[HiPs!]

Piqué au vif par la remarque, justifiée, de Gorlab sur nos Noëls pourris, il m'est venu ce "quickie" (comme disent les dessineux des étages au dessus).
Car, il ne sera pas dit que je laisserai l'esprit de Noël être enterré...
...En tout cas, c'est pas moi qui donnerai le dernier coup de pioche!

Cherry Lee

Cherry Lee avait la patience chevillée au corps.
Elle avait hérité cette qualité de sa mère qui, elle-même, la tenait de sa mère. Une constance de caractère qui avait fait l’admiration de tous dans la famille, tant les deux femmes étaient affublées de maris insupportables.
Heureusement, ces messieurs eurent le bon goût de mourir jeunes, et tous deux d’une maladie coronarienne, la coïncidence était étrange.
Cherry Lee n’était pas encore mariée, mais elle savait, par son ascendance familiale, qu’elle disposait de tous les atouts pour mener une vie familiale équilibrée où elle y constituerait sans nul doute un pilier stable, un phare rassurant dans la tempête conjugale et les grains quotidiens.
Malheureusement, ce n’était pas pour tout de suite. Malgré ses nombreuses qualités humaines, la jeune femme n’avait pas de chance en amour. Un exemple: son dernier soupirant en date qui s’était étouffé lors de leur unique sortie au restaurant avec deux cachets d’aspirine effervescents. Il les avait pris sans eau. Cul sec, pourrait-on dire, profitant que Cherry Lee fût partie au petit coin. Au retour, celle-ci avait retrouvé son amoureux entre les mains du service antirabique, alerté par une clientèle paniquée qui avait pris l’écume blanchâtre lui moutonnant hors de la bouche pour le symptôme d’une rage fulgurante.
Terrassée par la honte, Cherry Lee, depuis ce triste soir -c’était un mardi-, n’avait plus osé retourner dans le restaurant. Elle n’osait même plus passer devant, ce qui était plus gênant puisque cela l’obligeait à faire un détour d’une demi-heure pour se rendre à son travail.
Il n'en demeurait pas moins que si Cherry Lee était très patiente, ce soir, elle commençait à trouver le temps long. Déjà trois heures qu’elle marinait dans cet espace réduit. Et puis, elle avait chaud. Et puis, elle avait des crampes aussi. Pas de place pour dégourdir ses jambes. Attisé par la sueur qui gambadait le long de ses jambes sylphides, l’acrylique de son porte-jarretelles se mit à la démanger terriblement. Elle faufila son index dans le ruban dentelé élastique et se gratta avec un soupir d’extase.
On lui avait dit : pas avant le troisième couplet de « Pouet Pouet» et la deuxième salve de pétards. Mais, peut-être était-ce le contraire ? de toute façon, elle n’avait rien entendu.
Une demi-heure plus tard, n’en pouvant vraiment plus, Cherry Lee tenta le tout pour le tout. Elle surgit de son gâteau avec une joyeuse énergie en poussant des Youhouhou, joyeux anniversaire, et en trémoussant son adorable petit derrière, les bras projetés en V vers le plafond.
Aussi désemparée que le diablotin hors de sa boîte, notre diablesse callipyge se mit à dodeliner doucement avant de se mettre en arrêt : la salle de réunion était totalement vide !
A l’exception d’un homme de ménage au teint bistre.
Il s’appelait Pedro. Il était vêtu d’une combinaison une pièce vert pomme à manches longues. Il regardait la jeune femme en soutien-gorge pigeonnant blanc et bas résille affriolant crème.
La toile de son vêtement de travail était tendue à l’extrême au niveau de l’entrejambes.
Oui, Pedro bandait aussi fort qu’un taureau madrilène revenant victorieux d’une corrida.
Sans prononcer un mot, le jeune homme court sur pattes monta sur une chaise. De là, il grimpa sur la table et enjamba la barrière de nougatine pour rejoindre Cherry Lee dans sa pièce montée.
Tous deux se vautrèrent dans le sucre glace toute la nuit durant avec la sensation délicieuse et délicieusement partagée que Noël était arrivé avec quelques jours d’avance.

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