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Vieux 09/06/2013, 21h09
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Ben Wawe Ben Wawe est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Ben Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à GalactusBen Wawe met la patée à Galactus
Bonsoir à tous !

Je vous propose une autre nouvelle de SF, qui se veut toujours dans la veine débutée dans les textes précédents et qui est placée dans le même univers. Elle me semble plus courte, toujours dans cette voie intimiste qui fonctionne bien jusque-là.
Bonne lecture à tous !

L'Ennemi

Ca n'est pas passé loin, cette fois.

Le missile est tombé à... je ne sais même plus. Depuis que la Commandanterie a décidé d'adopter le système de l'Ennemi pour le calcul de distances, je ne sais plus où me localiser. Et je ne peux pas informer mes camarades de ce qu'il vient de se passer, car je n'ai aucune idée des coordonnées de l'immense cratère qui vient d'apparaître à quelques... à une petite distance de moi.

Je me projette en avant, roulant le long d'un fossé pour me protéger des tirs ennemis ; si j'ai évité leur missile, je sais très bien que leurs scanners me voient toujours en vie et qu'ils veulent finir le travail. Je ne les laisserai pas m'emporter aussi facilement.

Ma vision se trouble mais je me force à garder mon arme contre moi, malgré le tremblement de mes mains. Je sens le fusil à protons qui chauffe contre ma combinaison, j'entends le bourdonnement de l'énergie prête à être expulsée du canon pour anéantir quelques ennemis - mais je n'arrive pas à me remettre en position de combat.

J'ai peur.
Agenouillé dans la boue, les gravats, sur une planète dont je ne connais même plus le nom, je suis tétanisé. Au loin, les troupes de l'Ennemi se rapprochent, s'avancent vers ma position pour m'anéantir et faire un nouveau pas vers la base de la Commandanterie, mais je n'arrive pas à me reprendre.

Je suis arrivé ici depuis... je ne sais plus. Expulsé avec douze autres d'un vaisseau construit pour transporter huit soldats, envoyé directement dans l'atmosphère de ce monde que personne ne nous a présenté, je me suis réceptionné au mieux, en me blessant au bras droit lors du choc. J'ai été chanceux, trois de mon groupe ont été fauchés au vol par l'Ennemi.

J'ai l'impression que je viens d'atterrir ici, mais les relevés de l'armure montrent que je suis au combat depuis... je n'en sais rien non plus. La Commandanterie a également décidé de s'aligner sur le fonctionnement des forces adverses au niveau du calcul du Temps, et je ne m'y fais pas.
L'initiative n'est pas mauvaise, sur le fond : se rapprocher de l'Ennemi nous permettra de mieux le comprendre, et de parvenir à l'emporter définitivement. La Guerre a commencé avant la naissance de mon père, et je sais d'ores et déjà que ma fille vivra la majorité de sa vie avec la peur de l'agression, de l'enlèvement et de l'assimilation.

Je me bats pour elle - je me reprends pour elle.

C'est parce que je ne veux pas qu'elle devienne un des guerriers anonymes de l'Ennemi, ces monstres lobotomisés, sans esprit, que mes mains agrippent mon arme. Malgré la douleur qui me lance, j'arrive à poser les doigts sur les nombreux boutons permettant de déchaîner la puissance du fusil à protons... et je me relève.

Je ne les laisserai pas gagner. Je ne les laisserai pas s'imposer dans la galaxie.
Ils sont venus, il y a deux générations, pour annihiler notre culture, notre civilisation, notre mode de vie... pour imposer les leurs. Ils sont apparus dans notre ciel, avec une technologie que nous ne pouvions pas connaître et comprendre, et ils n'ont même pas pris la peine de se cacher. Ils voulaient nous détruire, et ils ont failli réussir - failli uniquement.

Je remonte le fossé, ne cherchant même pas à communiquer avec la Commandanterie ou mes camarades. D'instinct, je sais que je suis le seul survivant, ou que les autres sont trop loin pour m'aider ; je n'ai plus envie de me cacher.

