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Vieux 23/03/2018, 15h47
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Hawkguy
 
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Ces derniers jours, je me suis fait un petit marathon DC movies pour avoir ma propre opinion de ce qui se produit pour le cinéma chez la "Distinguée Concurrence" face au mastodonte Marvel et ses hits en cascade. J'avais lâché l'affaire depuis la trilogie Batman de Christopher Nolan (d'un ennui profond et d'une arrogance exaspérante) et j'étais curieux devant les critiques souvent plus que mitigées. J'ai donc vu Batman V Superman : L'Aube de la Justice, puis Justice League de Zack Snyder, tout en gardant ce qui semblait le meilleur pour la fin : Wonder Woman, de Patty Jenkins, sorti entre les deux précités l'an dernier, et carton critique et public. Et là : révélation !


La différence majeure entre les productions cinéma de Marvel et de DC tient en un nom : Kevin Feige, qui est le producteur-chef d'orchestre de tout le département films de la "maison des idées". Grâce à lui, le Marvel Cinematic Universe a pu se bâtir, patiemment et solidement, accumulant les succès au point de former un réseau de personnages et d'intrigues convergeant régulièrement dans les aventures des Avengers tout comme en imposant au grand public (des salles obscures ou de la télé) des héros méconnus (ou pas connus du tout). L'attitude discrète mais ferme et humble de cet homme est la vraie clé du succès de Marvel au cinéma : on peut reprocher à son studio d'exploiter désormais une formule éprouvée, qui manque de fraîcheur, mais les résultats sont là - avec un tout cohérent, une cagnotte bien garnie et un avenir dégagé.

D'autant plus dégagé que, en face, DC éprouve la plus grande peine à se relever de l'époque où Christopher Nolan a refondé Batman avec des scores au box office certes impressionnants, et une critique généralement ravie, mais aussi la volonté du cinéaste-producteur de ne pas construire sa trilogie comme la base d'un univers cinéma partagé.

En autorisant un réalisateur tout-puissant, grâce à ses triomphes en salles, à ne pas mentionner Superman et compagnie et donc à ne pas suggérer l'existence d'autres super-héros, DC et Warner s'est privé de ce que Marvel et Disney a su minutieusement planifier : un sol fertile pour préparer l'émergence de personnages ayant leurs films pour être présentés et ensuite être rassemblés dans un team-movie comparable à Avengers.

Que Zack Snyder ait été ensuite chargé de corriger cela, tout en étant toujours produit par Nolan (qui, soudain, n'était plus si gêné par le développement d'un authentique DC Cinematic Universe...), en filmant Man of Steel (en 2013), qui devait être le chapitre I d'une nouvelle ère programmé pour concurrencer le MCU, n'a pas vraiment arrangé les choses. D'abord parce que le style du réalisateur, présenté comme un "visionnaire" (sur la foi de ses adaptations maniéristes des graphic novels 300 et Watchmen), était loin d'être aussi accessible que les filmmakers plus consensuels de Marvel (Jon Favreau, Kenneth Branagh, Joe Johnston, Joss Whedon les premiers). Ensuite parce que le retour de Superman au cinéma a abouti à une polémique à propos de l'image du Kryptonien (qui y tuait son adversaire en causant des dégâts cataclysmiques sans égard pour la population civile qu'il se donnait pour mission de protéger). La suite, bancale, Batman V Superman (avec la curiosité de placer Batman en premier dans le titre d'un long métrage dont Superman était la vedette) n'a pas suffi à corriger le tir (même si l'édition en DVD d'une version "director's cut" a permis de mieux apprécier le résultat).

C'est dans ces conditions qu'a été initié Wonder Woman : le défi était énorme, après l'échec retentissant d'une nouvelle version pour la télé (produite par David Ally McBeal E. Kelley) et plus de quarante ans après le feuilleton kitsch avec Lynda Carter. Mais on n'était pas au bout de nos surprises.

