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Vieux 03/06/2007, 11h06
doop doop est déconnecté
bouzouk force !!!!
-Gardien du Temple-
 
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SIGNAL TO NOISE


Ecrit par NEIL GAIMAN
Illustré par DAVE MC KEAN


Publié en tant que strip dans les pages du magazine THE FACE en 1989

Publié en Angleterre par VG GRAPHICS et aux USA par DARK HORSE en 1992
jamais traduit en FRANCE

1. PRELUDE

Des gens s’éloignent de leur village en regardant le ciel, se préparant au pire, , quittant tout ce qu’ils possèdent…
Bienvenue dans l’esprit de notre réalisateur, qui répond à une interview en même temps qu’il rêve, à sa vie, à son prochain film. On lui demande pourquoi il fait des films, il répond que c’est compulsif, et qu’il a besoin de les visualiser mentalement avant de les tourner ou d’écrire un scénario avant de les sortir obsessionnellement de sa tête et de les graver sur la pellicule. Il apprend aux journalistes que son prochain film parlera de la première fin du monde, celle qui n’est jamais arrivée, à la fin du siècle précédent ou les gens pensaient que l’apocalypse allait débarquer.
Par la même occasion, il leur apprend qu’il n’a plus que quelques mois à vivre.

Il se réveille , transpirant, la poitrine douloureuse: un message de son répondeur: il s’agit de JULIA, qui lui demande comme une amie (et non pas comme son docteur) de les laisser pratiquer une biopsie, de les laisser le soigner.
La mort est toujours quelque chose de compliqué à appréhender : par exemple, vous allez chez votre docteur pour un check-up complet, et une semaine plus tard, elle vous rappelle et vous demande de passer la voir, vous faisant remarquer cette tâche sombre sur la radio, qui est probablement une tumeur maligne. Vous refusez ensuite de passer plus de tests, car si ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort, ce qui vous tue, vous tue, lâchement. Il aura bientôt 50 ans ; sera t’il encore vivant ?
Depuis la nouvelle, il lit beaucoup, regardant la TV tard le soir jusqu’à ce que tous les sons se mélangent, perdent leur signification.
Il ne répond plus au téléphone, il n’en a plus le temps : il lui faut finir son film. Mentalement, il doit rassembler tous les acteurs, monter les décors.
999 AD , dernier jour du dernier mois : c’est l’hiver en Europe, la foule quitte son village situé à l’ombre d’une montagne, attendant la fin du monde, tout se mélange, l’écran se transforme en neige, il attend avec eux.


2. OCCLUSION

Il continue son film, concentré, utilisant par ci par là les visages qu’il a croisés dans la rue, un peu partout. : du haut de la vallée, le village semble si petit qu’on pourrait même l’écraser dans la paume de sa main.
Il se remémore cet acteur ivre, lors d’une soirée, qui avait absolument tenu à lui lire son avenir dans la paume de sa main, justement : « votre vie va changer radicalement à 50 ans », lui avait-il alors prédit. Lorsqu’il avait raconté ce souvenir à son docteur, elle n’avait pas compris. Il avait alors quitté son cabinet seul et bouleversé, imaginant son docteur en léopard des neiges (tout petit déjà…, il aimait transformer les gens qu’il connaissait en animaux) un superbe prédateur et s’imaginant tel un squelette déambulant dans les rues.
On avait mis un sabot à sa voiture.
Il était donc obligé de téléphoner à INANNA pour lui dire qu’il aurait du retard à son rendez-vous puis de marcher jusqu’à HYDE PARK pour payer la caution du véhicule. Sa poitrine lui faisait mal, il se sentait engourdi, perdu. A un feu rouge, il regarda les lignes dans le creux de sa main, espérant voir son futur se dessiner : elles étaient malheureusement toujours illisibles, indéchiffrables, brouillées…..

3. DESILLUSION
Il regarde les murs de son bureau, couverts de visages , de portraits, d’extraits de magazines agrafés ça et là, tous ces visages qui lui servent de référence pour son film qu’il dirige, écrit et regarde tout seul, spectateur solitaire de son imagination.
Cela n’aurait jamais dû se passer ainsi :
Arrivé en retard à son rendez-vous, il avait néanmoins trouvé INNANA très heureuse, lui disant qu’elle avait réussi à monter un financement et qu’il fallait maintenant absolument un scénario. Il lui avait alors avoué sa maladie, sa mort prochaine et lui avait demandé de le laisser seul.
Il n’avait pas écouté les atermoiements d’INNANA, ni ses mots de consolation , du bruit que tout cela…
Il voudrait tellement que les photos sur le mur arrêtent de le dévisager !

