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Vieux 17/07/2017, 21h47
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SamKouCaille SamKouCaille est déconnecté
Super Héros maitre du monde
 
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SamKouCaille change la caisse du Fauve
J'ai regardé le documentaire Jodorowky's Dune ce week-end et le visionnage me hante depuis. Un vrai coup de foudre.



Comme le nom l'indique, ce documentaire parle de l'adaptation par Alejandro Jodorowsky du roman Dune de Frank Herbert. Adaptation morte-née, qui n'a finalement jamais vu le jour, mais qui est devenue l'un des piliers de la SF au cinéma. Pourquoi les studios n'en ont pas voulu ? Pourquoi une si grande influence ?

Deux questions pour une même réponse : Parce que Jodorowsky est un mégalomaniaque génial. Déambulant bras dessus, bras dessous avec une folie lumineuse côté gauche, une démesure calibrée côté droit et un fanatisme altruiste sur une protubérance quelconque.

Dans les années 1970, convaincu de devoir créer un film amené à devenir le mètre étalon de la production cinématographique, Jodorowsky part littéralement en croisade pour construire son projet et mettre au monde son "prophète" en terre SF. Avec une œuvre envisagée comme un long-métrage d'une dizaine d'heures, il veut en vrac : toucher philosophiquement le public au plus profond de son être, faire un film qui produit les effets du LSD ou encore redéfinir la narration habituelle et le langage cinématographique. Oui, rien que ça. Bref, il veut faire de l'Art, ce truc dont le but est de t'élever et te rendre plus beau à l'intérieur.

Comme tout bon croisé, il réunit une équipe de "guerriers" pour l'accompagner dans sa quête. Des mecs comme lui, plus ou moins tarés, prêt à mettre leur talent créatif (et un gros bout de leur vie) au service d'un grand tout : Moebius, Giger, O'bannon, Foss ... (En fait, ceux qui seront de toutes les aventures ciné SF de la fin du siècle : Star Wars, Alien, Blade Runner, Total Recall ...). Puis, il s'attaque à la BO (Pink Floyd, Magma...) et au casting (Salvadore Dali, Orson Wells...) avec la même boulimie. Ressemblant à un casting mené par un fanboy sur le prochain film marvel, le projet parait complètement fou. Pourtant, 40 ans après les faits, même le spectateur du documentaire se met à y croire, emporté par le magnétisme de Jodorowsky. La production continue alors jusqu'à un storyboard détaillant le film plan par plan, pour aboutir à une conclusion brutale : Le refus des studios.



Et on pourrait ressortir de ce trop plein créatif, avec le sentiment d'un énorme gâchis. Pourtant non, et c'est la force de ce documentaire, on ressort du visionnage avec un grand sourire. Les scènes finales, montrant l'influence et les graines plantées par ce non-film dans les esprits et l'industrie cinématographique, sont porteuses d'un message hyper-positif : Peu importe les obstacles, les échecs, si le rêve est suffisamment important, il faut y aller. Il y aura un résultat, même si ce n'est pas celui attendu.

Pavich, le réalisateur du docu, ajoute donc un degré de lecture très méta à son film:
- Le Dune de Jodorowsky est une histoire d'initiation et de révélation du héros Paul, qui va jusqu'à se sacrifier pour répandre son message d'harmonie dans l'univers.
- Le parallèle avec l'histoire de la production est frappante. Comme dans un Shonen, l'équipe s'élargit pour surmonter des obstacles. La production est un véritable voyage initiatique. Les membres grandissent, se nourrissent et se révèlent à travers le projet. Puis, avec la non-production brutale du projet, l'objet est devenu mythique et a essaimé un peu partout.
- Encore plus fort, le spectateur du documentaire reçoit une partie du message que voulait faire passer Jodorowsky par le sacrifice de Paul (le travail en commun, la liberté amènent à l'harmonie et à l'illumination) à travers le travail et l'échec de l'équipe créative. Le prophète n'est pas mort avec le film et on nous pointe du doigt sa résurrection.




Donc, non seulement, l'histoire racontée par ce documentaire est incroyable mais la manière dont il est construit décuple le message. La synthèse est absolument parfaite à mes yeux. C'est une véritable ode à la création, qui donne deux envies :
- Prendre n'importe quel truc qui traine pour commencer à griffonner sur n'importe quel autre truc qui traine.
- Découvrir le reste de l’œuvre du bonhomme (El Topo, la montagne sacrée, l'Incal, les Méta-barons...)
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Auto-promo de moi-même vers moi-même : Dizaine Anti-Rengaine #1, Le dernier des templiers, The Stuff of Legend

Dernière modification par SamKouCaille ; 17/07/2017 à 21h53.
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