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Vieux 29/10/2013, 00h07
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
A mon tour.
Pas mon meilleur, mais l'idée m'est venue hier et a été couchée sur clavier le lendemain (c'est rare, et moins frustrant que d'habitude). Je l'ai incorporé à mon univers de SF, et j'en suis plutôt content même si ce n'est pas un texte majeur.

Bonne lecture !

La loi du marché

Les sons reviennent en premier.
Avant la vue, avant l'odorat, avant les sensations physiques, les sons l'accueillent à la sortie de son trop long sommeil. Des bruits de métaux qui s'entrechoquent, de pas lourds, des cris de surprise et des râles de douleur*; quelque chose se passe autour de lui, sa conscience s'éveille.

Des formes floues apparaissent devant ses yeux. Vaguement humanoïdes, massives, elles avancent lentement dans un caveau sombre et... malodorant. Des effluves de déchets, de pisse et de merde agressent son odorat*; une grimace se forme sur son visage, provoquant une douleur dont il n'avait plus l'habitude.

Il ne sent ni ses bras, ni ses jambes. Chaque seconde qui passe augmente la douleur qui martèle son crâne, et son esprit est envahi par des messages sensitifs contraires.
Il a mal – mais il sent soudain une pression sur ce qui doit être son épaule. Son ouïe encore balbutiante hésite, mais lui permet de comprendre les plus beaux mots de son existence.

«*Hum. Le niveau est bon. Tu es libre, Zax Zazz. Le marché te réclame.*»
La voix lourde et autoritaire couvre à peine un concert de bruits aigus, nerveux, électriques. Ses souvenirs brumeux lui font comprendre qu'il s'agit de lasers, qui atomisent des cibles qui n'ont même pas le temps de hurler – et il sourit, non pas du trépas de ses bourreaux, mais des souvenirs qui reviennent... et des cris de la foule qui ne tarderont pas.

***

Il n'arrive pas à communiquer – pour le moment. Si ses sens sont revenus, s'il peut maintenant mieux appréhender son environnement, différentes fonctions lui sont encore inaccessibles.
La parole, pour commencer, lui est pour le moment interdite. Il parvient à bouger la tête, à respirer, mais ses bras et ses jambes demeurent encore immobiles – ah, et sa nuque est trop douloureuse quand il la sollicite trop, ce qui limite ses mouvements.

Zax Zazz n'a aucune conscience du temps qui passe... depuis quand il a été libéré, depuis quand il était emprisonné. Il alterne entre un repos sauvage et quelques phases d'éveil, où tout n'est que brumes et conversations incompréhensibles.

«*Réveillé*? Rapide.*»
Des pas lourds s'approchent de lui. Une nouvelle pression s'exerce sur son épaule, et il force ses paupières pour mieux distinguer son libérateur.
«*Le niveau est toujours bon. Tu le mérites.*»
Un léger picotement dans la nuque, suivi d'une brutale douleur au crâne, et tout s'éclaire. Sa vision s'améliore, son ouïe capte mieux les bips et bruits habituels d'une console de pilotage*: il commence à comprendre où il est.
«*La voix reviendra bientôt. Prêt pour ton comeback, Zax Zazz*?*»

Il fixe son sauveur, un homme de taille moyenne, recouvert d'une armure bleue et grise qui double sa carcasse. Avec une lame rangée dans son bras gauche, une sorte de laser dans son bras droit, un réacteur brillant sur son torse et un jetpack dans le dos, il est clairement un guerrier – mais il ne fait pas partie de l'Armée du Consulat, il n'en porte pas les couleurs.
Pire, son visage trahit son appartenance à une caste utile mais mal vue dans son monde. Avec une queue de cheval brune, une boucle d'oreille en or et deux lames bleues tatouées sur son œil gauche, il représente dignement les Marchands.

Être récupéré par l'un des leurs n'est pas bon signe pour sa situation, mais Zax Zazz n'en a cure.
Il acquiesce, avec un grimace en forme de sourire. Il a déjà tout prévu pour son retour – et pour le retour du succès.

