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Il est évident que la perception change avec les années, l'expérience acquise à la lecture des comics. Quand on est ado, on lit des comics sans forcément tout relier, sans se rendre compte de notions telles que l'univers partagé, de décompression narrative, de supblots, de doublons, de transmissions de pouvoirs/objets, etc. On savoure l'histoire pour le dépaysement qu'elle procure, c'est moins analytique que ce qu'on pratique en discutant sur un forum avec des fans parfois très érudits, qui ont une connaissance des séries plus grandes, qui ont fait cet effort, ce travail de relier les séries, les thèmes, les personnages, etc.
Disons que, moi, aujourd'hui, je suis plus sensible et moins à l'aise avec ces histoires de doublons, de héros remplacés (même temporairement). Il ne s'agit pas tellement de préférer une version d'un personnage et de ne pas y toucher, comme si c'était sacré, mais plutôt de graduer ces versions. Wolverine, pour moi, c'est Logan, le canadien amnésique, forte tête et griffu des "Etranges X-Men", ce mec cool et brutal à la fois, cet électron libre. Tout ce qui reproduit ces éléments après ne peut que banaliser l'original, tellement puissant.
Je ne suis pas un expert de Thor mais effectivement il y a dans l'approche de Aaron plusieurs trucs qui ne plaisent pas. Plus que le(s) marteau(x), sa volonté d'effacer Donald Blake de l'équation m'a déplu parce que, non pas que s'intéresser uniquement à l'aspect dieu du tonnerre n'est pas valable, c'est ce qui inscrivait Thor dans la formule "héros à problèmes" propre à Marvel. C'était ce qui rappelait que Thor avait été puni par Odin à cause de son orgueil, de sa fougue. Et j'aimais l'image de Blake, ce toubib boiteux qui tapait sa canne et devenait Thor, le dieu du tonnerre (ça m'a aussi déplu dans le film [U]Thor : Ragnarok[/U] quand Hela pulvérise Mjolnir car le marteau ne servait pas qu'à canaliser la puissance de Thor mais lui permettait aussi de voler par exemple).
Pareil pour Jane Foster, jouer avec le cancer, condamner le personnage... Non, ça me déplaît.
C'est quand même devenu un peu systématique chez Aaron, cette manie de démolir les personnages, même si pour Thor, il y aura un retour en grâce et en force de Odinson. Mais pour Dr Strange déjà, même si ça a permis au perso de retrouver un mensuel, on assiste pendant 18 épisode à un matraquage en règle du sorcier suprême, jusqu'à la farce, et en n'utilisant même pas ou si peu des méchants emblématiques comme Dormammu, Nightmare... A la fin de son run, tout ce qu'on a, c'est Wong qui se barre et la libraire qui devient la nouvelle "larbine" du docteur et le docteur qui a l'air d'une loque.
Aaron a donc beaucoup baissé dans mon estime alors que j'avais été très client de "Wolverine & the X-Men", de son humour, de sa folie douce, de l'affection manifeste pour les personnages. Pour moi, c'est le sommet d'Aaron chez Marvel, je suis frustré qu'il n'ait pas transformé l'essai depuis : je lui reconnais du talent, il a du succès, mais c'est comme si la magie s'était évaporée. Pourtant, "W&TXM" avait été la série qui avait redonné, avec "Uncanny X-Force" de Remender, une direction forte à la franchise X, un cadre pour "All-New X-Men", "Uncanny X-Men" de Bendis, et c'était d'autant plus fort que "Schism" n'était pas si fameux (sinon pour l'officialisation de la rupture de Cyclops et Wolverine, et le casting des dessinateurs).
Enfin, de manière plus générale, je me rappelle qu'à l'époque où DC avait lancé son reboot avec les "New 52", tout le monde pariait (espérait ?) que Marvel les imiterait. J'étais parmi les sceptiques, estimant que ça donnerait à Marvel l'image du suiveur. Mais, avec le recul, je me demande si une occasion n'a pas été raté - peut-être pas au même moment mais depuis, et particulièrement avec "Legacy".
Ponctuellement, après un event, Marvel a su faire le ménage dans une franchise (par exemple, avec "Heroic Age" et la franchise "Avengers", ou lors de "Marvel Now !" avec les mutants à la suite de "Schism"). Mais toute leur production n'a jamais été réaménagée. On a l'impression que ce sont des retouches ponctuelles, alors qu'une vraie refondation serait salutaire. C'est le gros plantage de "Legacy" (le one-shot et le statu quo) : le one-shot aurait dû établir un nouveau statu quo global au lieu de sur-communiquer sur les premiers Avengers de la préhistoire (tout ça pour cinq pages), ce Céleste, le duel Starbrand-Ghost Rider, et cette collection de teasers.
"Rebirth", le one-shot, aboutissait à un truc un peu dérangeant (Dr Manhattan créateur du DCU, donc retour programmé des Watchmen) mais en même temps, voilà, ça donnait une vraie perspective à ce qui démarrait. Je ne prétendrais pas qu'il n'y a pas d'abus avec certains héros (Batman omniprésent évidemment), mais c'est contrebalancé par l'accent mis sur quelques persos/équipes que DC a choisi de mettre vraiment très en avant, comme des porte-drapeaux, et avec des créateurs avec de fortes personnalités. Et avec ça, ils s'y tiennent, les premières séries qui sont annulées ont quand même tenu un an et demi, mais on s'en rend à peine compte parce qu'au même moment ils font le casse du siècle en débauchant Bendis (ce qui créé le buzz de l'année et ouvre toutes les spéculations - chez Marvel, qu'est-ce qui excite autant pendant ce temps ?).
Bref, tout est là : chez DC, il y a un esprit de conquête, quitte à cliver, ils jouent pour gagner, pour alimenter les discussions. Chez Marvel, on arrive clairement à la fin de quelque chose à mon avis parce que s'ils continuent comme ça, ça n'inspirera qu'un soupir poli (ah, Wolverine revient, mais d'abord dans des "post-credits scenes" ? Wah ! Jean Grey aussi revient et elle a une équipe pour elle ? Super... Alonso s'en va ? Oh ben dis donc. Etc, etc.). C'est pas très électrisant quoi.
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