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Pendant très longtemps, je n'ai pas aimé Kirby, je n'arrivais pas à accrocher à son dessin. Je l'ai vraiment découvert et apprécié sur le tard. Il y a un côté "art brut" chez Kirby qui peut, je pense, être difficile à appréhender.
Mes goûts et ma "formation" m'ont toujours davantage conduit vers des stylistes au trait élégant comme David Mazzucchelli (l'artiste qui m'a sans doute le plus impacté), Alex Toth (qui a été une sorte de professeur), Winsor McCay (qui est une sorte de pilier dans mon temple de la bd).
Donc, j'avais énormément de mal avec Kirby qui avait une espèce de sauvagerie dans son dessin, quelque chose de très puissant et démesuré. Je ne savais littéralement pas comment faire avec lui, comment le lire. C'était frustrant car en même temps je mesurai l'empreinte énorme qu'il avait laissé. Pour comparer avec ma découverte, tout aussi tardive, de Toth, ce dernier avait quelque chose d'impressionnant mais de séduisant, son dessin était d'une telle beauté, il était impossible d'y résister, c'était comme plonger à la source, comme comprendre tout ce que j'aimai depuis longtemps. Tandis que Kirby me dérangeait, il m'intimidait, c'était presque agressif.
Et puis, comme souvent, un artiste vous sert de porte d'entrée pour accéder à un autre (Mazzucchelli m'a amené ainsi à Toth). Dans le cas de Kirby, c'est par le biais de Darwyn Cooke que j'y ai accédé, en lisant New Frontier, où il le citait à plusieurs reprises, de manière très explicite. Ces citations m'ont donné envie de comprendre Kirby, et j'ai alors pu apprécier ce qu'il proposait. C'est un processus, une suite d'idées : je ne pouvais pas appréhender un tel bloc d'un coup, il fallait que je l'assimile progressivement.
Il reste un maître évidemment. Je ne peux pas dire qu'il fasse partie de mes artistes préférés mais il impose le respect : sa productivité, ses designs, l'énergie que dégage son graphisme - comme Moebius, il avait cette faculté à communiquer dans son dessin toute la vigueur qu'il y mettait, toute sa passion : c'est une sorte d'homme-dessin, plus qu'un dessinateur, on a l'impression que c'était son véritable langage, qu'il s'engageait complètement. Un tel investissement est rare.
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