***

«*Je... faim...*»
Sa voix n'est qu'un souffle, mais la Marchande comprend. Avec son crâne rasé et une immense cicatrice au-dessus du front, qui barre tout son visage, la jeune femme n'affiche nulle émotion, nulle expression. Avec des gestes automatiques, mécaniques, elle le nourrit en lui offrant une sorte de purée informe et sans goût.
En un autre temps, il aurait hurlé son mécontentement et aurait tout fait pour qu'elle perde son emploi après lui avoir offert un tel traitement – mais ce temps n'est plus, et n'est pas encore revenu. Pour le moment, il doit se contenter de cela, et apprécier que son corps accepte une telle nourriture pour reprendre des forces.

Grâce aux injections régulières du Marchand principal, il découvre que la vie reprend peu à peu ses droits dans ses membres fatigués. Il sent que ses doigts et ses pieds bougent légèrement quand il se concentre, mais ses jambes et ses bras refusent encore ses ordres.
Ca viendra, il le sait. Sa voix, sa très chère voix, lui revient enfin, et c'est là le plus important.

«*Laisse-nous.*»
Le Marchand congédie sa collègue, et s'assoit en face de Zax Zazz. Il porte toujours son armure de combat, et son hôte parvient à deviner derrière lui une fenêtre sur l'espace que leur vaisseau traverse à très grande vitesse, certainement. S'il ne sait pas où il était retenu, il espère qu'ils ne sont plus trop loin du Consulat – l'attente devient longue avant de retrouver la foule.
«*Qui...*»
Chaque mot, chaque syllabe est une douleur, entendue et comprise par le Marchand. Celui-ci pose à nouveau sa main sur son épaule, et pose un regard rapide sur un écran de son avant-bras gauche.
«*Hum. Niveau en baisse, mais toujours bon. Tu mérites ta réponse, et tu as subi beaucoup. Je suis Byzance Constantin. Marchand. J'ai été engagé pour te ramener.*»
Sa voix est sèche, ses mots directs. Ce n'est pas dans sa nature de perdre son temps.
«*Mes employeurs considèrent que ton retour serait bien vu sur le marché. Et nous obéissons à sa loi.*Dors.*»

Il se relève, et laisse Zax Zazz s'enfoncer à nouveau dans l'inconscience. Une grimace, une esquisse de sourire passe sur son visage alors que les souvenirs d'une vie passée, et bientôt future, refont définitivement surface.

***

Zax Zazz, le plus grand chanteur du Consulat.
Zax Zazz, l'icône musicale au service des puissants, l'idole d'une jeunesse obsédée par le besoin de plaire à ses maîtres, à ses aînés.
Zax Zazz, l'artiste dont les excès modèlent les modes et les goûts de tout un peuple, et amusent ceux n'osent pas aller aussi loin que lui.
Zax Zazz, le dépravé qui est allé trop loin, qui a lassé et usé. Dépassé, moqué, transformé en plaisanterie puis en figure de pitié. Poussé jusqu'à l'extrême pour espérer revenir et briller à nouveau.


***

Gonfler sa poitrine lui fait mal – mais il ne peut s'en empêcher.

Quelques minutes plus tôt, le Marchand lui a annoncé qu'ils approchaient du Consulat. S'il ne sait pas encore ce que les employeurs de Byzance Constantin ont prévu pour son retour, il sait que ce sera grandiose... c'est ce qu'il avait prévu.

Maintenant que tous ses souvenirs sont revenus, Zax Zazz se rappelle ce qu'il a fait, ce qu'il a dû faire pour en arriver là. Organiser son enlèvement, sa torture, son abandon aux confins de la galaxie et aux mains d'une race ennemie était un pari risqué – mais le marché a suivi.

Un comeback gagnant était la seule chance qui lui restait pour revenir sur le devant de la scène. Et la foule, les fans ont besoin de plus qu'un simple oubli de leur idole, qu'une bête histoire de mœurs ou de drogue. Beaucoup d'autres ont tenté, et de moins en moins réussi, ce type de retour.

