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Vieux 15/05/2018, 15h20
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Hawkguy
 
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J'ai attendu depuis Mercredi dernier pour rédiger cette critique : le temps de digérer le choc, d'assimiler cette expérience, bien que j'ai (enfin !) vu Avengers : Infinity War après deux semaines d'attente. Mais ce délai m'a permis de l'apprécier une fois l'événement un peu apaisé, bien que le film ait depuis conquis une large part de la critique et soit devenu un triomphe sans précédent au box office (je vous épargne la litanie des chiffres mirobolants). Point culminant de dix ans de production par les studios Marvel, le long métrage des Russo bros. mérite tout le bien qu'on dit de lui. Mais comment en parler sous un angle encore original et sans tomber dans la facilité des superlatifs ? Ce blockbuster pose finalement autant de problème au critique qu'à ses metteurs en scène.


"Thanos will return" : ce sont les derniers mots qui s'inscrivent sur l'écran et, mine de rien, ils disent tout de Avengers : Infinity War et du programme de Avengers 4 qui sortira en salles en Mai 2019. Pourquoi ? Parce que le méchant complexe du film en est le vrai premier rôle, celui par lequel tout arrive et tout finira dans un an. Il ne s'agit donc plus d'annoncer le retour, prévisible, des Avengers, comme cela était le cas dans les deux premiers films qui leur furent consacrés, mais celle de leur adversaire. D'autant plus, et c'est la surprise la plus spectaculaire, à plus d'un titre, du long métrage, que les héros perdent à la fin !

Depuis quand un blockbuster d'un budget voisin des 500 millions de dollars s'achève-t-il sur un échec ? Oh, bien entendu, c'est un revers provisoire et le match retour promet déjà une revanche épique, mais certainement disputée : n'empêche, quelle audace de conclure comme ça cette partie-ci !


En même temps, pour reprendre une expression désormais consacrée, le tout début de l'histoire laisse deviner la couleur : quand Thanos aborde la nef des asgardiens dont le monde a péri dans le cycle du Ragnarok, Hulk attaque par surprise le titan... Qui lui flanque une correction express et l'envoie au tapis, K.O. ! On comprend immédiatement que Thanos, qui ne faisait ici que des apparitions en fin de génériques, de plus en plus frustrantes, n'est ni là pour rigoler ni à prendre la légère : il vient de rétamer Hulk ! Qui peut arrêter l'individu capable de cela ?

C'est donc sur la figure, souvent prévisible et néanmoins sidérante, de l'échec que le film se déroule, comme si une fatalité sourde, imparable, s'abattait sur la résistance des héros. Ils ne vont pas gagner, semblent nous glisser à l'oreille les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely, tout juste gagneront-ils du temps, placeront-ils quelques coups, réussiront-ils à terrasser les sbires de Thanos - l'Ordre Noir avec ses cinq membres - mais ils ne viendront pas à bout de la vraie menace, trop fort, trop déterminé, trop minutieux, trop bien doté - il réunit patiemment les Pierres d'Infinité, se renforce, voit son plan progresser inéluctablement, trop pour être contré.


Josh Brolin incarne vraiment Thanos, quand bien même il s'agit d'une performance en motion capture, où l'acteur bardé de capteurs a été ensuite recréé numériquement pour apparaître à l'écran comme le colossal titan à la peau violette. Mais les fans du comédien (dont je fais partie), habitué à sa gueule carrée, buriné, "Charles-Bronsonienne", le reconnaissent sans mal derrière les expressions mesurées de Thanos, sa démarche pesante, ses gestes lourds, sa puissance tranquille. Le jeu est d'une nuance épatante malgré l'artifice, à la mesure du personnage dont la psychologie est la plus soignée de tous les vilains du MCU : il ne s'agit pas d'un vilain classique qui agit par vengeance, ou soif de conquête, ou par goût du sang. Thanos est mû par un objectif, une mission, une vision (à plus d'un titre...).

