Super-Héros

[Niglo]

Super-Héros
Martin Winckler
(E.P.A., octobre 2003, 37,90 Euro)



Les livres consacrés aux comics demeurent une denrée rare. Qu’un auteur réputé se penche sur le genre super-héroïque est encore moins fréquent. C’est néanmoins le cas avec ce volumineux et luxueux livre des éditions E.P.A.

Pour qui ne le connaîtrait pas, Martin Winckler est un romancier réputé, couronné par le Prix du Livre Inter en 1998 pour ‘La Maladie de Sachs’ (adapté depuis au cinéma). On lui doit plusieurs autres livres, dont ‘Les Miroirs de la Vie’, un essai sur les séries télé U.S. absolument passionnant. Et il était jusqu’à il y a peu chroniqueur quotidien sur France Inter.

Qu’un auteur tel que Winckler s’intéresse au sujet et décide de lui consacrer un livre est à priori une bonne chose, l’opportunité de toucher un public plus large et, sait-on jamais, de mettre à mal quelques clichés concernant les ‘héros en collant moule-burnes’.

Le livre débute par un avant-propos de l’auteur, dans lequel il raconte sa découverte des comics, et la relation épisodique qu’il a suivi depuis avec cet univers. Je ne sais pas si c’est une chose commune à tous ceux qui ont découvert les super-héros à un jeune âge (disons avant dix ans), mais je me retrouve entièrement dans sa description des sensations que lui ont procuré ses premières lectures.

Suit une introduction où Winckler définit ce qu’est un super-héros, et signale sommairement ce qui distingue les comics de super-héros des autres formes de BD. Il s’intéresse ensuite à deux précurseurs des super-héros : Tarzan et le Shadow, dont il retrace les origines, souligne les particularités et suit leur évolution.

La deuxième partie présente les deux principaux éditeurs américains : DC & Marvel. L’histoire des débuts de DC est évacuée à vitesse supersonique (le paragraphe d’introduction), Winckler préférant s’intéresser aux créations ou re-créations des années 50 (Adam Strange, Flash, etc.) et à quelques séries atypiques (Enemy Ace, Deadman). Tout cela est très sommaire. Même chose pour la partie Marvel. Un paragraphe est consacré aux débuts de l’éditeur, un à Stan Lee, un autre à Kirby (dans lequel Winckler parle presque exclusivement de sa période ‘New Gods’, hum hum…), puis il évoque assez brièvement quelques séries phares de Marvel : Fantastic Four, Hulk, Spider-Man, X-Men & Silver Surfer.

Dans la dernière partie du livre, Winckler s’intéresse plus en profondeur à cinq personnages ou groupes de personnages : Superman, Batman, Wonder Woman, Green Lantern et la JLA. Chacun bénéficie d’une quinzaine de pages, où l’auteur nous conte leurs origines, dresse les grandes lignes de leur évolution, en s’arrêtant sur une ou deux périodes charnières de leur histoire. Ainsi certains chapitres seront consacrés au travail de O’Neill & Adams sur Batman et Green Lantern, à la Wonder Woman de Perez ou à la Justice League de Giffen, DeMatteis & Maguire.

Si cette partie est plus développée que les précédentes, si Martin Winckler fait quelques commentaires tout à fait pertinents sur ces personnages, tout cela est néanmoins trop général pour être vraiment intéressant pour les vieux lecteurs de comics comme vous et moi.

Quant à la partie iconographique, qui occupe aisément la moitié de ce volume, elle alterne le meilleur et le pire. Les planches de Wonder Woman par Jimenez ou Hugues, le Batman de Ross ou le Green Lantern d’Adams sont évidemment un régal pour les yeux. En revanche, certaines reproductions sont absolument immondes. Reproduire en pleine page un détail d’une page tirée d’un comics des années 60 ou 70, à l’impression approximative et aux couleurs baveuses, sans effectuer aucune retouche, donne un résultat évidemment désastreux. Sur certaines de ces images, on aperçoit même en transparence le verso de la page d’origine ! A quoi bon proposer un livre aussi luxueux si c’est pour y présenter ce type de reproductions ? On pourra s’interroger également sur l’intérêt de reproduire en pleine page le logo du Comics Code Authority, et regretter le manque de variété des extraits choisis (sur les quinze dessins illustrant le chapitre consacré à Batman, cinq proviennent du Batman : Year Two). Précisons enfin, et cette fois on imagine bien que l’éditeur n’y est pour rien, que Marvel leur a interdit de publier la moindre illustration leur appartenant.

Au final, ‘Super-héros’ est un livre dont je ne peux honnêtement pas conseiller l’achat aux fans de comics. Je doute que vous y appreniez grand chose. Pourtant, Winckler n’a pas fait du mauvais boulot, loin de là. Je n’ai pas noté de grosses bourdes dans ses historiques, tout juste une omission ou un à peu près par-ci par-là. Et ses commentaires sur tel ou tel personnage sont tout à fait pertinents. Surtout, on sent qu'il aime ces personnages, qu'il a un réel attachement à ces univers. Simplement tout cela est trop sommaire pour être intéressant, et je ne pense pas non plus que l’auteur ait en matière de comics la culture encyclopédique qu’il peut avoir dans le domaine des séries télé. Par contre, ça me semble être un livre intéressant à offrir ou à prêter à qui ne connaît pas ou mal les comics. Vous savez, vos amis qui vous jettent un regard mi-amusé, mi-intrigué lorsque vous commencez à leur parler de vos lectures.

C’est d’ailleurs ce que je vais faire.