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Vieux 25/05/2009, 16h15
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zaitchick zaitchick est déconnecté
Dieu qui déchire sa race
 
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Matin gris.



Patrick, la petite trentaine, est allongé sur son lit, dans la chambre d’un petit meublé du centre-ville. C'est le soir. Il fume en regardant pensivement s’élever les volutes… Il ne s’est pas rasé aujourd’hui. Son nœud de cravate est déserré et, comme il a dormi tout habillé, ses habits sont froissés… Perdu dans ses pensées, il songe à son nouvel emploi. A côté, sur la table de chevet, une feuille de papier sur laquelle il a griffonné quelques mots :

DEMAIN SEPT HEURES ENTREPOT.

La Mercedes roule lentement au milieu des entrepôts déserts de la zone industrielle. Le jour est à peine levé. Il fait gris. D’ailleurs, tout est gris : le ciel, la rue, les bâtiments... Même la voiture est grise. A côté de Patrick, Marcel conduit. Il a la cinquantaine joviale et rebondie. Et dégarnie aussi... Les cheveux poivre et sel qui lui restent sont ramenés en arrière et noués en une courte queue de cheval sur la nuque. Il porte de petites lunettes rondes aux verres fumés. Forte carrure quand même. Enveloppé dans un imper mastic, il parle à son passager, tout en conservant son attention sur la route.

-T’es nerveux, hein ? C’est ton premier job pour l'agence ? T’étais dans quoi, avant ?
-J’ai fait cinq ans d’armée… Et puis j’ai un peu bossé dans le gardiennage pour une boite qui a fermé… Après, des petits boulots, par-ci, par-là.

Silence.

Le jeune homme n’a pas très envie de s’étendre sur son pédigrée.
Sait-il seulement dans quoi il met les pieds ?
Marcel, loquace, reprend :
… Tu sais, t’es pas obligé de t’habiller tout en noir. ça, c’est bon pour le folklore. Quand on est sur le terrain… (il s’interrompt.) Ah ! On arrive.

La Mercedes se gare sur un parking désert, devant l’entrepôt en apparence banal d’une compagnie frigorifique. Marcel coupe le contact.

Le samedi matin, personne ne travaille ici... On aura la paix. Les trente-cinq heures, ça a du bon, commente-t-il, sourire en coin.

Les deux hommes descendent du véhicule...
-Dans le coffre, il y a un sac de sport, poursuit Marcel, et dedans, il y a de quoi nous changer… et de quoi travailler.

Il entre à l’intérieur du bâtiment laissant à Patrick le soin de sortir le sac du coffre. Faut savoir déléguer. Patrick lui emboite le pas. A peine a-t-il franchi le seuil qu'il s’immobilise. Il reste cloué de stupeur par le spectacle qu’il découvre...

Devant lui renâcle un splendide étalon . Sa blancheur le rend presque lumineux dans la pénombre du hangar. L’animal s'ébroue, secoue nerveusement sa crinière puis renâcle de nouveau... Il est entravé par une chaine. On l'a muselé aussi. Et son front est orné…

D’une corne ?!? Une corne torsadée et… naturelle ?

Patrick ne parvient pas à articuler…
- C’est ?…
- Ouais… confirme Marcel… C'est. C’est une licorne. Une vraie. Et tu comprends bien que ça n’a rien à faire là. ça n’existe pas dans la vraie vie, des trucs pareils !
- Mais comment elle est arrivée là ?
- La faute au Seigneur des Anneaux… Tu sais, leur putain de trilogie, là, au cinéma... ça et Harry Poteur...

Tout en parlant, Marcel s'est penché vers le sac. Il en examine le contenu sans plus se soucier de son compagnon. Il farfouille, en sort une scie à métaux puis continue à farfouiller, comme s’il cherchait quelque chose de précis…

Enfin, il daigne reprendre :
- Avec les films, il y a eu… comment on dit déjà ? Un engouement ! C’est ça ! Un « engouement » pour les jeux de rôles. Chez les étudiants surtout… (Z’ont qu’ça à foutre, ces petits cons !) Et tu sais comment c'est avec certains jeunes, quand ils sont toqués de magie et de trucs ésotériques... ça peut aller très loin… Va-t-en savoir où ils sont allés fourrer leur nez pour trouver des formules magiques qui fassent vrai… Enfin bon, on sait pas comment y se sont démerdés mais ils ont réussi à faire apparaître... ça. Tu te rends compte ? Ces petits cons ont réussi à ouvrir un passage entre notre monde et… va-t'en savoir quoi ! Et ça, ç’en est sorti… Et puis quand le passage s'est refermé, ben... c’est resté.

