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Vieux 24/02/2013, 10h15
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Thoor Thoor est déconnecté
The Mighty Charentais
 
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Thoor change la caisse du Fauve
La suite...

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CH 3 - Coraentin le voleur

Coraentin détestait les égouts. Comme bien des gens, il se serait bien passé d’y pénétrer si ces maudits souterrains ne constituaient pas des caches idéales au vu de sa profession. Il était un voleur, certes, mais il estimait être un voleur de haute volée. De ses activités nocturnes, il ne voulait en garder que des souvenirs de maisons prestigieuses, de butins fabuleux volés ou de vertus des jeunes filles les mieux nées soustraites. Si le mot glissé dans une cache de sa connaissance n’avait pas été aussi impératif et accompagné de pièces d’or, il aurait simplement ignoré ce rendez-vous si nauséabond. Il se jura de brûler les vêtements qu’il portait. Dans les promesses qu’il se faisait à lui-même, il ajouta de devenir une cible pour voleur plutôt que d’en être un. Sa lanterne sourde n’éclairait que le bout de ses pieds. Ses yeux, habitués à la pénombre, distinguaient quelques mouvements furtifs lorsqu’il dérangeait les rats, ou qu’un paisible habitant déversait ses immondices dans un collecteur. Les parois de pierres semblaient se voûter sur lui. Il suffoquait a moitié et pas seulement a cause de la puanteur. Il suivit le chemin qu’il avait mémorisé. Une heure durant, il chemina dans les sombres souterrains. Il aperçut enfin la lumière d’un lumignon laissé, à son intention, à l’entrée d’une poterne. Sa mémoire et les indications du mystérieux message étaient fiables finalement. La porte en chêne, ferrée, était entrouverte. Coraentin souffla sa lanterne sourde. Il fit pivoter la porte et découvrit une vaste pièce circulaire, les murs percés de meurtrières, éclairée par un feu de cheminée. Un fauteuil au dossier d’une hauteur démesuré masquait l’énorme foyer. Coraentin, les yeux plissés par la soudaine clarté percevait bien que quelqu’un occupait le fauteuil mais était incapable d’en deviner le moindre trait physique. Un bras, ganté de noir se balançait au son d’une mélopée inaudible pour le voleur. Impressionné par le décor, il n’osa pas se risquer au moindre gestes ou raclement de gorge. Il attendit que son mystérieux hôte daigne lui parler. Une minute passa, quand finalement d’une voix caverneuse il invita l’escamoteur à s’asseoir sur le tabouret disposé non loin.
« Avant toute chose, sachez que des archers pointent votre cœur. »
Coraentin plaça sa main devant son torse en un futile geste de protection. Il dégluti bruyamment avant de demander d’une voix chevrotante « Vous m’avez mandé ? Quels services puis-je vous rendre messire ? » Ses mains voletaient, comme animées d’une vie propre.
L’inconnu répondit de cette étrange voix caverneuse, impossible à identifier
« L’on m’a recommandé de vous, il me plait donc de vous confier une mission. Réussissez et je vous couvre d’or. » L’inconnu ne donna pas l’alternative mais elle était suffisamment explicite.
_ Voici le prix de votre engagement » L’homme en noir laissa tomber une grosse bourse de cuir. Sous le choc elle s’ouvrit, libérant plus d’or que Coraentin n’en n’avait vu de toute sa vie. Le spadassin regardait le prix de son engagement, le prix de son âme. Il ne dit mot, mais en son cœur il accepta.
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CH 4 - La cérémonie de l’épeautre

Taureau fit jouer le soleil sur sa rondache. Le reflet m’éblouie un instant et mon adversaire en profita. Son bâton décrivit une courte parabole et m’atteignit à la base du cou. Je reculais sous le choc, des étoiles dansaient devant les yeux. Déjà le coup suivant arrivait. Je le parais maladroitement. Je devais me ressaisir. Je fixais mon adversaire, tentais d’oublier mes courbatures, ma faim, ma soif et la foule qui hurlait son plaisir dans les gradins. Taureau me chargea, prêt à m’infliger le coup de grâce. Sous mon masque de cuir, je souris, c’était l’erreur que j’attendais. Je m’élançais en arrière. Je perdis l’air de mes poumons en touchant le sol sableux. Sans prendre le temps de reprendre mon souffle je lançais mes deux pieds en avant. Lancé à pleine vitesse, Taureau les reçut dans le ventre et me passa au dessus en battant inutilement des bras. J’achevais de me rétablir, attrapais l’arme de mon adversaire et lui appuyais mon pied sur sa gorge offerte. Si l’arène retenait son souffle, nous recherchions le notre bruyamment. L’air empestait le sable brûlant et le sang, mais par les quatre qu’il était bon. Une clameur s’éleva, puissante, roulant d’un bord à l’autre des tribunes. « Brillant ! Brillant ! Brillant ! »
Mon public, mon peuple ne pouvait me reconnaître derrière mon masque. Ils appelaient donc le vainqueur des Trois Jours du Rite de l’Epeautre: Brillant.
Taureau se mit à rire, il se redressa et je le laissais faire. Il m’admonesta une accolade digne de son nom-totem, du coin de l’œil je vis mes condisciples surgirent du fond du stade. Ils venaient en chantant.