Me rappeler ma fille, me rappeler l'attaque de l'Ennemi et la Guerre... c'est trop. Trop gros, trop lourd, trop insupportable.
J'ai passé ma vie d'adulte à combattre, à arracher la vie de corps dont je ne voyais jamais le visage - eux aussi sont recouverts d'armures de protection. C'est plus simple pour les affronter, quand je ne peux pas voir leurs dernières expressions.

Au début, j'avais des doutes... des remords. Ils ont disparu quand j'ai vu, de mes propres yeux, leurs procédés d'assimilation, leurs tortures et les cadavres qu'ils laissaient derrière eux.
Ce sont des monstres. Ce sont des créatures... maléfiques, vraiment.

Je m'accroche sur les rochers pour réussir à me sortir définitivement du fossé, et mes yeux tombent à nouveau sur le champ de bataille - des cratères à perte de vue, du vide complet et aucune âme qui vive. Au loin, j'aperçois à peine l'Ennemi qui approche, mais je ne peux détourner mon regard des cratères.

Ils me rappellent notre lune, sur laquelle nous commençions à peine à organiser une vie en dehors de notre planète avant la Guerre. L'Ennemi en a fait sa base d'expansion et d'assimilation, et nous avons à peine réussi à la libérer quand mon père est mort... à la naissance de ma petite fille, qui sort tout juste de l'enfance.
Je sens les restes de mon maigre repas revenir en me souvenant des charniers et des relevés de tests "médicaux"... mes jambes courent sans que je m'en rende compte vers l'Ennemi.

La haine est trop forte.
La douleur de ne plus me souvenir du visage de ma fille encore plus.

Alors que je me précipite en avant, que mon casque laisse filtrer mon cri de rage, je sens les larmes couler le long de mes joues. Je n'ai vu ma fille qu'une seule fois depuis sa naissance, et je ne peux plus me souvenir de son sourire, de son rire, de sa voix. Le nom de ma femme ne me vient plus naturellement quand je repense à elle.

La Guerre m'a tout pris : mon père, ma vie, celles que j'aime... mes souvenirs.
Je connais parfaitement les spécificités de l'Ennemi, l'organisation de notre Commandanterie, les différentes façons de tuer un adversaire - mais ce qui fait battre mon coeur disparaît peu à peu. Et je ne peux plus l'accepter.

Je ne me rends pas tout de suite compte que mes jambes se sont séparées du reste de mon corps. Ce n'est qu'au moment où je chute, où je roule sur le sol que mon regard aperçoit mes membres inférieurs, allongés dans un cratère, que je comprends.
Mes mains sont toujours crispées sur mon arme, mes doigts continuent de s'acharner sur les boutons de tir. Les protons s'envolent autour de moi, touchent par chance quelques adversaires - mais pas assez pour emporter ceux que je voudrais.

Alors que je me sens partir, je vois une demi-douzaine de soldats de l'Ennemi s'approcher de moi. J'essaye encore de les frapper, mais je n'ai plus de force, l'armure ne me répond plus.
Je les entends parler, dans leur langue inconnue - heureusement, la Commandanterie n'a pas encore décidé d'adopter leur langage, cet "henglè" qui me semble si barbare et incompréhensible. Heureusement, je meurs en pensant dans la langue qui m'a accompagné toute ma vie.

Ils doivent se gausser, ils doivent s'amuser de mon sort... ce serait bien leur genre. Je meurs sur une planète inconnue, loin de ma femme et de ma fille, avec la certitude que l'Ennemi va l'emporter. Malgré notre motivation, malgré notre envie de leur faire payer, nous ne l'emporterons jamais - nous ne pourrons jamais dépasser son avance technologique.
Cette race est trop brutale, trop terrible, trop mortelle. Nous n'avions aucune chance... aucune des autres races qui se placent entre elle et la conquête universelle n'a la moindre chance contre l'Humanité.
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