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Vieux 02/11/2005, 12h04
Avatar de John Keats
John Keats John Keats est déconnecté
par la grande galaxie
 
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John Keats change la caisse du Fauve
bon en mettant ma critique de Night Fisher ici, j'espère qu'elle sera quand même lue, enfin on verra bien.


donc j'avais misé sur ce premier boulot de R.Kikuo Johnson, jeune artiste hawaiien, publié chez Fantagraphics, un travail qu'il dit avoir dessiné entre 2002 et 2005, un long accouchement donc.
le récit est composé de trois chapitres, pour un total de 140 pages, en noir et blanc. il nous narre l'histoire d'un jeune lycée, Loren Forster, vivant depuis six ans dans l'archipel, sur l'île de Maui, ayant suivi son père dentiste depuis la côte Est des Etats-Unis.
d'emblée c'est une histoire très fine sur l'adolescence qui nous est proposée, qui par moment a des accents de Rumble Fish (le phantasme en rêve dans la salle de classe m'y fait penser) de Coppola, mais avec un ton beaucoup plus naturaliste en fait. là où l'adjectif fin est justifié c'est justement en cela qu'aucun jugement moral n'est porté sur les turpitudes traversées par Loren, qu'il s'iniscie à la drogue, mente à sa famille, ou fréquente les mauvaises personnes. il y a une profonde mélancolie dans le texte, célébrée par les dernières planches qui ont particulièrement raisonnées en moi.

Shane le meilleur ami de Loren est un personnage à ce titre assez fascinant, gosse de riche, car scolarisé dans une école privée très chère, white trash par ce goût du stupre qu'il fera partager à son ami, opportuniste enfin car malgré tout cela on se rend bien compte que le garçon ne navigue pas à vue, la fin nous montre une personne calculatrice et opportuniste à souhait.
j'ai beaucoup aimé la façon dont Johnson a géré les scènes de violence dans son histoire, Loren restant toujours d'une énorme passivité face à elle, qu'il y soit partie prenante ou pas, quoi qu'il arrive il ne réagit pas, ne sortant jamais de sa réserve. à cet égard le personnage de Jem est tout son contraire, bouillonnant d'affect et d'énergie, tout ceci culminant dans une scène très viscérale.

ensuite j'ai beaucoup aimé le tableau de l'île dressé par Kikuo Johnson, au détour d'une case on en apprend beaucoup sur ce monde insulaire. en filigrane on est donc familiarisé avec un univers bien à part qui est celui de l'auteur, qui a fait un vrai travail de ce coté là, avec note bibliographique en fin d'ouvrage, chose que j'ai apprécié.

Enfin le dessin, la mise en page, et là j'ai vraiment été impressionné, c'est très très réussi. très client du noir et blanc, gros consommateur d'oni, j'ai été captivé par ces magnifiques planches capturant, souvent de nuit, une ambiance radicalement différente de ce qu'on a l'habitude de lire dans un comic book. toujours dans l'esprit de contextualiser son histoire, Kikuo Johnson par son dessin a réussi à donner un gout hawaiien à son histoire, et rien que ça c'est une belle réussite.
ensuite ça se lit très bien, le rythme est bon et bien géré, les pages se tournent toute seule, et si on a l'idée d'éloigner un peu le livre pour regarder les planches d'un peu plus loin, on remarque le travail sur chacune, y a vraiment du boulot, un peu comme chez un guy davis et ses marquis où en éloignant les pages elles vous sautent au visage.

voilà c'est une aventure douce amère que je recommande à tous, ça fait douze dollars et en plus ça a une très jolie couverture stylisée, sur du beau papier, et ça permet de découvrir un auteur qui je l'espère nous réserve d'autres petites perles comme celle là.
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