Discussion: Le Bouffe-Univers
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Vieux 01/01/2012, 19h17
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Super Héros maitre du monde
 
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allez hop, je mets en ligne l'autre nouvelle qui se passe (dans ma tête en tout cas) dans le même univers. elle s'appelle :

D' Land

1.
Cela fait 300 jours qu’il pleut sans discontinuer une petite bruine bien moche et bien compacte, comme la neige des télés cassées. À force, on s’habitue à voir tout en flou, à oublier les détails. La vie au-dehors n’est plus qu’une approximation, mais les gens s’en foutent. De toute façon, qui sort encore de chez lui ? Ceux qui ne travaillent pas devant un micro sont Absents ou en passe de le devenir, les autres restent chez eux et attendent d'avoir les yeux morts pour se suicider. Pour passer le temps, quand les yeux sont trop rouges ou trop piquants pour continuer, on peut toujours regarder les voisins sur la vidcom, mais ce n’est pas vraiment passionnant. Personnellement, pour ce que cela veut encore dire, je préfère me défoncer au spin. Enfin, me défoncer… C’est plutôt une façon de partir en vacances, voir du soleil quoi !
Avant, je travaillais comme programmateur de niveau de vie. Je décidais si tel consultant avait le droit à la nouvelle BMW, quel quartier le responsable réseau était en droit d'habiter, ce genre de chose… Un poste de pouvoir quoi ! Et puis, le jour de mes dix-sept ans, un connard de créatif de champs m’a fait goûter au spin. J’ai vu le soleil, j’ai compris. J’ai tout plaqué du jour au lendemain (après avoir quand même négocié mon départ à 70 KE, clause de non-concurrence incluse) et j’ai découvert les joies du junky.
Avec le spin, t’as l’impression d'avoir Let Stay Together d'Al green en boucle dans ta tête. Le monde est beau et tu es son maître. Ta vie ressemble à une sitcom. Bon, c’est vrai qu’avec la vidcom, ta vie est de toute façon une sitcom. Sauf qu’avec le spin, il se passe vraiment quelque chose. La voisine qui devient belle, l’appartement qui se transforme en palais saharien, avec oasis et danseuses du ventre. Et du sexe. Beaucoup de sexe. Avec plusieurs femmes, avec des hommes, avec des objets, enfin… Avec tout ce qui te passe par la tête. C’est que, sinon, il n’y a pas de sexe à Déprime Land. Juste un appendice pendouillant ou un orifice desséché. L’excitation n’est plus jamais ressentie. Elle est simplement vécue, par l’intermédiaire des réseaux. Et le plus souvent grâce à des jeux de guerre plutôt qu’à des fantasmes hardcores bon marché. Le spin permet de croire à l’amour et d’en ressentir les effets. Ce serait génial s’il n’y avait un drôle d'inconvénient : avec le spin, tu perds la boule. Je veux dire : vraiment. C’est Alzheimer garanti. Et être un vieillard à vingt ans… Merci, mais non. Alors il faut que j’arrête. Mais là, ça coince. La dépendance n’est pas chimique, comme avec l’héro ou le crack, mais vous quitteriez, vous, votre copine que vous aimez depuis des mois et qui vous aime autant, comme ça, du jour au lendemain, pour rien ? C’est dur de décrocher de l’amour. Surtout quand on vit à Déprime Land. Même si cela doit vous coûter votre raison…
Bref, j’en suis là. Arrêtant, replongeant, ré-arrêtant, re-replongeant… Une spirale de merde, de vertiges amoureux en déprimes carabinées. Un cercle absurde, ponctué d'oublis de plus en plus fréquents, une rapide décrépitude mémorielle qui me fait flipper plus que tout.
Puis une lueur d'espoir : un voisin, Monsieur Xi, est sous spin depuis quatre mois. Je le regarde souvent, sur la vidcom, avachi dans son salon et regardant sa propre vidcom (peut-être me regardant le regarder), avec le sourire béat et les yeux morts du junky qui vient de s’enfiler son shoot. Mais depuis hier, plus de shoot. Il a trouvé un truc. Un nouveau truc pour se sevrer. Maintenant, Monsieur Xi n’est plus avachi sur le canapé de son salon. Il tourne en rond en se morfondant, tout sourire ayant déserté son visage. Il est malheureux, Monsieur Xi, mais il n’oublie plus rien. Et j’envie son malheur. Il signifie liberté. Liberté de quitter Déprime Land. De se barrer pour voir le soleil, le vrai cette fois, celui qu’on aperçoit encore au nord, là où l’ozone a disparu. Mais pour ça, pour pouvoir vivre dans les bulles de lumière qui vous protègent des U.V., il faut du pognon. Beaucoup. Alors d'abord se sevrer, puis gagner suffisamment de pognon et enfin tirer sa révérence à Déprime Land. Ciao salope !
Je sais bien que tous les spin-addict de Déprime Land font ce même rêve, racontent ce même genre de conneries. Qu’ils sont tous persuadés avoir assez de couilles pour décrocher, se mettre sur un coup fumeux, empocher le jackpot et hit the road, Jack ! Mais bien sûr, aucun n’y est jamais parvenu. Pour qui ils se prennent, ces loques. Moi, c’est différent. Je suis un ancien programmateur de niveau de vie, moi ! J’ai toutes les cartes en main, moi ! Et surtout, Caliméro m’a appelé lundi. Il a un boulot pour moi. Un boulot à 6 ME. La chance de ma putain de petite vie pourrie. Faut que je décroche.
Il faut juste que je décroche.


