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Vieux 09/03/2008, 17h12
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Mr Gumby Mr Gumby est déconnecté
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Mr Gumby change la caisse du Fauve


Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black body swinging in the Southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees


Les chances que je choppe le hardcover Incognegro paru chez Vertigo début février était pourtant faible à la base. Je ne connais rien du scénariste Mat Johnson (Papa Midnighte) et je suis loin d'être un fan du travail de Warren Pleece. En fait, j'ai surtout un sale souvenir de ses Hellblazer mais c'est peut être aussi un peu la faute de Paul Jenkins. Et puis finalement, une couverture bien conçue, un pitch accrocheur et hop sur ma liste.


Au début du vingtième siècle aux états unis, les lynchages de noirs étaient choses courantes. Plus rares étaient les reportages narrant ces récréatives activités de plein air. Pourtant quelques journalistes noirs à la peau suffisamment claire pour ne pas finir immédiatement sous une branche ont eu le courage (ou la démence) d'approcher ces festivités pour en tenir la macabre chronique. On appelait cette pratique « aller incognegro ».
Zane Pinchback, le personnage imaginé par Mat Johnson est de ceux là. Alors qu'il revient à Harlem d'un reportage particulièrement périlleux, son besoin de reconnaissance commence à le travailler et il songe sérieusement à faire tomber le masque pour écrire sous son vrai nom. Cependant quand son frère jumeau resté dans le sud est accusé de meurtre, il est bien obligé de conserver tous ses atouts en manche pour espérer le sortir de ce guêpier.

Je vais commencer par demander des excuses à Warren Pleece et à sa famille pour tout le mal que j'ai pu penser de son dessin. Son travail est ici excellent. L'encrage est précis et élégant. Les cadrages sont discrets mais très efficaces. Les décors sont également très travaillés. J'avais aussi le souvenir de visages peu expressifs et très répétitifs et là rien de tout ça. Les personnages sont vivants. Que ça bouge ou que ça cause, tout ça est très fluide avec la classe d'un travail graphique tellement bien fait qu'il sait se faire oublier au profit de la narration. Du beau noir et blanc simple et expressif comme j'aime.

Côté histoire, c'est aussi plutôt bon. L'intrigue policière n'a rien d'extraordinaire mais fonctionne très bien grâce à une très belle galerie de personnages. A partir du moment où les gens qu'on suit s'incarnent, ça roule. Les dialogues sont très bien foutus avec un bon sens du petit contrepoint qui remet le personnage principal à sa place. De plus, grâce à une construction assez maligne le récit baigne dans une tension permanente qui intensifie toutes les situations et fait que ça se lit d'une traite sans reprendre son souffle.
Dans l'intro du bouquin, Johnson explique comment son histoire personnelle et celle de ses proches a influé sur la création de l'histoire. C'est peut être cette proximité qui fait qu'il a réussi à rendre son récit si vivant.
Incognegro est donc un thriller historique qui évite largement les pièges du didactisme ou du récit à démonstration. C'est « juste » une bonne histoire très bien racontée avec de vrais personnages dans un contexte extrêmement fort. Lisez ça, vous passerez un bon moment et peut être que vous apprendrez ou reverrez deux ou trois trucs importants sur l'humanité.
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Dernière modification par Mr Gumby ; 16/03/2008 à 11h05.
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