entre Bruce Wayne & Vicky Vale, Prince recycle l'opposition entre deux « personnalités » qu’il s’est créé deux ans avant: Camille et son opposé négatif: le Spooky Electric.
Chaque titre conçu est interprété par un personnage du film avec des interventions de "Gemini" (le signe zodiacal de Prince et nouvelle identité créée pour l'occasion) : le chef d'orchestre de cette pièce en un seul acte où Prince joue tous les instruments et tous les rôles.
Deux titres de ses sessions resteront inédits : le « Batman Theme » (en fait un instrumental inédit de Prince recyclé avec des bruitages) et Dance with The Devil (qui se base sur une réplique du Joker dans le film)
Face-B de "Batdance", "200 Ballons" était initialement prévu pour la scène finale du Joker avant d'être remplacée par "Trust".
Visuellement très réussis, les clips de Partyman et de Batdance respectent l'esprit et le ton du film en renforçant l'attachement au comics avec un Prince mi-Joker mi-Batman virevoltant dans un monde ultra coloré et cartoonesque à souhait, digne des premiers épisodes la série TV des 60's. A noter que pour des questions de droits, ces gros hits ne retrouvent sur aucune compilation.
Il faut croire que cette immersion dans l'univers manichéen et imaginaire des héros de papier laissera des marques et des envies qui ne se concrétiseront que quelques années plus tard ...
1991 : Alter Ego - Prince Vs Gemini
Prince a transformé l'univers de Batman en musique, il va maintenant retranscrire son propre univers en comics.
Fort du succès de l’album « Diamonds and Pearls », la Warner lui passe toutes ses lubies. Il bénéficie d’un accès facilité à DC comics et décide de publie un comics à partir de certaines idées qui lui trottent en tête. Le comics sera publié officiellement en 1991 par Piranha Press, un label de DC comics.
L’équipe artistique n’en est pas à ses débuts :
Au scénario : Dwayne Mc Duffie.
Après un passage chez Marvel comics, il fonde, au début des années 90, « Milestone comics » qui publie une série de comics mettant en scène des super-héros noirs ou d’origine multi-ethnique.
Aux dessins, Denys Cowan qui s’est illustré sur pas mal de séries Marvel et DC notamment pour des héros noirs comme « Black Panther » et « Deathlock ».
Denys partage avec Dwayne Mc Duffie le sentiment que la communauté afro-américaine n’a jamais été représentée correctement dans les comics. Cowan est d’ailleurs un des co-fondateurs de « Milestone Comics ». Le style de Cowan convient parfaitement à l'ambiance sombre de l'histoire et certaines planches sont splendides.
Le choix de ces auteurs n'est sans doute pas fortuit. A cette époque Prince s'implique de plus en plus pour défendre les droits et la reconnaissance de la communauté afro-américaine.
La couverture est réalisée par Brian Bolland, dessinateur très demandé à l’époque après ces travaux sur « Batman : The Killing Joke ».Prince lui-même l’aurait demandé pour ce comics.
L'histoire : Deux anciens camarades unis par une passion commune pour la musique (Gemini et Prince) vont prendre des chemins opposés.
Gemini va connaître la gloire avant de tomber dans la folie en laissant son côté sombre (colère, haine, frustration..) envahir sa musique. Prince récupère alors son groupe (The New Power Generation) pour diffuser sa propre musique.
Quelques années plus tard, le retour de Gemini déclenche alors l’affrontement musical final entre les deux ex-amis et le sacrifice de la muse de Prince.
Par bien des aspects, Alter Ego ressemble à une version remaniée de "Graffiti Bridge" – le dernier film de Prince (et bide monumental), en combinant la scission Prince/Camille et le Spooky Electric et les souvenirs de la vie adolescente de Prince.
Le plus abouti, personnel et professionnel des 3 comics fait sur Prince, « Alter Ego » est une réussite malgré quelques imperfections.
1992 - Three Chains of Gold - My Name Is O+>
Couverture de Steven Parke
Prince récidive en 1992, avec Three Chains of Gold toujours publié par Piranha press. Ce comics sera sa dernière tentative sur ce média.
Mc Duffie se charge de nouveau du scénario s'inspirant du script d"'Indiana Jones et la Dernière croisade"et des paroles de l'album "O+>" (sans la musique, l'album n'étant pas encore sorti à l'époque).
A la différence d'Alter Ego, "Three Chains of Gold" est nettement moins personnel et ne fait quasiment pas référence aux croyances et convictions Princières. Fini le prince mystique, place à Super-Prince ! On trouve également les musiciens de l’époque et sa future ex-femme : Mayté
L'histoire est assez similaire à l'histoire du concept album « O+> » et à la vidéo "3 Chains o'Gold" qui l’accompagne. Prince se serait d'ailleurs inspiré du comics pour une partie des scènes de la vidéo. Il fut un temps prévu pour le sortir avec un cd de chansons inédites voire même l'album "O+>"dans une version collector.