2.
L’immeuble est vert-de-gris. Vérolé par les champignons et les moisissures jusqu’aux tréfonds de ses caves les plus noires. J’habite ici depuis que je suis junky. Le loyer ne coûte rien, quelques millier d’euros. Les habitants payent quand ils peuvent. Le proprio, c’est la ville. Ils attendent que l’immeuble s’écroule sur notre gueule pour en reconstruire un tout beau tout neuf. Il y a l’eau courante le matin, un peu de réseau le soir, plus de chauffage. Il n’y a que la vidcom qui fonctionne. Forcément. Ils ne sont pas fous. Couper la vidcom, ce serait comme de nous priver de notre spin, notre opium. La révolte assurée… Enfin, je dis ça. M’étonnerait que qui que ce soit dans cet immeuble puisse être encore assez conscient pour se rebeller d'une manière ou d'une autre. Ils ne s’apercevraient peut-être même pas qu’elle est coupée…
Monsieur Xi habite dans l'aile Orange. À l'autre bout de l'immeuble. Je n'aime pas trop aller là-bas. Si cela ne me faisait pas sourire, je pourrais dire que c'est mal famé. Une chose que l'on apprend dans la pauvreté, c'est qu'il y a une gradation dans l'insalubrité, dans la marginalité et dans leurs appréciations. Il est clair que l'aile Bleue où je vis pourrait être taxée par n'importe quel administrateur réseaux de taudis. Mais comparé à l'aile Orange, cela reste encore très fréquentable. Presque familial… Pas plus de cent cinquante chambres, sur deux étages avec une vingtaine de patios recouverts d'herbe synthétique. Bon, évidemment il ne faut pas s'aventurer dans certains patios à partir d'une certaine heure, voire à n'importe quelle heure de la journée pour les crack-here. Mais une fois qu'on les a repérés, il n'est pas dur de ne jamais y foutre les pieds. C'est différent dans l'aile Orange. L'ensemble du quartier est squatté par les Absents. Les branchés ne quittent plus leur chambre et se font livrer le minimum vital par une minorité d'Absents assez maligne pour avoir mis en place ce système de livraison à domicile surfacturée et totalement illégale. Mais bon, qui ira leur dire que ce petit commerce d'utilité public est un délit ? Sûrement pas les Casques qui ont abandonné depuis bien longtemps les poursuites contre les infractions mineures non-virtuelles. Encore moins le gouvernement qui n'attend qu'une chose, que les branchés non-fournisseurs de services (BNFS dans le jargon administratif) crèvent. Tout simplement. Et en les laissant vivre au bon vouloir des Absents, y'a de grandes chances en effet qu'ils finissent tous par crever. C'est qu'il y a une chose de sûre avec les Absents, outre le fait qu'ils soient complètement psychotiques, c'est qu'on ne peut pas vraiment leur faire confiance. Alors le pauvre BNFS, il bouffe qu'une fois de temps en temps, quand un Absent pense à le livrer. Et ça, cela veut dire quand l'Absent est tellement en manque qu'il a vraiment besoin de fric. Et un type qui ouvre sa porte à un Absent en manque, même si c'est pour enfin bouffer après une semaine de diète, et ben il n’est pas très malin. Une chance sur trois qu'il se fasse tabasser à mort puis énucléer. C'est qu'un œil, même à moitié mort, ça se vend encore vachement bien au Flesh'Mark.
Tout ça pour dire que je ne suis pas fan de l'aile Orange. Mais mon salut viendra de là-bas. Alors je lève mon gros cul et je mets en branle mes 150 kilos direction le Paradis des Debouts, le Royaume des Hors Réseaux ou, si vous préférez la simplicité, le Coin le Plus Merdique de Tous Les Coins Merdiques de cette Merdique Planète.

D'abord des couloirs un peu glauques, genre tapis-roulant dans un métro, sauf que les tapis ne sont pas roulants et que vous vous enquillez des kilomètres avec de bons néons bien blancs dans la gueule. Et puis il n'y a personne. Où sont les gens ? Ben chez eux, devant leur écran, bien tranquilles avec personne pour les faire chier. À quoi ça sert d'entretenir des trottoirs si y'a personne pour marcher dessus ? Alors, c'est dégueulasse. Des canettes, des seringues, des bouteilles vides dans des sacs en papier déchirés. Je surfe entre les déchets, tel un californien post-atomique. Sur ma trottinette électrique, j'ai l'air d'un con, mais au moins, je ne fatigue pas trop. J'enchaîne dans une suite de patios pas trop craignos, que je connais bien pour y avoir acheté du spin. Je dois quand même me planquer dans un amas de merde deux bonnes heures alors qu'un deal dégénère en gunfight. Une fois les opposants décédés ou trop blessés pour être dangereux, je peux repartir, en prenant toutefois le temps de piquer trois doses de crack sur un cadavre. Ça peut toujours servir…
La partie difficile commence. Je repère un premier groupe d'Absents en train de se partager ce qui semble être de loin le cadavre d'un chien. Enfin, je prie pour que ce soit le cadavre d'un chien. Plutôt que d'aller plus près vérifier, j'emprunte les grands élévateurs. Je n'aime pas trop m'enfermer dans ces énormes cages de trente mètres carré qui filent à plus de 80 Km à l'heure et qui sentent le sperme et l'urine, mais c'est toujours mieux que la compagnie des Absents. Je ne sais pas pourquoi on appelle ça des élévateurs, vu que ça n'élève rien et que ça se contente de faire le trajet de long en large sur tout l'immeuble. Le risque est de se retrouver coincé avec des gens. Mais bon, normalement, personne ne les utilise jamais. Évidemment, à la troisième station, un groupe d'une cinquantaine d'Absents monte…

Dernière modification par effixe ; 02/01/2012 à 11h22.
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