Comme s'il n'y avait rien à perdre à être vraiment audacieux, et même si Zack Snyder restait dans les parages (il est crédité à la production et pour l'histoire), la Warner confie le projet à une cinéaste, Patty Jenkins ! C'est la première fois qu'une femme se trouve, à Hollywood, à la tête d'une si grosse production, aux enjeux commerciaux si importants, qui plus est après une carrière commencée dans le circuit indépendant (même si son Monster a valu l'Oscar de la meilleure actrice à Charlize Theron). Puis le rôle principal, convoitée par le gratin des actrices bankables de Hollywood, est donné à une quasi-inconnue, l'ex-Miss Israël 2004, Gal Gadot.

Enfin, il s'agit d'une origin story classique mais qui se situe durant la première guerre mondiale, donc alliant les codes du film de guerre, d'aventures, de super-héros. Un cocktail délicat, que seul Captain America : The First Avenger a réussi à produire.


Malgré toutes ces incertitudes, ces écueils, Wonder Woman est mieux qu'une réussite, c'est un exemple. Pas seulement pour DC d'ailleurs, qui serait bien inspiré d'ambitionner tous leurs futurs films à l'aune de celui-ci, en termes d'exigences artistique et narrative, mais aussi pour Marvel - car en qualité de manifeste (ici avec une super-héroïne), il dépasse de loin le récent Black Panther pour représenter avec justesse et souffle une forme de minorité visible (les femmes ici, les noirs ailleurs). Le script d'Allan Heinberg (qui a signé plusieurs comics consacrés à l'amazone, donc familier du personnage, de son univers, de son histoire) est un modèle du genre, à la construction formidable, avec une intrigue qu'on peut résumer simplement tout en n'en minorant pas la complexité et une caractérisation jubilatoire. C'est un des meilleurs efforts que j'ai pu apprécier dans le cadre si codifié du super hero movie depuis longtemps.

Patty Jenkins allait-elle savoir aligner sa mise en scène à une grosse machine comme celle-ci ? La réponse est affirmative. Comme un véhicule qu'on passerait au contrôle technique, la cinéaste passe tous les tests avec succès, non parce qu'elle est une femme se hissant au niveau des hommes habituellement à la barre de ce genre de films, mais parce qu'elle a su y insuffler sa sensibilité et un sens du grand spectacle épatants. Quand il s'agit de poser l'action et d'en exposer les enjeux, elle le fait avec fluidité, quand il faut envoyer du bois et en mettre plein la vue dans des séquences de combat chorégraphiées et des explosions pétaradantes, elle est là. Wonder Woman est un divertissement intelligent et qui en donne pour son argent, glissant quelques messages subtils sur le féminisme, l'héroïsme, le choc des civilisations, l'expérience de la guerre, le sacrifice, l'isolationnisme et la lâcheté, avec l'art et la manière, sans être professoral mais avec pertinence et naturel.

Dans cette aventure, qui ne ménage pas ses effets mais n'en abuse pas non plus, réservant de bonnes surprises narratives sans sombrer dans l'excès de twists, la distribution est impeccable : Chris Pine (pourtant un acteur objectivement moyen) est très bon en capitaine dont le romantisme est aussi bien sentimental qu'héroïque, soutenu notamment par l'excellent Saïd Taghmaoui. Les méchants sont campés avec conviction et sans cabotinage par Danny Huston, Elena Ayala et David Thewlis (qu'on n'attendait pourtant vraiment pas là - même s'il a déjà servi dans des blockbusters comme la saga Harry Potter). Et puis, surtout, il y a elle, elle Gal Gadot, d'une beauté à couper le souffle ("une oeuvre d'art" comme dit justement Sameer), d'un charisme insolent, et d'une justesse impressionnante : c'est un exercice délicat de jouer les déesses sans être ridicules dans un costume tel que celui de Wonder Woman, mais à chaque fois qu'elle apparaît, elle s'impose sans forcer, comme si le rôle, le film, ce genre n'attendaient qu'elle, comme si elle était taillé pour - façonnée telle Diana.

Finalement, la vraie injustice qui aura frappé Wonder Woman (peut-être à cause du désastre de Justice League ensuite), c'est que le film n'ait pas eu les honneurs de quelques citations aux Oscar (comme Logan d'ailleurs). Patty Jenkins et Gal Gadot n'auraient pas volé leurs chances. Mais peut-être n'est-ce que partie remise... En attendant, que DC et Warner, eux, n'oublient pas leur meilleure production : c'est vraiment ce maître-étalon-là qu'ils doivent adopter.
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