Coté dessins, l'équipe n'est malheureusement pas à la hauteur de "Alter Ego". Les crayons sont confiés à 3 artistes (David Williams, Steve Carr & Deryl Skelton) aux styles assez classiques et plutôt plats. L'encreur, Josef Rubinstein, assurant en bon professionel la cohésion des 3.
Malheureusement, le coloriste charge un peu trop sur les couleurs et renforce le coté kitsch, le manque de relief et de dynamisme de l'ensemble.
L'histoire tient en deux lignes, Mayte, une princesse du moyen orient vient chercher de l'aide auprès de Prince et des NPG pour l'aider à protéger les 3 chaînes sacrées que son oncle cherche à récupérer pour assurer la domination de son pays …
Les 48 pages se résument en une série de combats, de cascades et de quelques moments d'humour faisant penser inévitablement à Indiana Jones ou James Bond. L'ambiance générale est d'ailleurs bien plus drôle et "second degré" que Alter Ego.
Bref si vous voulez voir Prince en SuperHero, ce comics est pour vous
Si son implication dans le projet est extrêmement limitée, il incorporera le morceau à bon nombre de ses concerts entre 1994 et 1995.
L’univers super-héroïque (mélangé à une influence visuelle du groupe Funkadelic) le travaille un peu à cette période. Pour preuve, le clip choisi pour illustrer un de ses projets parallèles : MPLS où un personnage lui ressemble étrangement.
C’est à cette période que Prince prend définitivement le nom de O+> jusqu’en 1999.
Au fil du temps, Prince s’est ainsi créé un personnage kitsh et singulier et un univers au final assez proches de ceux des Super-Hero : Prince a son symbole et sa couleur fétiche. Il s'est façonné de multiples identités et personnalités (Jamie Starr, Gemini, Chistopher Tracy, le Kid, Tora-Tora ....).
Des rumeurs folles sur son compte lui prêtent une sorte d’aura mystérieuse dont il jouera jusqu'au bout.
Il s'amuse à masquer son visage, renomme et habille ses musiciens* et même les instruments. Prince a également son QG : Paisley Park, son ville d’attache : Minneapolis.
*Il renommera Tommy Elm, son clavier, Tommy Barbarella en référence au personnage de BD dont Prince adore l’adaptation cinématographique de Vadim
Vegan depuis une vingtaine d'années, Prince portait un grand respect à la vie sous toute ses formes. Les semaines qui ont suivi sa mort, on a appris qu’il finançait également dans le plus grand secret un grand nombre de projets visant à aider des écoles, des lieux de cultures, des programmes pour aider des populations défavorisées ...
Alors, Prince : Super-Hero qui s'ignorait ?
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PRINCE ET LES COMICS
"Baby I'm A Star"
Comme tout personnage public, Prince fait l'objet de parodies et d'apparitions fugaces dans les comics. Il aura même droit à des biographies dessinées plus ou moins réussies. Quelques clins d’œil non exhaustifs
Captain America croise Prince (Captain America #327)
Mythique : Zippy rencontre O+> !
Killgrave thePurple Man ! avec la typo de Purple Rain
Accident Man : Clin d’œil aux paroles de "Diamonds and Pearls"
L'éphémère série Vanity (1984) chez Pacific une sorte de Barberalla soft- un lien avec la protégée de Prince ?
Purple Rains - Swipe de l'affiche du film
Rock'n'Roll Comics # 21 - Biographie non officielle .... en comics par Stuart Immonem
Avant cela, un petit label canadien Revolutionary Comics va être le premier faire entrer le violet violent dans un comics en le croquant dans sa gamme "Rock'n'Roll comics" (spécialisé dans la biographie de musiciens et de groupe de rock)
Sous-titré "Unauthorized and proud of it" (sic), Rock'n'Roll Comics # 21 (janvier 1991) présente donc l'histoire de Prince de 1958 à 1990. (Pour les fans de George Clinton, la seconde partie du comics lui est consacrée.)
Pas de surprises coté scénario ce qui est plutôt une bonne surprise vu les bêtises qui circulaient sur Prince à cette époque.
Le scénariste Todd Loren (aidé de Rich Matthews cité comme 'the ultimate Prince Fan") évite les ragots pour se concentrer sur une vision claire carrière de Prince mêlant événements marquants et petites anecdotes et réussit au final une bio sobre truffée de détails qui ne parleront qu’aux fans, le tout en 19 pages.
Le dessin est confié à un jeune dessinateur Stuart Immonen (http://www.immonen.ca/).
Inconnu à l’époque, ce sont ici les premiers pas de l’artiste qui connaîtra plus le succès pour ses travaux sur "Légion of super-héros", "Superman" ou plus récemment "Hulk" ou "JLA".
