Discussion: Le Bouffe-Univers
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Vieux 05/01/2012, 10h54
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Super Héros maitre du monde
 
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9.
Une longue file de malades, de faméliques, de dysentériques, de sidaïques, de lépreux, de bouchers génocides et victimes de la faim, d'excisées purulentes, de vieillards aveugles, mais heureux d'avoir atteint leur âge. La Panafrique est souffrance. La Panafrique souffre pour que les autres souffrent moins. La Panafrique n’est ni le berceau de l’humanité, ni l’âme des peuples. Elle est un purgatoire et un ogre que l’on exhibe devant les enfants turbulents. Un continent devenu imaginaire, mythique, fruit de conférences, de romans et de récits théoriques. La Panafrique n’existe pas. Elle est Mû, Atlantide et même Cocagne. Ainsi soignons-nous nos plaies. En les transformant en contes. Mais moi, je suis là, bien vivant, un bandage couvert de vomi serre trop fort mon torse trop mou. Et je regarde les médecins lutter, impuissants ou presque, contre des maladies que je croyais disparues. Je vois les corps aux allures de momies de femmes à peine trentenaires qui hurlent de douleur à la piqûre d'un vaccin qui tient plus de la soude caustique. Je vois des enfants mourir sans avoir même su que la télévision existait. Je vois l'enfer et je me dis, putain, qu'est-ce que je fous là !
Ils ne voulaient pas que je meure, à l'ambassade, mais ils ne pouvaient pas non plus me laisser là-bas, pas avec ce que je sais. Alors ils m'ont amené ici, prisonnier de l'horreur, un hôpital de brousse au milieu du grand rien, avec juste une usine de textile ultra-polluante à cinq cents mètres et un village champignon qui s'est créé autour. Si les habitants ne crèvent pas intoxiqués par les émanations chlorées, ils chopent le sida ou la variole et finissent, de toute façon, par claquer harassés sur une des chaînes de montage de l'usine.
Welcome !
Je reste deux mois en convalescence, le temps de m'acheter une conscience. Même la pire des ordures, à moins qu'il ne soit chef du marketing, finit par comprendre des choses là-bas. Je ne suis pas le mauvais bougre. Je vis à Déprime Land. Je suis toxico. J'ai fait les mauvais choix, mais, la plupart du temps, j'ai été un keum réglo. Je croyais connaître le malheur, c'est pour ça que je me suis permis des trucs que la morale réprouve. Mais là, ok. Je commence à comprendre. Il y a malheur et malheur. Il y a pas cool et franchement craignos. Bref, il y a Déprime Land et il y a la Panafrique. J'avoue qu'il n'y a pas que le malheur alentour pour m'ouvrir les yeux. Il y a aussi cette infirmière qui s'occupe de moi depuis mon réveil. Félicité. Ses cheveux tirés et lissés à la crème pour faire européenne. Ses yeux noirs et ses pommettes hautes qui deviennent marrons clair quand elle rougit. Et puis ses seins énormes !
Quand je sors de ma tente, il y a toujours une dizaine d'enfants qui m'entourent et qui m'accompagnent partout où je vais. Ce n'est pas pour me taxer, ils savent maintenant que je n'ai plus rien, mais ils n'ont jamais vu quelqu'un d'aussi gros ! Pour eux, je suis une sorte de héros, de mythe. L'homme-éléphant ! Ils me croient doué de pouvoirs inimaginables et se disent qu'à côté de moi, ils n'auront plus faim. Je les laisse croire. Pendant ce temps au moins, ils n'entendent pas leur ventre. Moi si. Ma rage, ma haine, mon envie d'en découdre ("d'en découdre" ! Ici, même le vocabulaire vient d'un autre temps). Je rumine une vengeance qui se transformera en croisade, en acte chevaleresque. Je veux sauver ces enfants ! Au moins quelques-uns… Et si possible me faire un peu de blé. Je vous jure que ce n'est pas l'objectif principal, mais si on peut lier l'utile à l'agréable, hein…
Faudrait juste que je trouve un micro. Mais ici, ce n'est pas gagné. Ils ont déjà du mal à trouver à bouffer. Heureusement, il y a les organisations humanitaires, toujours un peu moins néfastes que leur absence. Alors il y en a une qui vient de livrer un lot de chaussettes (!) avec des couvertures (re-!) et aussi au moins une tonne de Damart (re-re-!). Il paraît que c'est une erreur. Une livraison qui devait arriver chez des sinistrés en Asie, victimes d'un déluge ou un truc genre "brusque montée des eaux", enfin : dégagement de CO2, effet de serre, réchauffement de la planète, etc… etc… etc… Bref, ça arrive là et donc un Anglais tout rouge et en short débarque et trépigne et crie un peu sur les nègres et cherche une solution et il se trouve qu'il a un portable. Alors, avec l'aide des mômes qui ne peuvent déjà plus le blairer, je le lui vole et me connecte au réseau.
Je suis un type naturellement chanceux. Je veux dire, bien sûr je me fais tirer dessus, torturer, tout le monde m'exploite, mais quand même, je suis vivant et presque amoureux ! Et surtout l'Anglais possède un abonnement à une compagnie aérienne. Cracker ses codes n'est en rien un problème, surtout que le petit gars, en bienfaiteur généreux qu'il est, n'est pas du genre méfiant. Donc voilà, je suis maintenant dans l'avion, avec dans la tête l'image de Félicité à l'aéroport qui me dit qu'elle m'attendra, et maintenant ça va chier.



