[gillesC]

[ Annexe à la Théorie générale des Systèmes Familiaux : ceci a probablement beaucoup plus sa place sur le Topic de l'Education Nationale, donc....


" Nous aurions tort de ne voir dans l'apprentissage de la Lecture que l'acquisition d'une technique.
On commence aujourd'hui à mesurer l'élargissement du fonctionnement cérébral induit par un usage intensif et précoce ( Felipe Pegado, Timing the impact of literacy on visual processing )
Certes, les enfants déjà intelligents apprennent plus facilement à lire. Mais il est plus important pour la compréhension de l'Histoire Humaine de saisir que c'est surtout la lecture qui rend les enfants plus intelligents. "

Où en sommes-nous, chapitre 6; E. Todd - 2017.



" Une étude récente de la D.E.P.P. (rattachée à l'Education Nationale), à la fois solide et simple dans sa conception, permet de mesurer et de saisir à la source, au sortir du primaire, la baisse de niveau scolaire.
Elle nous donne pour les élèves de CM2 en 1987, 1999, 2007 et 2017 l'évolution des scores en calcul élémentaire, en évaluant la façon dont les enfants de 10 ans environ sont capables de faire à la main des Opérations à trous, de l'addition à la division; les résultats étant facilement comparables d'une année à l'autre.
Voici les scores moyens :

1987 : 250 points
1999 : 210
2007 : 202
2017 : 176

La chute est spectaculaire.
Ces scores en calcul sont fortement corrélés aux performances en lecture et en orthographe. Une étude un peu antérieure de la DEPP nous apprenait que les Compétences orthographiques mesurées dans le cadre d'une dictée baissaient globalement:
10,5 erreurs en 1987
14,3 en 2007
17, 8 en 2015.
Point significatif, ce sont surtout les règles d'accord entre verbe et sujet; dans le groupe nominal; et du participe passé qui posent problème. Or, on sait que les accords de la langue française sont assez proches du Calcul en terme de gymnastique mentale.


Ces résultats confirment l'hypothèse d'un Bac bien différent à notre époque, par rapport au XXème siècle, puisque le taux de réussite des bacheliers à l'épreuve Générale, lui, non seulement n'a pas baissé, mais à même augmenté ces dernières années. Cette augmentation post-2004 n'est pas du tout dans la continuité des tendances à la hausse de l'après-guerre et de l'après-1968.
Sinon, comment expliquer que de plus en plus d'enfants obtiennent le Bac, au sein de générations qui savent de moins en moins bien écrire et compter?


Les sources Eurostat nous disent que la part d'une génération qui fait des études supérieures à bac+2 minimum est passée de 27% en l'an 2000 à 43% en 2016.
Il suffit de réfléchir 2 minutes pour se rendre compte que quelque chose cloche : AUCUNE société ne peut faire un tel bond éducatif en seulement 16 ans : le développement de l'éducation obéit à des rythmes bien plus lents. Le niveau des études supérieures lui aussi ne peut donc pas être resté le même.

( J'admets ces déclins par devoir de chercheur et avec tristesse.
Toute ma vie, j'ai résisté aux théories "déclinistes"; n'étant pas, comme Finkielkraut, pessimiste de tempérament et social-dépressif d'idéologie.)



La "bonne nouvelle", c'est que la baisse de niveau touche les enfants de toutes les catégories sociales.
De 1987 à 2017, la chute est de 26% chez les enfants de cadres, 28% chez les intermédiaires, et 30% chez les ouvriers - différences suffisamment faibles pour rester dans le modèle d'une France où la croissance des inégalités entre les Catégories Socio-Professionnelles n'est pas le problème central.

... l'apprentissage de la lecture entre 6 et 8 ans, intervient dans une phase cruciale du développement d'un individu et modifie son cerveau en profondeur : la Lecture complexifie la vie intérieure, et transforme la personnalité de l'enfant qui la pratique de façon intensive; elle change son rapport au monde.
Or cet apprentissage a été perturbé dès avant l'arrivée des consoles, puis des portables et tablettes, par l'arrivée en masse de la télévision.

Aux Etats-Unis, les tests de raisonnement SAT montrèrent une baisse de niveau dès la fin des années 60.
Elle peut être corrélée directement à l'impact massif et précoce de la télévision : les jeunes américains se sont mis à lire moins* , ce qui a nui à la formation Positive des cerveaux.

Ce constat a quelque chose de paradoxal : il est insensé qu'une percée technologique nous menace d'un effondrement intellectuel, et difficile d'admettre que l'un des grands facteurs du développement récent de l'espèce humaine a peut-être été l'effroyable ennui de ces après-midi de vacances où, pour s'occuper, les enfants lisaient. "

Les Luttes de Classe au XXIème siècle, E. Todd, 2020. ]

* Y compris les comics...