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Contre
On n'aime pas
Joaquin Phoenix avait déjà joué tous les degrés de la folie, toutes ses manifestations, discrètes ou spectaculaires. L’absence de surprise conduit donc, cette fois, à le regarder froidement et à le trouver redondant. À sa décharge, il est embarqué dans un projet d’une facticité intégrale. Avec une incontestable science du marketing, les studios Warner et DC Comics ont concocté un nouveau type de produit dérivé pour la marque Batman, qui fête ses 80 ans, cette année : le néofilm d’auteur, destiné aux plus adultes des fans du super*héros. D’où le vernis chic des nombreux emprunts à Martin Scorsese et au brûlot sophistiqué des Wachowski, V pour Vendetta. D’où, aussi, la prétention à l’étude de cas psychiatrique.
L’emballage auteuriste a déjà fait illusion au-delà des espérances holly*woodiennes, avec le gain du Lion d’or à Venise, et il y a de quoi s’en étonner : comme tous les amuseurs qui veulent « faire sérieux », le réalisateur de Very Bad Trip empile lourdement les signes de gravité, société malade, monde sans pitié, douleur colossale sous la grimace du rire et les gesticulations. Tantôt aphasique tantôt éloquente, selon les besoins des scénaristes, la créature sonne terriblement faux. Et un rebondissement précis en dit long sur les enjeux industriels sous-jacents. En effet, l’intrigue laisse croire un temps que l’infortune de Joker, le miséreux, aurait pour responsable, à l’autre bout de la ville, le père, puissant et richissime, de Batman le glorieux… Mais non, pas question de salir le pedigree du rentable superhéros : si Joker est fou à lier, c’est finalement la faute de sa mère, et d’elle seule. Les femmes portent toujours le chapeau dans ces univers de vieux petits garçons. — Louis Guichard |
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