Merci les vacances scolaires, voici en temps et en heure :
Quand, il y a quelques années de cela, j'ai refermé le premier numéro de
Weasel, j'ai tiré deux conclusions de la lecture de la revue splendide et perverse de
Dave Cooper:
a/ ce type est un grand malade;
b/ ce type a un des plus incroyables graphismes de sa génération.
Depuis, j'ai fini les
Weasel, lu
Dan & Larry in: Don't Do That! en 2001 et aucun de ce deux points n'a été démenti.
Si je vous reparle de ça, c'est qu'aux éditions
Delcourt dans l'excellente collection Outsider vient de sortir une compilation de deux travaux du canadien barré.
Comme son nom l'indique
Suckle suivi de Crumple est le recueil de :
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Suckle : the status of Basil (le premier boulot de
Cooper paru en 1996 chez
Fantagraphics);
et de...
-
Crumple, The Status of Knuckle (paru 2001 toujours chez
Fantagraphics).
Si l'on tient vraiment à s'essayer à l'exercice du pitch, on pourra dire que
Suckle raconte les mésaventures étranges et libidineuses de Basil, petit bonhomme fraichement débarqué «*à la grand ville*». Dans
Crumple, c'est Knuckle, loser patenté et son pote l'affreux Zev qui vont se retrouver embarqués dans de cauchemardesques histoires de complot entre lesbiennes et extraterrestres.
Mouaif... Je vous avais prévenu.
Au delà de la narration, il y a pourtant plein de choses passionnantes dans cette BD. C'est d'abord l'occasion de voir mûrir la personnalité graphique et thématique d'un auteur unique en son genre. Autant le premier récit est encore très marqué des influences Crumbiennes du bonhomme, autant le second fait preuve d'un style plus personnel et maîtrisé. Le découpage est plus large, la narration moins hachée. Attention, ce n'est pas que
Sucklesoit sans intérêt. C'est juste que l'artiste y fait ses premières gammes, avec parfois des maladresses mais déjà des fulgurances impressionnantes, et que c'est vraiment intéressant de voir l'évolution en cinq petites années.
Côté thématique, c'est un peu la même chose. L'onirisme hyper-sexué, organique et teinté d'autobiographie de
Cooper se retrouve dans les deux récits mais se fait plus inquiétant (voire franchement cauchemardesque) dans le second.
Suckle est plus maladroit (car plus lisible dans ces intentions), là où
Crumple vous embarque dans une logique absurde qui monte doucement vers un crescendo final à vous filer des sueurs froides.
Si vous aimez
Crumb et
David Cronenberg, laissez vous embarquer dans un univers artistique déviant et perturbant porté par un dessin d'une force et d'une précision tout simplement hors norme.
Notons que la collection Outsider menée par
Vincent Bernière (qui bossait au Seuil précédemment) sera à surveiller de près puisque le but et d'éditer (ou de rééditer dans des éditions plus décentes ou complétées) des auteurs indépendants américains. Je guette notamment la très prochaine sortie du dernier
Adrian Tomine. A suivre donc...