En effet, comme il l'explique au Dr. Strange (Benedict Cumberbatch, génial évidemment dans une situation qui lui donne beaucoup de latitude) lors d'une scène superbement placée et orchestrée, déjouant le monologue du méchant tout fier de son stratagème avant de se prendre une branlée, Thanos a vu son monde, Titan, dépérir à cause de la surpopulation et de l'incapacité à faire subsister les siens. Depuis, rassembler les six Pierres d'Infinité n'est pas tant une volonté d'acquérir une puissance incomparable pour régner sur l'univers que pour remédier à une situation équivalente de manière radicale : cela lui permettrait de sacrifier la moitié des êtres vivants et donc de leur donner la possibilité de survivre avec ce que leurs planètes produisent.

On peut s'interroger sur une autre option : pourquoi Thanos, au lieu de désintégrer autant de monde, ne se sert-il pas de la puissance du Gant de l'Infini pour augmenter les ressources des êtres vivants ? Et on répondra que, de son point de vue, il s'agit d'un risque car les individus n'en ont jamais assez, ils finissent toujours par tarir leurs sources. En en éliminant la moitié d'entre eux, la solution est plus drastique et surtout elle a valeur d'avertissement : s'ils ne raisonnent pas ainsi, alors il ne restera plus qu'à tous les tuer.


Avengers : Infinity War n'est donc pas seulement culotté en termes de fin, il l'est aussi en termes de moyens, de formulation puisqu'il interroge les héros et les spectateurs sur la morale des gentils et du méchant. Le choix de Thanos est hautement discutable mais l'affronter uniquement comme un vilain, c'est passer à côté du problème, ne pas considérer son point de vue, son expérience, ce qui a formé sa résolution. Plusieurs super-héros font cette erreur et précipitent les hostilités en annonçant Thanos comme un destructeur sans considérer l'origine de sa logique.

Bruce Banner (excellent Mark Ruffalo dans une partition où il ne peut littéralement plus devenir Hulk, comme si son alter ego avait peur de réapparaître suite à la correction initiale qu'il a reçue) est le premier à communiquer ainsi sur l'ennemi en le réduisant à un tueur de masse. Thor (Chris Hemsworth, formidable sur une partition à la fois sensible et traduisant enfin toute la puissance de son personnage) veut lui aussi d'abord se venger (et venger Loki, Heimdall, son peuple) qu'arrêter Thanos - et il le fait si mal qu'il croit terrasser le titan en lui plantant sa hache dans la poitrine au lieu de le décapiter, ce qui aurait empêcher son terrible geste final. Star-Lord cède à la colère et au chagrin quand il comprend que Gamora a été sacrifiée par son "père" et, ce faisant, provoque l'échec des héros sur Titan en permettant à Thanos de se ressaisir. Même Vision (Paul Bettany, toujours bluffant dans son incarnation de l'androïde) se plante en ayant coupé les ponts avec Stark et Rogers, qui auraient pu, chacun de leur côté, ôter sa Pierre de l'Esprit bien avant l'invasion du Wakanda.


C'est donc autant un récit de failles tactiques que d'erreurs d'interprétation qui permet l'inévitable triomphe de Thanos. Film-somme de dix ans de production des studios Marvel et suite-conséquence tragique du schisme acté dans Captain America : Civil War (dont il est la sequel la plus directe avec la scène d'ouverture qui renvoie au dénouement de Thor : Ragnarok), Avengers : Infinity War impressionne par sa fluidité, quasi-organique, pour rassembler les pièces d'un puzzle patiemment monté, agréger des personnages, justifier leurs alliances, mais aussi situer leurs actions en différents points de la Terre (New York, l'Ecosse, le Wakanda) et de l'Espace (les planètes Vormir - où se joue un sacrifice poignant et stupéfiant pour Thanos et Gamora - , Nivadellir - avec une liaison très inspirée entre le façonnage du Gant de l'Infini et Stormbreaker - , Titan - site d'une bataille vraiment scotchante d'intensité).

