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Vieux 14/04/2020, 09h27
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gillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le TireurgillesC vise plus juste que le Tireur
.
"Pour comprendre ce qui suit, nous devons d'abord nous débarrasser de la représentation de la famille projetée par la Bible.
C'est un sujet à propos duquel j'ai personnellement commis beaucoup d'erreurs, hypnotisé comme tant d'autres par les Généalogies Bibliques.
" (Où en sommes-nous, page 109)


[ Aparté du recopieur-synthétiseur (moi) : Le sens du terme Bible peut parfois être réduit à "Ancien Testament", pour des raisons de raccourci d'écriture.
Le problème, c'est que cet Ancien Testament... n'est pas le même pour tous!

En effet, les 24 livres de la Bible hébraïque sont divisés pour devenir 39 livres chrétiens. Si ce n'était encore que ça...

Car, si les Protestants considèrent ces 39 livres, traduits de l'Hébreux, comme leur Ancien testament, les Catholiques y ajoutent 7 autres livres, montant ainsi à 46.
Les chrétiens Coptes, eux, prennent comme canon 3 autres livres en plus des 39 (mais ne faisant pas forcément partie des 7!)
... quand aux Grecs orthodoxes, ils prennent les 39 livres d'origine, mais dans la traduction grecque dite de la Septante, faite vers -270 à la demande de Ptolémée II, version donc beaucoup plus ancienne que la traduction des protestants, et donc souvent assez différente!
Ceci, sans compter que certains livres n'existent qu'en araméen...

BREF...
On considérera en toute logique dans ce chapitre, uniquement les éléments communs à tous les monothéismes, pour les différentes époques étudiées... ]



Dans l'Ancien Testament donc,
la Primogéniture organise à la fois la séparation des peuples, et la formation d'Israel à partir d'une humanité unique (selon la version communément admise dans l'interprétation des textes
(nous reviendrons là-dessus dans un topic très, très différent)).
Le thème du premier né est obsédant dans le récit de l'Exode, et la double-part de l'aîné apparaît comme la règle d'héritage dans le Deutéronome. La Bible semble donc décrire une primogéniture patrilinéaire, et on peut donc voir dans cette Famille Souche l'assise anthropologique des monothéismes.
Le problème, c'est que cette famille Souche n'a jamais été sérieusement pratiquée par le judaïsme antique,
contrairement à ce que beaucoup de livres des siècles passés affirmaient!

Car à la fois l'Archéologie (taille très réduite des habitations) et l'étude des différents textes débutants au début de l'Âge du fer, et décrivant la vie quotidienne dans le sud de la bande côtière du Proche-Orient, sont sans équivoque : la famille juive (ou "juive") "originelle" était parfaitement nucléaire. (1)
L'antagonisme de cette région envers la famille Souche (et ses transformations ultérieures en Niveaux 2 et 3) est même tel qu'au XIXème siècle, bien avant l'euro-américanisation culturelle, les populations alaouites, druzes ou chrétiennes maronites se caractérisaient encore par des traits "archaïques" (2) : nucléarité résiduelle, statut des femmes plus élevé, endogamie plus faible.

"James George Frazer avait parfaitement noté dans le Récit biblique une contradiction entre la règle de primogéniture, quasi-obsessionnelle, et les pratiques de Succession des personnages, qui n'en finissent pas de déroger à cette règle.
L'archétype de ceci est le "vol" du droit d'aînesse d'Ésaü par son frère Jacob, aidé par sa mère. On pourrait multiplier les exemples d'héritiers qui ne sont pas des premiers-nés, ou de femmes plus fortes que les hommes."
En outre, le rôle de "garde des parents" attribué au dernier-né lorsque ses aînés sont partis fonder leurs familles au loin (3), est typique de la Famille Nucléaire Originelle.

Or, au début du Premier Millénaire avant J.C., la Famille-Souche est la règle au nord du monde mésopotamien, c'est-à-dire en Assyrie : elle est inscrite dans les codes de Lois.
Et vers -720, les Assyriens détruisent le Royaume d'Israel au nord, puis, un -gros- siècle plus tard, l'Empire Néo-babylonien conquiert le royaume de Juda au sud, et déporte sa population lettrée sur ordre de Nabuchodonosor. Le retour d'exil s'étale, selon les auteurs, sur un petit siècle autour de -500, après la chute de l'Empire néo-babylonien face à Cyrus II de Perse.
Ce monde néo-babylonien est donc en bout de course, en terme de puissance militaire, et ce d'autant plus qu'il a opéré depuis longtemps déjà une réversion patrilinéaire: l'héritage égalitaire y est redevenu la règle.
OR, c'est lors de cette captivité à Babylone que la plupart des auteurs s'accordent, sur des bases linguistiques, sur la rédaction du Deutéronome.
Il est donc vraisemblable que l'acquisition "mentale" de la primogéniture se soit faite un à deux siècles plus tôt, lors des confrontations avec les Assyriens.
Au retour de Babylone, on peut supposer qu'un regain de patrilinéarité a animé les Juifs lors de la reconstruction du temple de Jérusalem (consacré en -516), mais avec un simple "placage" de la primogéniture sur les Récits bibliques, plus que dans la Réalité familiale de l'époque, restée nucléaire et indifférenciée.

