Discussion: Le Bouffe-Univers
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Vieux 02/01/2012, 11h21
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Super Héros maitre du monde
 
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3.
Ils ne me repèrent pas tout de suite. Le groupe éclate en plusieurs groupuscules qui vont se shooter ou s'enculer dans les coins. Une petite dizaine se dirige vers moi. Je me fais aussi insignifiant que possible. Le tapis marron couvert de merde me passionne subitement et je le fixe comme si ma vie en dépendait. En fait, ma vie en dépend ! Une voix qui tient plus du moteur diesel en fin de course s'élève :
— On va lui faire les yeux, à c't'enculé…
Bieeenn… Alors, que faire ? Surtout, garder son calme. Ne pas faire de gestes brusques. Réfléchir.
J'explose la tête du premier zombi sur ma droite au Magnum 44. Je tire à nouveau sur celui qui est derrière. Je pivote légèrement mon buste sur la gauche et je fais feu une troisième fois, atteignant en plein torse un autre zombi qui est projeté en arrière sous l'effet de l'impact. Accélérant mes mouvements, je marche vers la porte de l'élévateur tout en continuant à canarder tous les zombis qui m'approchent. L'un d'eux me porte un coup de couteau dans le gras du ventre. Je lui pète les dents d'un coup de crosse. Il se détache, mais j'ai perdu de la vie. Maintenant ils déboulent de partout. Je n'ai plus de balle et je ne vois pas de recharge par terre, même dans le coin Nord, pas loin de la porte. Je continue à tirer. Les zombis hésitent maintenant à approcher. Ils commencent à comprendre que je suis dangereux. Je lève le canon de mon arme, le souffle coupé. L'un d'eux va forcément finir par remarquer que je n'ai plus de munition. Un ange en forme de croque-mort passe. Je peux presque voir son sourire narquois. Puis la sonnerie qui signale le prochain arrêt retentit. Les portes mettent deux cents ans à s'ouvrir.
— Je descends ici…
Dis-je le plus poliment du monde en m'éloignant à reculons, laissant à regret ma trottinette et menaçant de mon arme inutile la foule des zombis qui comprend enfin que je suis désormais sans défense. J'ai arrêté le sport en 6ème, sous le fallacieux prétexte d'un genou fragile. Puis j'ai commencé à grossir pour atteindre mon poids l'année dernière, en plein apogée de mon trip spin. Face à cette armée d'Absents qui ne rêvent que de me bouffer la cervelle ou les couilles ou ce qu'ils veulent- je ne préfère pas savoir- je regrette un peu. Alors, comme je ne peux pas courir, je courote. Je cou-cours. J'agite mes gros jambons et j'avance presque aussi vite que si je marchais. Ils vont me faire la peau, c'est certain…
Une sorte de miracle. Une façade qui devait vaciller depuis des années décide, à cet instant précis, de s'effondrer. Un vrai miracle en fait. La moitié des zombis se fait écraser, l'autre s'enfuit comme elle peut. Je m'agenouille au milieu des gravas et vomit les deux kilos d’hamburgers au Coca que j'ai engloutis à midi. Il y a un dieu pour les gros. Je me relève doucement et reprend mon périple. J'en suis presque au bout. Je traverse encore trois patios déserts et me voilà dans l'aile Orange. L'appartement de Monsieur Xi est au second. Je prends l'escalier gauche. À chaque marche habite un toxico. Ils sont tous dans les vapes. Je n'ai aucune peine à envoyer chier d'une claque ceux qui ont assez de force pour me demander des thunes. En haut, mon Magnum 44 en guise de canne blanche, j'avance dans la pénombre, recherchant la chambre 1032. Je sue comme un porc, j'ai mal aux jambes et je sais avec certitude qu'un cancer pousse en ce moment même dans mon poumon gauche. Il faut ABSOLUMENT que je prenne du spin. La sirène d'incendie retentit tout à coup. Une ou deux portes s'ouvrent et des types en caleçon sortent, simplement étonnés que cette sirène, contrairement au reste des installations de l'immeuble, fonctionne encore. Après en avoir parlé trente secondes, ils ré-entrent tranquillement chez eux attendre qu'elle cesse. Je me remets à bouger. Je trouve la chambre 1032 au moment où le "you-hou-hou" oppressant s'arrête enfin. Je sonne. Évidemment, personne ne répond. Pas fou. Alors je me mets à crier.
― Monsieur Xi ! Monsieur Xi ! Il faut que je vous parle. Juste parler. C'est tout. Je ne suis pas un Absent. Je ne vous ferais aucun mal …
Même à moi, ma voix sonne faux. Je sais, et Monsieur Xi sait, que je peux, je vais lui faire du mal s'il ne répond pas à mes questions. S'il refuse de me dire comment il a décroché, s'il refuse de m'aider à larguer le spin.
Bien que ces immeubles soient pourris, les portes sont blindées, acier trempé et serrure Titan à trois points de fermeture. Pas simples à forcer, donc. Il me vient une idée géniale.
— Monsieur Xi ! Monsieur Xi ! J'ai du spin pour vous. C'est Rico qui m'envoie. Cinq cents millilitres de spin pour service rendu. (...) Bon, c'est pas grave. Je m'en vais. Je lui dirais de l'amener lui-même.