Lui, Zax Zazz, ne peut se contenter d'un comeback tiède, qui ne dure que quelques semaines.
Sa carrière, son impact sur le Consulat méritent un vrai retour, qui dure, qui marque. Et qui nécessite un sacrifice à la hauteur.

Il voit déjà les titres sur le système d'information des MoNETcles, si les lentilles implantées dans le crâne et reliées au Réseau sont toujours en circulation. Il entend déjà les pleurs de celles qui fantasmaient sur lui, en découvrant son corps certainement ravagé par les tortures. Il sent déjà le dégoût mâtiné de désir de ceux qui entendront son histoire.

Zax Zazz bouge à peine les bras et les jambes, mais ça viendra – ça reviendra. Les premiers jours seront compliqués, mais le Consulat débloquera à nouveau des fonds et la science lui ramènera ce qu'il a perdu.

«*Hum.*»
Il sent autant qu'il entend Byzance Constantin à ses côtés. Quand tout lui reviendra, il ne sera pas oublié.
«*Ah.*»
Zax Zazz sent à nouveau la pression de sa paume sur son épaule. Depuis le début du voyage, il a commencé à s'habituer à ces petits gestes simples mais justes, ces démonstrations de chaleur... quand il ne savait rien de son environnement, quand il ne connaissait plus rien de lui-même, ils lui ont permis de tenir et de s'apaiser. Il ne pensait pas qu'un Marchand soit capable d'autant d'humanité.

«*Niveau faible.*»
Zax Zazz essaye de tourner la tête, mais sa nuque est trop douloureuse. Le picotement se fait plus intense, alors que Byzance Constantin intensifie sa pression sur son épaule.
«*Qu... quoi...*»
Le picotement devient souffrance, et il sent son os crisser sous la main du Marchand.
«*Trop faible.*»

Byzance Constantin le lâche, et lui place juste devant les yeux l'écran de son avant-bras. Des schémas binaires montrent une évolution en chute libre d'un graphique de puissance... quelque chose a démarré très haut, et est désormais à un niveau quasi nul.

«*Mes employeurs assurent leurs arrières, ils ne font pas de pari. Le marché était en manque d'artiste, et les nouveautés ne donnaient pas satisfaction. Le comeback était accepté, selon les sondés, et tu as fait beaucoup pour espérer une chance. Ils te l'ont donné – mais le niveau est trop faible.*»
Le Marchand le lâche, et s'avance. Derrière lui, dans la fenêtre du vaisseau, on entraperçoit la Terre. Quelques minutes encore et elle sera complète.
«*Je lance le principe de ton inconscient sur les ondes depuis le début. Ca attire, ou ça repousse les sondés. Et les sondés ne te suivront pas, ils ne sont même pas intéressés par ton inconscient. Trop vieux, trop daté, trop ringard... trop extrême. Te faire oublier, OK. Te faire enlever, OK. Te faire torturer – non, et pas par cette race. Ils t'ont trop pris. Les cyborgs, ça marchait l'an dernier.*»
Il lève son bras droit, et sort son laser de son gant. Zax Zazz ne réagit pas*: son cœur est déjà froid. Il sait exactement ce qu'il va se passer, ce qu'il va dire.
«*Mes employeurs n'ont pas d'argent à perdre avec les échecs.*»

Au loin, un tiers de la Terre apparaît – il n'en verra rien de plus. Il l'a bien cherché*: il aurait dû se contenter d'une lente déchéance, de quelques apparitions dans des émissions de seconde puis troisième zone. Il s'est approché trop près de la Lumière, il a grillé.

«*Ca n'a rien de personnel.*»
Non, il le sait. Byzance Constantin est un Marchand. Il obéit aux ordres, et à l'argent. Son sort est logique – prévisible. Il est un produit daté, avarié. Son élimination est terrible, mais normale.
C'est la loi du marché.
«*C'est la loi du marché.*»

BZZZT.
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