On reconnaît ici à peine sa patte. Les effets de profondeur sont souvent ‘limites’ et les personnages souffrent d’un style encore très statique. Cet aspect figé dessert pas mal de vignettes notamment les concerts.
Les effets d’ombre et lumière qui sont actuellement un de ses traits caractéristiques sont encore mal maîtrisés.
A sa décharge, les couleurs ne font rien pour améliorer l’ensemble. La séparation est plutôt de bonne qualité pour l’époque mais la colorisation manque de nuances, les tons criards sont trop sombres et souvent mal choisis.
Alors c’est ça la Batcave ?humm.. peint en violet la rigueur,.. « The BatVault » ça sonnerait mieux ...
Au final, rien de transcendant mais rien de honteux non plus.
Un comics à réserver aux fans hardcore malgré tout.
Avatars - De l'influence de l'image de Prince sur la création de personnages de comics.
ACE - Spectacular Spider-Man
En 1985 et 1986, Peter David introduit un personnage marqué les deux super-stars de l'époque : Michael Jackson et Prince. Dans Spectacular Spider-Man Annual # 5 et 6 (Peter David/Mark Beachum) apparait un personnage nommé Ace Spencer.
Pour Prince : La moto (Purple Rain) , le blouson mauve avec une seule épaulette métallique (1999), les lunettes et cette façon de regarder au dessus, le foulard autour du cou...
Pour MJ : la coupe de cheveux, certains regards, l'épaulette miliaire à franges, la petite cravate et les souliers vernis (très Billy Jean).
ACE n'apparait que dans ces 2 comics et disparaitra ensuite du Marvel Universe.
L'influence de Prince est évidente dans le manga “Jojo’s Bizarre Adventure” dont l'auteur Hirohiko Araki est un grand fan.
Costume violet, symboles princiers et quelques autres références sont parsemées dans le manga. Araki indique même à ses lecteurs les chansons de Prince à écouter et les incite à aller le voir en concert.
Un personnage nommé "Soft and Wet" en hommage au premier tube de Prince
Pink Flamingo - Batman & Robin
Créé par Morrison et Quitely, le look du Pink Flamingo a dès le début été calqué sur Prince
The Duke - Concrete
Histoire courte de Concrete par Paul Chadwick (Dark Horse) - 2005
Concrete est embauché pour protéger une rock-star fantasque qui présente quelques points communs avec Prince. (Fleurs aux sols pour Purple Rain, Sexualité débridé, pantalons à motifs paisley, ...)
Innana - The Wicked & The Divine
Plus récemment, Innana le dieu de l'amour et de la fertilité a fait son apparition dans la série "Wicked & Divine". Après Bowie qui a servi de modèle à Lucifer, Prince prête ses traits ce personnage.
Founder Keen - Silver Surfer Silver Surfer (2014) # 8 Dan Slott / Mike Allred
"Prince didn't make it easy for you to steal his music. Here's the best way to binge listen to it: 1. Buy a bunch of Prince's music. 2. Listen to it." Erik Larsen - 22 avril 2016
Un lien moins visible unit Prince aux créateurs de comics : le combat pour la liberté artistique, le contrôle de ses créations et les droits d’auteurs.
Comme Kirby et Gerber et d'autres avant lui, Prince s'est battu pour sa liberté artistique, pour récupérer les droits sur ses œuvres et conseillait aux jeunes artistes de ne pas signer de contrat avec les grandes maisons de disques.
Ces dernières années, son combat pour un contrôle total l'a amené à disparaitre de youtube et des autres plateformes estimant que leur rétribution n'était pas suffisante.
Au terme d'un long combat juridique, il avait commencé à récupérer les masters de ses albums.
C'est pour des discussions comme ça que j'aime Buzz
__________________ Daenerys à Tyrion: Je suis venue ici pour boire du Cacolac et casser des gueules.
Et je viens de finir mon Cacolac !
Les recap' rigolotes
Merci à tous pour vos commentaires, ça me fait très plaisir.
Si vous voyez des allusions à Prince dans vos lectures, n'hésitez pas à m'en faire part.
J'aurais souhaité creuser un peu plus la partie Comics mais je manque (comme toujours) de temps.
Franchement y'a rien qui laisserait entendre celà.
La générique de Batman correspond à la série TV.
On a aucune photos de lui en lisant, ni même des comics trainant à Paisley Park.
Ca a été une phase fin 80's / début 90's où Prince a repris certains codes et s'est intéressé au genre et au média mais il était passé à autre chose au moins à partir de 1996.
A peine peut-on citer "Cybersingle" en 2000 où on trouve cette phrase. https://www.youtube.com/watch?v=jUBcef-dwDY
"As the media tightens its grip on U
And the beast continues 2 split in 2 Superman steps in the phone booth one more time
2 drop another cybersingle life-saving rhyme "