Bradigan aux bras d’airain
Gagnait sa vie de bien belle façon.
Il forgeait du soir au matin
Pour obtenir les faveurs de Ninon.

Les uns boitaient, les autres portaient les stigmates des nos joutes et des épreuves traversées ces trois derniers jours. Bandages, éclisses, baumes, tous arboraient fièrement leurs blessures. Certes ils avaient été éliminés, certes ils n’étaient pas vainqueurs, mais ils étaient aussi gonflés d’orgueil de ma victoire que si elle était leur.

Bläzick seigneur aux bels mœurs
Pris affront des assauts des sorcières.
Bien à l’abri dans sa demeure
Fit sonner l’appel les cors de guerre.

Ces hommes, mes amis, mes frères d’armes m’entouraient, me claquaient les épaules de grandes bourrades amicales. Je fus hissé sur leurs épaules. Trop heureux de respirer un peu d’air, je vis la liesse populaire s’enfler de plus belle.
Nous fîmes le tour de l’arène. Les palisses de bois disjointes retenaient a grand peine la foule des petite gens. Hystériques ils menaçaient de tout renverser pour fêter leurs héros. Puis nous défilâmes devant les nobles. L’écrasant soleil de l’été jouait sur les oriflammes. Les applaudissements n’étaient pas moins nourris que ceux du peuple. Nous ne nous arrêtâmes que lorsque nous fûmes devant la loge royale.

Sourd aux sirènes sanglantes
Bradigan demeura auprès de sa mie
Il résista aux gend’armes tant et tant
Qu’il fut mené enchaîner à sa Seigneurie.

Ma voix s’était jointe à celles des autres. Nous chantions le chant glorieux de notre histoire tout en nous alignant devant notre suzerain. Nos veines charriaient des flots de feu qui nous faisaient oublier nos blessures. Notre heure était arrivée. C’était la fin de cinq ans d’enfer.

Bläzick porta accusation de trahison
Le coquin encapé de sa fierté l’ignora
Fort de sa puissance le roi voulut briser le forgeron
Deux jours et deux nuits ils luttèrent sans se jeter à bas.

Ce n’était pas un chant bien tourné, emplit de pieds choisis et mesurés. C’était un lai mi-parlé mi-chanté que nous récitions ensemble soir et matin. Nous étions tour à tour Bläzick et Bradigan. La formation que nous suivions n’avait d’autre but que de créer une milice dévouée au prince. Et je devais respecter ses hommes en ayant fait le même parcours qu’eux. C’est ainsi que nous portions tous des masque de cuir blanchit. Mon anonymat préservé, nous pouvions nous lier sans contraintes.

Ayant pris la mesure de l’autre,
Les fiers hommes s’accordèrent un instant de repos
Essoufflés, épuisés, ils murmurèrent une patenôtre
Et chacun, leur arme mirent au dépôt.

Depuis ce glorieux combat,
Bläzick son peuple guida
Bradigan son suzerain protégea
L’amitié, seule, les guida.