4. CONFUSION
Il erre dans son appartement, tentant désespérément de se raccrocher à quelque chose de tangible. Il a 50 ans aujourd’hui, il ne verra jamais les 60, et c’est terrible, car il aurait tellement voulu être présent le 31 décembre 1999, à TRAFALGAR SQUARE, partageant la joie de vivre des milliers d’être humains qui seraient autour de lui ce soir là et vibrant au rythme de leurs espoirs de joies futures.
Dans ses films, les gens mourraient, les acteurs faisaient semblant d’être morts. On le lui reprochait souvent, de faire mourir ses acteurs, mais c’était la triste vérité, pas un monde aseptisé où tout le monde et où le héros gagne à la fin.
La douleur est trop forte, le voici qui déchire les pages de son scénario qu’il ne finira jamais.
« Ce film célébrera l’humanité, la continuité indicible de la vie et la douce folie humaine » avait-il annoncé à ses producteurs. Tu parles !
Il laisse des morceaux de papiers derrière lui, tel un enfant perdu dans les bois, tentant toujours de se accrocher à un espoir, un signe, accélérant ses pas, accélérant sa marche tout en sachant qu’il n’y a nulle part où aller.

5. DECONSTRUCTION

Cela fait trois mois maintenant, et bizarrement, il a recommencé à écrire.
Il s’était regardé dans la glace ce matin et l’espace d’un instant, il avait cru voir son père en face de lui, la peau fine et le visage annonciateur de mort.
999 AD
Les villageois, ses villageois attendent dans la neige, en haut de la montagne.

Il avait brièvement pensé à situé son village au pied de deux montagnes jumelles, ce qui permettait au soleil de se lever, de disparaître derrière le premier sommet, de réapparaître, puis de re-disparaître avant de finir sa course en fin de journée éclairant tout le village, mais il avait vite abandonné cette idée : les métaphores devant être utilisées avec parcimonie.
Il pense à ses villageois, à cet homme endetté dont toutes les dettes ont été annulées ; à cette femme qui était enfermée dans la prison du village parce qu’elle avait tué son mari qui la battait : elle avait été libérée par le seigneur du village et par le prêtre, qui pensaient qu’à la fin du monde, tous devaient répondre au jugement du plus haut.
Le seigneur avait d’ailleurs abandonné toutes ses terres et toutes ses maisons, mais il ne restait déjà plus personne pour en prendre possession.
Seul dans les rues du village, un bossu (ou quelqu’un de déformé) vagabondait, une bouteille à la main. Il était évidemment le seul à voir la fin du monde comme une libération. Il cherche désespérément quelqu’un et hurle, mais ses mots se perdent dans le bruit du vent. Personne ne l’entend au sommet de la montagne.
Quatre des personnes au sommet ne sont pas des villageois, ce sont des gens nus, attachés ensemble par une corde passant autour du cou de chacun. Ils se flagellent, cherchant à expier leurs péchés avant que ne tombe le jugement dernier, se fouettant tout à tour, leurs quatre corps formant une vague frémissant à chaque claquement.
Un homme s’approche d’eux, leur demandant de faire moins de bruit pour ne pas réveiller son bébé. Ils ne le comprennent pas, ses mots ne sont que du bruit
L’un des quatre hommes prend alors un rocher et se le fracasse sur sa poitrine, ses cris redoublent.
Le bébé commence à pleurer…

Du bruit, rien que du bruit….
Il se demande pourquoi il est en train d’écrire un film que personne ne verra puis pense à cette jolie phrase : « c’est toujours la fin du monde pour quelqu’un », tiens , il la mettra dans la bouche du père de famille, il la dira à sa femme, qui ne l’entendra pas, trop occupée à essayer de calmer le bébé.
De toutes façons, même si elle l’avait entendu, cela n’aurait rien changé.