Il n'y a pas de "Rico". Mais je sais que Xi n'a même pas entendu le nom. Seul le mot spin est parvenu à ses oreilles et je sais qu'il va ouvrir, malgré le grotesque du piège, malgré l'énormité de mon mensonge, il va ouvrir. Parce que moi, à sa place, j'ouvrirais.
La porte s'entrebâille doucement.



4.
La chambre est bof. Elle ressemble à la mienne. Si je n'avais pas fait autant de chemin, je pourrais croire n'avoir pas bougé. Le même jaune sur les murs, avec les mêmes petites reproductions d'Astro-boy et de Hello Kitty encadrées de plastique rouge. Une fenêtre grande comme un jeu d'échec, qui n'ouvre sur rien d'autre qu'un mur de béton éclairé par un puits de lumière étroit. Une pièce de douze mètres carré et une autre, minuscule, qui cumule cuisine, douche et chiotte. Pas de chambre. À Déprime Land, on comate sur son canapé, face à un écran.
Xi y est justement assis, les bras et les pieds liés par deux cordons USB que j'ai empruntés à son micro. Du sang noir coule de son nez cassé, petite brutalité qui l'a convaincu de ma détermination. Je le regarde me regarder avec un mélange de peur et de fatigue – voire de renoncement – dans les yeux, et, d'un coup, je ne sais plus quoi faire. Tout est vain, comme dit l'abruti. Je m'assois à côté de lui en soupirant. Il me faut du spin. Je prends les trois-quarts de l'espace du canapé, et Xi essaye maladroitement de se pousser dans le coin pour que son corps ne soit plus en contact avec le mien. À croire que je le dégoûte ! Je ne sais pas pourquoi, mais cette réaction m'énerve. Je me relève brusquement et gueule :
— Heu… ! Bon. Alors maintenant, tu vas… Tu vas me dire comment t'as arrêté le spin ! D'accord ?!?
Ma voix vire dans l'aigu sur la fin de la tirade. Je crois que cela achève de paniquer Xi. Il sait à présent que je suis au bord d'un truc que je ne maîtrise plus. Je crois un instant que je vais, vraiment, me mettre à pleurer. Par réflexe, ou pour me rassurer, j'allume la vidcom et regarde un voisin regarder son écran. Xi décide qu'il est temps de prendre les choses en main.
— Y'a un moyen simple.
Dit-il, avec presque un petit sourire aux lèvres. Un sourire méchant, qui m'effraye un peu.
— Mais d'abord, tu vas me détacher… S'il… S'il vous plaît.
Il se rappelle que je suis fou. Le peu d'assurance dont il a réussi à faire preuve est reparti comme elle est venue. Je connais ça. Un des effets magiques du spin. Mais bon, après tout… Je le détache et, alors, nous ne sommes plus que deux paumés souffrant du même mal. J'aurais presque envie de le prendre dans mes bras. Pendant qu'il masse ses membres endoloris, je me dirige vers le frigo pour prendre deux Tsin Tao. Je sais qu'elles s'y trouvent, comme je connais sans l'avoir vue la collection de MP3 de ce type. Xi et moi sommes pareils, sommes identiques, une seule personne avec un corps de trop. Ce n’était vraiment pas la peine d'en créer deux. Je tends une des bières à Xi et lui demande :
— Alors ?
Et Xi me parle de cette fille qu'il a rencontrée sur le réseau et il me parle de son envie de la rencontrer réellement et il me dit encore qu'une fois vue, elle a été comme un déclencheur et il a fallu qu'il arrête le spin. Et moi, je le crois qu'à moitié. Quand tu as le spin, aucune raison d'aller chercher de la chair. Mais il insiste, il dit que si. Il dit que la vie, c'est autre chose. Et il me parle d'espoir et d'envie. Et bon, moi, à la limite, ses raisons, je m'en fous. Tout ce qui m'intéresse, c'est : comment ? Et il me parle du rasoir.
Son bras, c'est Verdun. Une pub pour un étal de boucher. Il s'est massacré de la main jusqu'au coude au rasoir et il me montre son autre bras et là, c'est tout du long qu'il est cisaillé, tailladé, balafré et tous les mots en "é" qu'on peut faire avec un rasoir ou une lame assez affilée. Et Xi me parle du sang. De comment le spin passe directement dans le sang et comment on peut s'enlever l'envie en se saignant. Il me montre les poches d'hémoglobine dans sa douche, pourquoi il arrive pas à les jeter et que c'est une partie de lui, de son Karma et qu'il veut pas le foutre dans le siphon, comme de l'eau sale, mais que ça, c'est juste lui. Que moi, je peux le jeter… Mon sang… Si je veux.
Les boules.
Je demande à Xi si je peux dormir chez lui. Pas envie de me refaire le retour sans reprendre un peu de force. Xi accepte, comme un protestant recevrait un pèlerin dans le Far-West sauvage. Je suis un peu inquiet de dormir à côté de ce mec, mais la fatigue est plus forte. Et puis, il me fait plus pitié que peur en fait. On s'avachit sur le canapé et bientôt, je ronfle, sous l'emprise de ma dernière prise de spin, alors que Xi fait encore et encore les cent pas, se demandant et se redemandant encore s'il a bien fait de refuser de partager ma dose.
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