10.
Il pleut à Déprime Land. C'est le 392e jour de pluie sans interruption m'apprend le plasma de l'aéroport. Et c'est toujours la même petite bruine bien moche et bien compacte. Je n'éprouve aucune joie à me retrouver ici. Pas même l'apaisant sentiment d'être "chez moi". J'ai juste envie de tout foutre en l'air. Une réelle nécessité de mettre le feu, d'exploser tout ce que je croise, tous ceux que je croise. Se laisser aller au "tout est pourri, tout est nul". Comme avec le spin, mais la rage en plus.
Je prends un taxi que je paye avec les doses de crack qu'il me reste de mon aventure Xi. Une fois chez ouam, je regarde mon appartement avec un dégoût certain. J'y récupère une vieille credit-card et mon Magnum, riche d'une trentaine de balles. Et c'est avec soulagement que je fous le feu à toute la baraque. Je vais direct au bureau de Caliméro. Je sonne d'une première giclée qui éclate la gorge du videur à l'entrée. La suivante est pour le physionomiste, la troisième explose la cage en verre qui sert de billetterie. Je continue à tirer dans le vide comme un cow-boy au saloon. La sécurité finit enfin par arriver et je suis, je le dis honteusement, très facilement maîtrisé. Après m'avoir copieusement tabassé, les bouledogues m'emmènent devant Caliméro. Il est complètement abasourdi par ma connerie.
— Je ne comprends pas ! Tu le savais que t'avais aucune chance !... Qu'est-ce qui t'a pris ?
Sérieux, il est sincèrement déçu, presque contrarié. Au fond, il était assez content que je m'en sois sorti. Je crois qu'il m'aime bien en fait.
— Mais qu'est-ce que je vais faire de toi ?
J'aimerais bien le savoir.
— Bon... Ben, mettez-le à la cave et pis butez-le.
Pfff...
— Arrêtez ! Arrête ! Caliméro ! Mon Cali, putain ! Tu ne peux pas faire ça ! Tu ne vas pas me buter comme ça, une balle dans la tête et puis, hop, c'est fini !!! C’est… C’est nul !
— Mmmmouais... Tu as raison. C'est pas marrant. Bon, vous avez qu'à le torturer aussi.
Moi et ma grande gueule... Alors les gros balèzes de Caliméro me traînent jusqu'à la cave et là, mes amis, ça devient franchement insupportable.
Je ne m'évanouis pas quand il transperce l'œil qui me reste avec un morceau de fil électrique. Je ne m'évanouis pas quand ils y foutent le courant et que ma tête commence à gigoter dans tous les sens et que je sens l'odeur de mes humeurs qui se mettent à bouillir. Je m'évanouis un peu quand ils attaquent les choses sérieuses et qu'ils me coupent le nez et qu'ils me coupent les orteils un par un et qu'ils me coupent les doigts et qu'ils me coupent la bite (ce qui me vaut une série de blagues assez vexantes sur la taille de mon membre). Je commence sérieusement à flancher et ils finissent par passer plus de temps à me réanimer qu'à me torturer. Le coup de grâce est proche et Caliméro daigne descendre pour y assister.
— Oh merde ! Vous vous êtes lâché, mes salauds !! C'est un vrai carnage. Putain... C'est pas humain, vous êtes tarés !!!
Quand je vous disais qu'il m'aimait bien....
— Bon... Ben... Ne le laissez pas comme ça. Achevez-le !
— C... C... Ca... Cali...
— Attendez ! Attendez... Je crois qu'il essaye de parler.
Caliméro s'approche et je crois vraiment ne pas être capable de lui demander ce que je suis venu chercher ici.
— D... D.... Dis-m...
— Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Quelqu'un comprend ce qu'il dit ?
— Cod... T... T... Ton cod...
— Quoi ? Mon code ?
— Ax... Axé...
— Tu veux que je te donne mon code d'accès ?!? Putain, mec ! Tu vas mourir. Qu'est-ce que t'en a à foutre de mon code, maintenant ?
— C... T... Cod...
— Bon.... Après tout....
Et là, dans ce moment si particulier, Caliméro se penche à mon oreille et d'une voix incroyablement douce, il me dit ce que je suis venu chercher.




11.
Savez-vous ce qu'est un émetteur ?
Un émetteur, c'est ce qui a envoyé Caliméro à la chaise électrique, c'est ce qui a sauvé la vie de plusieurs milliers de panafricains, c'est ce qui a permis à un sale petit enculé comme moi de racheter toute sa putain de vie merdique et minable. C'est ce qui a fait de moi un héros.
Posthume.
C'est le seul problème. Je ne m'en suis pas tiré cette fois. Je suis mort un 24 décembre, abattu d'une balle d'Uzi dans la nuque, dans la cave d'un club de strip-tease gay en plein centre de Déprime-Land. Du coup, vous vous demandez sûrement qui vous parle maintenant. Forcément. Vous vous dites : "Elle est où, l'arnaque ?"
Ce que j'ai omis de vous dire, c'est qu'avant de foutre le feu à mon appartement et d'aller à la rencontre d'une mort certaine, avant d'implanter un micro-émetteur grand comme un demi-ongle dans mon oreille interne et avant de relier cet émetteur au réseau, je me suis créé une petite interface mémorielle des familles que j'ai balancée sur le Net. La jolie petite I.A. qui vous parle en ce moment ne pourra sûrement jamais aller skier, ni manger un soja-burger et encore moins sentir à nouveau les énormes seins de la sublime Félicité contre sa joue inexistante, mais elle a pu hacker toutes les données de Caliméro et les donner en pâture aux médias libres du web, aux gouvernements du monde entier, aux ONG les plus diverses, à tout le monde en fait...
Et je peux vous dire que ça a été un joyeux bordel.



FIN
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