Afficher un message
  #103  
Vieux 23/03/2008, 17h30
Avatar de Mr Gumby
Mr Gumby Mr Gumby est déconnecté
est un garçon zenzible.
 
Date d'inscription: avril 2005
Localisation: Danny the street
Messages: 1 316
Mr Gumby change la caisse du Fauve
Comme j'adore ça, j'ai longtemps tergiversé avec moi même pour savoir de quoi j'allais causer dans cette vingtième belle histoire. Finalement, j'ai fait simple. Je me suis fait plaisir en prenant tout simplement ce qui m'avait le plus épaté de ce premier trimestre.




Il sera donc ici question de Lost girls, d'Alan Moore et Melinda Gebbie (qui dessinait également les déjà très sensuels Cobweb de Tomorrow stories). Comme je viens de voir que l'édition française est enfin sortie, finalement je vais être raccord avec l'actualité. Incroyable !!
Je pense que l'immense majorité des gens qui liront ses lignes savent déjà de quoi ça cause donc je fais vite. C'est un récit pornographique imaginant la rencontre en 1913 dans un hôtel à la frontière franco-suisse de trois héroïnes littéraires majeures : l'Alice de Lewis Carrol, la Dorothy du Magicien d'Oz de Frank Baum et la Wendy du Peter Pan de J.M. Barrie.

La publication de cet imposant opus est déjà en elle-même une sacrée histoire. Elle commence en 1991 quand sont publiés les 6 premiers chapitres dans Taboo l'excellente anthologie de Steve Bissette. Le projet initial tenait en dix numéros mais l'arrêt de la revue repousse une première fois la publication. Finalement Moore et Gebbie trouveront un accord avec l'éditeur Top shelf qui leur permettra de prendre le temps nécessaire pour finir l'oeuvre entièrement avant publication. Après quelques ratés, le splendide coffret regroupant trois livres sera publié à l'occasion du Comic-con de juillet 2006. Il aura fallu 16 ans d'une relation d'abord artistique puis amoureuse entre les auteurs pour en arriver là. Suite à des embrouilles sur les droits de Peter Pan, il ne sortira en Grande Bretagne qu'en janvier 2008 et il vient donc d'être traduit en français chez Delcourt en ce mois de mars.

Je dois avouer que la lecture fort lointaine des premiers chapitres ne m'avait pas vraiment convaincu. Je ne voyais surtout pas trop où cela pouvait bien aller. Heureusement, le volume final rassure rapidement son lecteur. La construction en petits chapitres de huit pages est très maîtrisée sans que cela ne nuise au « naturel » de la narration. Moore est, une nouvelle fois, brillant sans être poseur. Un exemple, deux chapitres sont construits autour de la même scène mais vécue dans deux chambres voisines de l'hôtel. Ecrit comme ça, ça a l'air d'un effet de manche mais dans notre découverte des personnages ça fonctionne parfaitement. Parce que justement, la grande force de cet ouvrage c'est de faire de la pornographie mais avec de « vrais » êtres humains. Les trois femmes dont les récits connus sont revisités sous forme de métaphores de leur éveil sexuel sont à la fois les icônes de ces histoires d'enfances et des femmes incarnées ayant vieilli et évolué.
Et le plus fort, c'est que notre beau barbu joue avec cette notion de personnages rééls/fictifs. D'abord en entremêlant divers hommages aux classiques de la littérature érotique mais également en inscrivant habilement des éléments historiques.
Et le sexe alors ? Il y en beaucoup, dans un crescendo tout au long des trois volumes. Ce n'est pas du tout l'espèce d'inventaire sexuel exhaustif que certains on put fantasmer (de toutes façons c'est impossible, l'imaginaire humain en matière de sexe n'ayant pas de limite) mais comme dit Moore une tentative de faire de la pornographie qui nous inclut dans une humanité et non qui nous isole dans nos propres pulsions masturbatoires. Ce n'est pas un mince exploit de réussir ça. Surtout que l'on n'évite pas les zones sombres. Le viol est ainsi évoqué, hors champ certes mais à deux reprises et l'inceste nous vaut également de troublantes pages.
Dans un troisième volume où les ébats sont presque continus, l'oeuvre se conclut de façon à la fois simple et déchirante dans un ultime chapitre d'une force rare.
Tout ça ne doit pas me faire oublier de vous parler de l'extraordinaire boulot de Melinda Gebbie. Il y a ce graphisme déroutant au premier abord, ces couleurs explosives et ces personnages qui semblent pareils à d'étranges petites poupées mais qui prennent vie rapidement. Il m'a fallu un peu d'accoutumance mais une fois que l'on a lâché prise c'est assez merveilleux. Surtout quand viennent en plus s'insérer d'autres récits ou événements aux graphismes radicalement différents mais tout aussi brillamment rendu.
Disons le tout net, la version coffret US avec ses trois livrets au papier somptueux est extérieurement beaucoup plus belle que le volume unique sorti chez Delcourt. Cependant je pense que l'éditeur français a fait ce choix pour maintenir l'ensemble au prix pas trop dissuasif de 40€. Je suppose qu'une édition coffret aurait fait exploser le coût. A vous de voir en fonction de vos exigences et de vos capacités linguistiques, maintenant je pense que l'important n'est pas là et que quelle que soit sa forme l'ouvrage se doit d'être lu tant c'est une expérience singulière et salutaire.

Surtout qu'en préparant cette bafouille j'ai vu finalement pas mal de réactions négatives sur le net donc voici la mienne qui n'a d'autre prétention que d'essayer de vous donner envie de vous jeter à l'eau.
__________________
L'opportuniste reboot de la revue de pile : février Dark Horse, Menu des chroniques
Les aventures spacialo-copocléphiliques du Captain Zenzible : Ep 7
Réponse avec citation