Le roi tendit ses bras, réclamant le silence. Par les quatre, je ne retrouvais pas mon père dans ce frêle vieillard qui ne remplissait plus sa tenue d’apparats. Je lui trouvais l’air hagard, et je n’étais pas le seul, Traimon, mon vieux maître se trouvait un pas derrière lui, prêt à lui porter assistance.
La voix de mon père rugit. Cela, il ne l’avait point perdu.
« Ce jour marque le début d’une nouvelle ère pour notre peuple. En ce jour bénis des Quatre nous avons un nouveau champion de l’arène.
A ces mots l’immense foule bariolée laissa exploser sa joie en un rugissement de tonnerre.
Mon père, magnanime attendit un instant, puis réclama une fois de plus le silence.
« Nous, Roi Aflaria XXIII, Souverain du Royaume de Valbereix, Duc d’Anglême, allons à présent procéder à la cérémonie de l’épeautre.
D’un geste solennelle, quoique tremblant, il englobât tous les combattants en une accolade lointaine.
_ Jeunes gens, vous terminez à présent votre apprentissage. Les épreuves passées vous ont soudés au-delà des mots, vous êtes plus que des frères, plus que la somme de vos possibilités, vous êtes frères d’épeautre. Vous êtes la nouvelle Garde Royale.
Le grand sénéchal fit un signe à nos sergents. Ils se placèrent face à chacun de nous, tenant dans leurs mains droites le morceau de cuir qui allait nous définir pour le restant de nos vies.
_ Bertrand de la Combe Noire, avancez d’un pas.
L’interpellé hésita un instant, nous n’avions plus l’habitude de nos propre nom. Le sergent face à lui plaça vigoureusement l’épeautre sur l’épaule gauche de mon camarade en criant : Désormais et selon la tradition des seigneurs Bläzick et Bradigan, porte fièrement ton titre : Seigneur Sanglier.
Sanglier porta ses doigts à sa décoration. Je devinais son sourire en sentant la gravure en forme de hure.
Le nouveau Seigneur Sanglier ôta alors son masque de cuir, révélant son visage juvénile à la foule en liesse. Les gradins de bois tremblèrent sous les acclamations du peuple.
Mon père appela tour à tour mes condisciples il y eût donc des nouveaux Seigneur Blanc, Taureau, Cœur de Lion, Epervier, Forteresse, Sauge, des noms que nous nous étions choisit, qui nous définissaient mieux que nos patronymes d’origines. Enfin, mon tour arriva. L’orgueil et la fierté faisaient trembler la voix du vieux roi. Traimon ne contenait point ses larmes de joies. J’avais réussit l’exploit d’être le champion de l’arène, moi, le prince héritier. C’était un événement qui n’était pas survenue depuis plusieurs générations. J’étais membre, chef et vainqueur de la garde royale. Je lisais sur le visage de mes confrères la joie pur et simple de me découvrir comme tel. Ils me suivraient jusqu’aux enfers si je le leurs demandais.
Mon cœur battait trop fort dans ma poitrine. J’étouffais sous mon masque. Une prière au bord des lèvres, je souhaitais que mon père en finisse au plus vite.
_ Prince Yvon, Héritier de la couronne de Schalk, avancez jusqu'à nous !
Je m’exécutais, la lisse de planche mal dégrossit me séparait de mon père, comme j’aurai aimé qu’elle disparaisse pour que je puisse le serrer dans mes bras. Peu m’importait en cet instant nos froides relations, ou la présence de sa cour, je ne voulais qu’être un fils enserré par son père. Perdu dans ma rêverie, je ne l’écoutais point.
_ … Désormais, vous porterez le titre de Seigneur Brillant, vainqueur des joutes de l’épeautre.
Un sergent placé derrière moi plaça mes insignes, un soleil gravé sur la pièce de cuir sur mon épaule gauche, un collier vermillon autour du cou. D’un geste bref je me libérais de mon masque. Enfin, je sentais de l’air sur mon visage. La foule hurlait, trépignait, tapait des mains. La rumeur était assourdissante. Mon père, magnanime, laissa la foule se calmer d’elle-même, puis d’un large mouvement de bras théâtral, l’invita de nouveau à faire silence.
_ Mon fils, Mon vieux cœur se réjouit de ce jour qui efface les tourments passés.
L’ombre de mon frère décédé plana un instant entre nous. Il reprit son allocution.
_ Seigneur Brillant, désormais vous êtes l’héritier du Trône, promis à ma succession lors de mon trépas. Portez fièrement ce présent, que chacun ici en soit le témoin de votre bonne fortune.
Cette fois, attentif au discours de mon père, je n’avais pas vu Traimon le quitter. Mon vieux précepteur apparu brusquement devant moi. Il portait une épée à bout de bras. Le fourreau était ouvragé de fils d’or et d’argent et le pommeau portait mes armoiries, mais le plus important était l’énorme joyau qui ornait la garde. C’était le plus gros éclat de Schalk Bleue que je n’eusse jamais vue. C’était gros comme une noix, son prix était à peine imaginable. Si nos contrées étaient riches de Schalk Rose, le Bleue se trouvait dans les carrières de la lointaine Dalésie. C’était un présent royal.
Je sortis l’arme de son étui. La lame polie brillait de milles feux. La foule hurla sa joie, je lui répondis en brandissant l’épée. Sous les vivats, je la nommais sur le champ : Flamboyante. A l’évocation de son nom, une flamme bleutée jaillit du pommeau, couru le long du fil et s’élança vers le ciel.
Les vagues de hourra se succédaient sans relâche, s’enroulaient autour de mon cœur, perturbant son rythme, le faisant vibrer à l’unisson de ce peuple qui m’acclamait et m’accueillait en son sien. Je levais les deux bras en signe d’acceptation. Je devenais, de fait, Yvon III, Héritier de la couronne de Schalk.
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L'amour pour épée, l'humour pour bouclier ! (B WERBER)

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