Il se redresse, l'index accusateur pointé en direction de l'animal, et continue sur un ton exalté :
- … Et ça, dans un monde régi par le CAC40 et le Dow Jones, ça n’a rien à foutre là ! On veut bien croire à Dieu, aux miracles... à la rigueur, mais les licornes, les chimères ou les manticores, ça non ! T’imagines le bordel si le bon peuple s'aperçoit que des prodiges pareils sont possibles ? Si les miracles deviennent quotidiens, si l’irrationnel devient la norme, y a plus d’économie, plus d’Etat, plus d'Eglise, plus d’autorité, plus rien ! Aucune institution ne peut résister à un bouleversement pareil, aucune ! Et c'est le bordel qui s'installe ! Et le bordel, nos patrons n’en veulent pas. Ni leurs commanditaires. On est déjà suffisamment emmerdé avec les changements climatiques sans devoir, en plus, gérer les lutins et les farfadets ! (Il fixe la licorne...) Tant que cette chose existe, elle représente un danger.

Pour toute réaction, l'animal secoue la tête, puis il s'approche et tire sur sa chaine... Il marche alors en décrivant un cercle aussi large que peut le lui permettre son entrave. Marcel s'en détourne. Il regarde Patrick et poursuit.
- ... Notre boulot, à nous, c’est de veiller à ce que rien ne dérange l’ordre établi. Alors, s'il y a des passages qui s'ouvrent, hé bien... on les referme. Et on veille à ce que plus personne ne les rouvre ou n'en ouvre d’autres. Et on fait disparaître toute trace de leur existence, y compris tout ce qui a pu en sortir. Tu piges ? C’est pour ça qu’on nous paye. Pas pour se pavaner en costume noir mais pour mettre les mains dans le cambouis.

Il se remet à fouiller dans le sac puis il en sort un objet qui ressemble à un pistolet (sourire de satisfaction.)
- C’est quoi ?
- Un truc qu’on utilise aux abattoirs. A air comprimé. Un coup derrière l’oreille, un seul, et ça perfore le cerveau. Rapide, propre... et indolore. Notre job, après, ce sera de découper le corps en morceaux et de tout stocker dans la chambre froide là-bas, au fond. Après, les ouvriers de la boite n’auront plus qu’à traiter la viande… Ils ne se douteront même pas de sa provenance.
- La traiter ? Qu'est-ce que ça veut dire, la traiter ?

Sans rien répondre, Marcel tend à son compagnon un cylindre de métal...
- Mais ?! C’est une boite de pâtée pour chien, ça ? !
- Et alors ? Ben, fais pas cette tête... ça ne leur fera pas de mal aux clebs, va. C’est sain et garanti sans OGM (clignement d'œil complice.) Bon… On s’y met ? On a pas tout le week-end… Ah ! Fais gaffe… Elle est carnivore. C’est pour ça qu’on l’a muselée. (Se tournant vers la licorne : ) saloperie, va !

Il s'approche ensuite doucement en lui parlant à voix basse... « Viens ma toute belle. N'aie pas peur. Tonton Marcel, c'est l'homme qui cause à l'oreille des licornes. » La créature n'esquisse même pas un mouvement de recul. Elle semble calme, curieuse. Marcel est un professionnel confirmé. Tout va très vite.


Le soir tombe sur les entrepôts. Leur besogne enfin accomplie, les deux hommes sortent après s'être changés - Marcel est très rigoureux sur la propreté de son véhicule. Puis ils rangent en silence leurs affaires dans le coffre avant d'embarquer, toujours en silence, dans la voiture… Marcel met le contact. Patrick est à la fois fourbu et pensif…

- Dis-donc, demande-t-il, à part nous, qui a vu cet animal vivant ?
- Ben, l’équipe qui s’est chargée de sa capture… Elle les a pas mal fait courir d’ailleurs, cette espèce de charogne. Elle a même presque bouffé la main d’un de nos gars, tu vois un peu le rodéo ?
- Non, je pensais aux étudiants… Les rôlistes qui l’ont amenée ici.
- Ah, les petits cons ? De ce côté-là, y a pas à s’en faire, rassure-toi. On a tout d'abord commencé par s’occuper d’eux et puis après, on a bien nettoyé leur piaule de fond en comble. Plus de trace. Nickel.
- Oui, mais eux ? Est-ce qu’ils se tairont ?
- Ah, pour ça oui, ne t’inquiète pas... Ils ne risquent par de manger le morceau… Ah ah ah… Qu’est-ce que tu crois qu’il y avait dans la boite que je t’ai montrée ? …
Ben, qu'est-ce que t'as ? T’en fais une tête.
(…)
Hé !?! Avertis quand t'es malade ! C’est moi qui nettoie, nom d’un chien ! Non, mais regardez-moi ce travail !
Ah, C'est du joli !
Tu vas avoir du mal à le ravoir, ton beau costume noir, « Man In black » !

FIN
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Quand les mecs de 110 kg disent certaines choses, ceux de 60 les écoutent.

Maman ! Je suis de nouveau surZaïtchick's blog
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