On a beaucoup parlé du casting pléthorique en redoutant qu'il soit rassemblé avec de grosses ficelles qu'il faut saluer l'admirable travail des scénaristes pour justifier parfaitement comment et pourquoi les uns se retrouvent avec les autres, là et pas ailleurs, à ce moment et pas avant ou après, et tout cela en allant et venant d'un endroit à l'autre sans que jamais on ait l'impression de zapper au milieu d'une scène. Tout tombe exemplairement pile-poil, laissant deviner la suite tout en n'assurant pas qu'elle résoudra tout (ainsi le retour providentiel de Thor, Rocket et Groot en pleine guerre au Wakanda ne garantit que provisoirement un avantage aux héros sur place, mais le moment en lui-même est jubilatoire).

Et pour jubiler, il faut, quoi qu'en pensent les grincheux, un peu d'humour. L'intrigue n'incite pas à la rigolade, comme je le disais plus haut, mais là encore les frères Russo ont su aérer leur film de quelques bons mots, attitudes plus légères, histoire de rendre le spectacle respirable : les échanges entre Thor et les Gardiens de la galaxie (mention spéciale à Dave Bautista dont la bêtise cosmique de Drax est bien mieux exploitée ici que dans tout Les Gardiens de la galaxie, vol. 2, est irrésistible dans la scène dite de "l'homme invisible"), la remarque croisée entre Steve Rogers et Thor sur leur looks similaires désormais agissent en contrepoint à des moments vraiment émouvants, parfois bouleversants, quand, à la fin des personnages partent littéralement en poussière (Robert Downey Jr., impeccable, tenant dans ses bras Tom Holland alias Spider-Man qui se sent s'en aller, la mort de Vision, la disparition de Groot : on a rarement eu la gorge serrée comme ça dans un film de ce genre).

Bien entendu, on peut pester contre le fait que certains acteurs soient plus présents pour le nombre que pour l'enrichissement du récit (Anthony Mackie, Don Cheadle, Sebastian Stan, mais aussi Scarlett Johansson, Chadwick Boseman, voire Chris Evans qui ont peu de place et de poids en dehors des scènes d'action). Mais quelque chose me dit qu'au match retour, ils pourraient bien en profiter pour briller davantage (de même que le retour prévisible d'un géant vert...).

C'est que Avengers : Infinity War n'est pas qu'un film-anniversaire cataclysmique, c'est aussi la préparation programmée d'une nouvelle ère (d'une nouvelle "phase", comme les appelle le producteur Kevin Feige) du MCU : des acteurs voient leur contrat arriver à leur terme et si certains souhaitent poursuivre l'aventure (Hemsworth, Johansson - pour qui se prépare un film Black Widow - , voire Evans), d'autres vont certainement tirer définitivement leur révérence (on voit mal RDJ Jr. à 53 ans passés se contenter de jouer les seconds rôles de luxe par exemple).

L'arrivée de Captain Marvel (que jouera Brie Larson, première super-héroïne Marvel en vedette d'un long métrage et ultime recours contre Thanos dans Avengers 4), les suites prévues à Ant-Man (avec Paul Rudd, qui apparaîtra dans Avengers 4 comme l'autre grand absent, Jeremy "Hawkeye" Renner), Spider-Man (Tom Holland, désireux de s'inscrire dans la durée) et les annonces concernant de nouvelles franchises (Les Eternels, Moon Knight, Nova, Ms. Marvel, Fantastic Four...) ouvrent la porte à un agenda fourni (Feige a des projets au moins jusqu'en 2025 !).

A cet égard aussi, la défaite somptueuse contée dans Avengers : Infinity War sonne comme une victoire, ou un mouvement, une manoeuvre inspirés : elle nous comble en termes de spectacle, de divertissement, de surprises, tout en garantissant des lendemains sinon sommairement victorieux en tout cas sacrément alléchants. N'est-ce pas cela qu'on appellerait, à l'image de la marche triomphale de Thanos, avoir de la vista (avec ou sans Pierre du Temps) ?
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