Discussion: Quelques textes
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Vieux 10/07/2010, 17h30
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Fallait que ça, ça sorte. J'espère retrouver mon mojo après ça.

La page blanche.

Rien. Ca ne veut pas. Ca ne veut toujours pas.

D’un geste rageur, je referme l’écran de mon ordinateur portable. Je suis énervé : ça fait deux heures que j’essaye d’écrire. Deux heures. Pour rien. Rien de rien. Ou plutôt si… j’ai écris quelque chose. Mais de la merde. C’est encore pire que rien écrire, au fond. C’est pouvoir écrire mais sans être efficace. Sans avoir la magie.

J’ai besoin d’air, de souffler. Mais j’ai l’impression que je ne fais que ça en ce moment : me reposer, m’aérer l’esprit, glander. J’écris, ou en tout cas j’essaye d’écrire. Ce n’est pas mon activité principale… pas encore, j’espère. Je suis étudiant, encore. C'est-à-dire glandeur professionnel pour beaucoup de gens, mais ce n’est pas toujours vrai.
C’est sûr, c’est bien plus facile que l’usine, balayeur ou même caissier, mais quand on bosse et qu’on rentre chez soi, c’est très souvent le moment du repos. Ce n’est pas vraiment le cas pour les étudiants, qui doivent en général encore réviser, apprendre ou disserter chez eux. Je ne me plains pas, je constate.

Au fond, c’est encore sympa d’être étudiant : il y a des avantages, il y a des copains mais ça laisse peu de temps pour le reste. Pour écrire, surtout.
Oh, je sais bien que ça sera la même chose quand je bosserai : j’aurais encore moins le temps, je râlerai encore plus. Je sais que mes années universitaires sont le meilleur moment pour m’entraîner, pour m’affirmer, pour vivre ma passion.
Mais il y a un problème : ça fait trois mois que j’ai le complexe de la page blanche.

Je sais, c’est cliché mais c’est comme ça. Depuis trois mois je n’arrive plus à aligner une page correcte, ça ne marche juste plus. Je pensais que ça ne m’arriverait jamais, que je n’aurais pas à souffrir d’une telle saloperie.
Pendant des années, j’écrivais des tonnes par mois, voire même par semaine. J’étais boulimique de l’écriture, enchaînant nouvelles, séries, etc. J’écrivais énormément, oui. Pas toujours avec la meilleure des qualités, mais j’enchaînais, encore et encore. Je riais presque de ceux qui n’arrivaient pas à écrire, ne comprenant pas pourquoi et comment ceux qui se disaient passionnés n’y arrivaient juste plus. J’étais insouciant et je me pensais différent, ou au moins plus « intègre » qu’eux.
J’étais un beau crétin.

Je ne sais pas d’où vient la « panne », d’où vient ce manque d’envie, ce manque d’allant. Des problèmes personnels ? J’en ai eu, j’ai été servi même depuis quelques mois mais… ça va. Ce n’est pas monstrueusement grave non plus, ça a pu être arrangé et géré. Et même : je n’ai pas vécu une perte, je n’ai pas été abandonné. Je vais bien, la majorité de ma famille va bien, mon amie va bien.
Ce n’est pas ça. Ca ne peut pas être ça, comme excuse.

Des problèmes professionnels, alors ? Oui, bien sûr : ne pas savoir ce qu’on veut faire de son avenir peut bloquer, mais j’avais déjà ça avant. Choisir, ça n’a jamais été mon truc, et malheureusement pour moi, je m’en sors assez bien pour avoir plusieurs pistes devant moi pour les années à venir. Bien sûr que tout ça peut me bloquer, bien sûr que tout ça peut jouer, mais ça n’est pas ça la raison principale du blocage.
Ca n’est pas ça qui m’empêche de « respirer », comme je le disais avant. Car oui, avant, je considérais qu’écrire m’était autant indispensable que l’oxygène. Maintenant, j’étouffe et je ne parviens pas à ouvrir grand la bouche pour inspirer. Et ça me fait peur.

Je crois que c’est ça la clé, en fait : la peur. Ma peur.
Comme tout le monde, j’ai peur. Personne ne peut éviter ce sentiment, personne ne peut être frappé par une phobie. Ceux qui disent ignorer la peur sont des crétins. Ce n’est pas être courageux que de vouloir ignorer la peur. Être courageux, c’est faire face à sa peur, l’accepter et aller de l’avant quand même. Et c’est ça que je n’arrive pas à faire.

Je ne suis pas l’homme le plus brave du monde. Je n’ai jamais voulu l’être, bien sûr, mais je n’arrive pas à faire face à ce que je crains le plus.
L’échec.
La critique. Négative.

Oh, je sais : chaque écrivain devrait être son autocritique et accepter les critiques d’autrui comme un cadeau pour avancer, pour évoluer, pour faire mieux encore. C’est le mieux à faire, oui. Mais c’est difficile d’accepter les jugements des autres, d’entendre ou de lire qu’une idée ou qu’une histoire est mauvais ou devrait être remaniée alors que vous avez passé des heures dessus.
C’est dur, oui. J’ai un égo, comme tout le monde, et il est très sensible sur le registre de l’écriture. Tout simplement parce que c’est ce que j’aime faire et parce que je veux en faire mon métier.