On peut donc parler pour le judaïsme de Famille Souche Fantasmée, ce qui est quelque chose d'assez unique au monde.

1) : Christophe Lemardelé / Structures familiales et idéologie religieuse dans l'ancien Israël .
2) : au sens Historique, donc à l'opposé du sens moral-occidental.
3) : comme typiquement les colons agricoles durant des millénaires.


Epoque hellénistique, puis romaine :

Avec la conquête de l'Empire perse par Alexandre, le souffle de patrilinéarité, qui passait d'Est en Ouest, s'inverse : une réversion vers la bilatéralité familiale s'installe, comme dans les cités grecques elles-mêmes (en grand affaiblissement militaire (1)).
A cette époque dite hellénistique, l'éducation des filles commence à intéresser les familles : la progression de l'égalité est particulièrement nette dans l'Egypte des Ptolémées (OSF, page 575). Ceci conduira finalement à l'égalité devant l'Héritage des fils et des filles dans le code Justinien de Constantinople, en 533!

Dans la Judée grecquo-séleucide puis romaine, on assiste donc au minimum à un blocage dans la route vers la patrilinéarité. Comme, de plus, les diasporas d'Alexandrie, de Syrie, d'Asie Mineure et de Rome sont déjà plus nombreuses en hommes que la Judée, et que ces urbains n'ont absolument rien à faire d'un système de primogéniture créé pour transmettre des terres agricoles...


Le Trompe-l'oeil de la matrilinéarité juive :

D'après Shaye J. D. Cohen, la célèbre règle de transmission d'appartenance au peuple Juif par la Mère serait apparue vers 200 après J.C, et ne serait qu'une lubie d'érudit - mais une lubie fondatrice. "Le mariage mixte n'était pas un problème sérieux dans la société rabbinique, et même s'il l'avait été, la bonne réponse aurait été une règle bilatérale demandant que les 2 parents soient juifs."
"Un groupe qui cherche à protéger son identité ne peut qu'exiger l'orthodoxie culturelle de ses femmes, un groupe mobile par ses hommes et qui prend des femmes à l'étranger, encore plus. Car tel était le mécanisme de dispersion pour les Juifs, exactement comme il l'avait été pour les Grecs dans le bassin méditerranéen occidental des siècles plus tôt."
Tout ceci est démontré par l'analyse de l'ADN mitochondrial (2) des juifs ashkénazes, révélant une prédominance européenne.

La "règle" de matrilinéarité n'est donc apparue que pour obliger les Juifs à exiger la conversion de leurs épouses. (3)
Le plus ancien rituel de conversion à nous être parvenu date du Talmud de Babylone et est d'une simplicité absolue : il suffit de répondre à une seule question, sans qu'aucune vérification théologique ne soit exigée. (4)

1) : puisque conquises par la Macédoine, ne l'oublions pas.
2) : transmis par les femmes.
3) : Ce mécanisme est si "évident" qu'il se répète à d'autres moments de l'histoire pour d'autres peuples.
4) : Shaye J. D. Cohen, The beginnings of Jewishness.


La patrilinéarité éducative du Judaïsme antique :

Vers l'an 64, peu de temps avant la destruction du second Temple de Jérusalem, le grand prêtre Josué ben Gamla ordonne que tout père juif envoie ses jeunes Fils à l'école pour apprendre à lire la Torah.
Il s'agit de l'acte fondateur du Judaïsme, celui qui a survécu des millénaires à la disparition de son ancrage territorial; et la première exigence d'une alphabétisation de masse à des fins théologiques.
Pour comparaison, à l'époque, l'Italie Romaine a un taux de lettrés inférieur à 20% chez les hommes, et 10% chez les femmes. (1)
1800 ans plus tard, sous les Tsars, le taux d'alphabétisation des Russes était de 28%, contre 65% pour les juifs de l'Empire, écritures yiddish et russes combinées.

1) : William Harris, Ancient Literacy.


Conclusion : Bi-linéarité !

"Si nous combinons patrilinéarité éducative et matrilinéarité religieuse, nous pouvons nous faire une idée de ce qu'était la Famille juive à l'émergence du judaïsme rabbinique. Cette coexistence d'impératifs définit un système anthropologique bilinéaire, typique des cultures qui ont subi l'influence de la patrilinéarité, mais qui, pour l'essentiel, ont résisté.
... en 1955, on observait en Israel un taux de mariage entre cousins au premier degré d' 1,4% pour les juifs ashkénazes, et de 8% pour les autres, essentiellement venus du monde arabo-persan. Ce dernier taux est en réalité très bas, si l'on songe que ces gens étaient englobés dans une société ayant une endogamie en moyenne supérieure à 30%. Pour information, en 1986, le taux de mariage entre cousins germains des chrétiens de Beyrouth était lui aussi exactement de 8%."


...à suivre : les étonnantes innovations chrétiennes. °°
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Dernière modification par gillesC ; 17/04/2020 à 10h21.
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