6. DISTINCTION

Il y a des milliers de gens dans sa tête, et la seule solution pour qu’ils survivent est qu’il aille jusqu’au bout de son histoire, sinon, ils mourront avec lui.
De vieilles histoires et d’anciens souvenirs remontent à sa mémoire ; il se rappelle l’histoire sur laquelle il est tombé quelques jours auparavant, celle où le pape SYLVESTRE II était au balcon de la place saint pierre le 31 décembre 999, regardant des masses de paysans et de moines venus attendre la fin du monde. L’horloge égrène les heures, tic tac tic tac….
Arrive minuit et la petite aiguille des secondes atteint le douze : les cloches sonnent et les gens paniqués fuient, tout s’arrête…
Pour repartir après les douze coups. Le pape bénit alors chacun d’entre eux et leur demande de retourner affronter le monde qui les attend.
Une bien jolie histoire, sauf que les horloges n’ont été inventées qu’en 1300 et les aiguilles des secondes 300 ans plus tard !
Plus d’horloge, plus d’histoire ; mais est-elle pour autant moins vraie ?
On ne meurt pas tant qu’une seule personne se rappelle de vous….
Derrière le tic tac de son horloge, il peut maintenant entendre les échos de toutes celles qui ont égrenées chaque seconde de sa vie. Mais derrière tous ces sons, il peut en entendre encore un autre, froid et stérile : le son du silence, qui lui ne s’éteindra jamais…

7. INTERLUDE
REED son voisin de dessus est venu le voir pour discuter de tout et de rien, et surtout pas de sa maladie. Lorsqu’il lit son scénario, REED lui dit qu’il est intimement persuadé qu’il y a une raison pour chaque chose, que tout a une signification cachée et que l’apocalypse n’existe pas. C’est sur ses paroles qu’il s’endort, pensant aux quatre cavaliers, ILLNESS, WAR, FAMINE et DEATH
Un coup de téléphone le sort de sa torpeur. C’est INNANA, qui l’appelle pour lui demander si c’est bien vrai cette rumeur comme quoi il a recommencé à écrire. Il lui répond que non, que ce serait stupide, puis repose le combiné…et se remet à écrire…

8. SECLUSION
Il se sent mieux. Sa concentration va et vient. Lorsqu’elle est là, il écrit, lorsqu’elle s’en va, il regarde la télévision. Comme aujourd’hui, où il tombe sur une émission religieuse. Le film est presque fini, et devient de plus en plus facile a écrire à mesure que sa fin approche.
Il ne croit pas en l’apocalypse, il croit en l’APOCATASTASE ; ce qui pourrait être le titre du film.
Sa signification :
1)Restauration, rénovation
2)Retour à un état antérieur
3)(ASTRONOMIE) Retour à la même position, achèvement d’une période de révolution


Il avait même téléphoné à son docteur, celle avec le visage de léopard ; il avait accepté un test sanguin. Elle a d’ailleurs rappelé ce matin, voulant passer le voir mais il a refusé. Elle a alors commencé à hurler ; lui disant que ses globules blancs étaient trop bas, et qu’une simple infection pouvait avoir raison de lui, et qu’il a absolument besoin d’une radiothérapie. Il refuse encore, de toutes façons il va mieux…Si ce n’est cette maudite toux

9. CONCLUSION
Il a fini son script ce matin. Ce qui est fascinant quand on finit quelque chose, c’est cette impression qu’on a d’avoir sorti quelque chose du néant. C’est réel maintenant, et cela ne dépend plus de lui.
Sa poitrine lui fait tellement mal. Sa toux s’amplifie…
Tous attendent la fin du monde, et le voilà avec eux, en train de dire que cela n’arrivera pas. Un villageois lui répond qu’il devrait être avec ses bien aimés, il assure n’avoir personne, ni fils, ni amour.
Quelques secondes avant la fin, tout est silencieux, aucun bruit.
L’heure arrive…Il ne tousse plus…
[COLOR="Gray"]les villageois sont heureux, personne n’est mort….[/COLOR

10. POSTLUDE
INNANA parle avec REED, elle lui demande si c’est bien lui qui l’a trouvé mort. Il lui répond qu’il lui manque et lui tend un script.
Elle rentre chez elle, se couche et le lit.
APOCATASTASIS….il avait toujours un don pour trouver de ces titres….
Début du générique, ils regardent tous le ciel, un d’entre eux est en train de hurler, mais on n’entend pas ce qu’il dit ; ils sont prêts à quitter tout ce qu’ils possèdent.
999 AD, dernier jour du dernier mois. La caméra tourne autour d’eux, ces villageois qui font leurs bagages, emmenant avec eux leurs objets les plus précieux. On voit leurs visages, riches, pauvres, malades, gros, tous sont persuadés que cela va arriver. Une rafale de vent mêlée de neige vien,t troubler notre vision, ils s’éloignent, quittant le village, attendant la fin du monde…..


SIGNAL TO NOISE (c) NEIL GAIMAN and DAVE MC KEAN
Réponse avec citation