C’est là où est mon problème, mon blocage.
J’ai peur qu’on me dise que je n’ai pas le niveau. J’ai peur d’apprendre que je ne suis pas assez bon pour vivre ma passion et en vivre. J’ai peur d’échouer.

Alors je me bloque. Je ne tente pas. Ou plus, en fait.
C’est nul, je le sais. J’en ai honte, mais c’est comme ça. Je suis terrifié à l’idée d’échouer alors je ne me lance pas. Je sais que j’échouerais alors immanquablement, mais… comme ça j’aurais une excuse. Ca sera de ma faute mais je ne saurais jamais si j’avais le niveau ou pas. J’aurais des regrets mais je ne me serais pas pris une claque éventuelle.
Heureux les ignorants. Sauf que je ne suis pas heureux.

Tout ça, ça me rend malheureux. J’aime écrire. J’aime ouvrir un fichier Word et passer des heures dessus, écoutant inlassablement certaines musiques pour réussir à faire quelque chose. J’aime sentir la sueur qui dégouline le long de ma colonne, j’aime avoir les yeux qui piquent à force de fixer l’écran, j’aime avoir des crampes aux jambes et les fesses collées au siège.
J’aime être dans ce que je fais, j’aime créer. J’adore ça : partir d’une idée, imaginer un monde, des personnages, des situations. Être un créateur, décider de ce qui va se passer. Mais aussi dire quelque chose, essayer de transmettre une idée, une révolte, un sentiment dans mes écrits. C’est le plus dur, ça. Mais c’est le plus gratifiant quand ça fonctionne.

J’aime écrire, mais j’aime aussi recevoir des éloges… oui, je suis égocentrique. J’aime qu’on me dise qu’on aime ce que je fais. C’est pour ça que j’ai peur de vraiment me lancer : j’ai peur que ça change. J’ai peur de perdre encore confiance en moi. C’est con mais c’est comme ça que je marche. Comme un crétin, je m’énerve quand on n’aime pas ce que je fais.

Oui, c’est bête. Parce que je m’empêche de faire ce que je veux, à cause de ça. Parce que je ne vais pas au bout. Parce que je reste un écrivaillon alors que j’aime ça et que je veux être écrivain. Oh, je sais bien qu’être professionnel ça sera peut-être trop dur, mais… être publié. Avoir quelque chose tiré de moi-même dans les mains. Montrer à tous que je suis capable de quelque chose. Que je ne suis pas qu’un gentil garçon qui travaille bien à l’université.
Je ne veux pas être oublié, je crois. Beaucoup d’artistes ont cette peur et je ne suis pas original en la partageant. Ouais, je suis terrifié par beaucoup de choses, mais ça me fait cogiter. Je mourrais. On mourra tous. Et je ne veux pas être oublié, je ne veux pas que ma vie soit simplement une voie classique et logique. Bien sûr, mes proches se souviendront de moi, mais au bout de trois générations ça sera fini. Je ne serais qu’un grain de sable envoyé au vent, aussi inutile que la fourmi qu’on écrase.
Ca ne me suffira pas.

Même si je ne suis édité que pour un livre, même s’il ne se vendra pas, au moins… au moins, j’aurais fait quelque chose qui ne sera pas oublié. J’aurais participé à l’Histoire. J’aurais été là, et certains pourront le savoir. C’est important pour moi.

Seulement, ça ne fonctionnera pas si je ne m’y remets pas. J’ai peur. Je suis terrifié par l’idée de la critique négative, par l’idée d’échouer. Mais… je n’ai pas le droit de ne pas essayer. Je n’ai pas le droit d’avoir des regrets : je peux essayer. Je peux échouer. Mais j’ai les capacités pour tenter, alors… je le dois. Je me le dois.
Ce n’est pas une question d’honneur, ou même de mon image par rapport à mes proches. C’est moi face à moi-même.

La page blanche ? C’est un blocage. Mais je dois le surmonter. Même si j’échoue… même si j’ai peur, même si j’aurais toujours peur. Je dois vivre avec ça, parce que sinon… sinon, je ne sais pas si je vivrais encore. C’est ma passion, une partie de ma vie. Même si d’autres diront que c’est mauvais, ça restera toujours en moi. Je ne perdrais personne à essayer et à échouer. Je ne la perdrais pas.

Ca sera dur mais c’est comme ça que ça marche. Ca fait mal au début, on a peur mais on continue parce qu’on en a besoin. Comme pour les enfants qui naissent, qui crient quand ils respirent et qui ne peuvent s’en passer.
Je dois respirer. Et j’ai recommencé, là, maintenant. Ce n’est pas parfait, ça prend du temps, ça fait un peu mal… mais c’est là. Ca recommence. Et ça fait du bien.
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