J'ai vu ce week-end un film sorti il y a quelques semaines/mois, et qui est célèbre pour être l'un des échecs les plus flagrants de l'Histoire... je parle bien entendu du film
Le Roi Arthur : La Légende d'Excalibur / King Arthur: Legend of the Sword de Guy Ritchie avec Charlie Hunnam.
Alors, le film mérite-t-il cet échec et une réputation fort peu flatteuse ?
Oui et non.
Il faut, avant tout, séparer le film comme adaptation de l'œuvre littéraire et le film en tant que long-métrage.
En tant qu'adaptation, c'est du n'importe quoi complet qui en devient même insultant. Arthur n'a rien, absolument rien du personnage initial, ses camarades ne sont pas ceux attendus, le contexte n'a absolument rien des mythes originaux... pas seulement ceux de Chrétien de Troyes, même les légendes sont joyeusement et brutalement écrasées ici.
Au pif et dans le désordre :
Mordred n'est pas le fils d'Arthur et de sa demi-soeur qui vient affronter son père Roi, il est un Mage compagnon de Merlin avide de puissance qui se retourne contre les siens et est tué par Uther au début ; Uther n'a rien du personnage initial, qui se fait transformer par Merlin pour enfanter Arthur, il est un Roi noble et bon ; Vortigern est le frère d'Uther et tue ce dernier pour devenir Roi (à la base pas de lien entre eux) ; Arthur est élevé dans un bordel et devient un chef de gang dans Londinium ; pas de Merlin, une Guenièvre qu'on devine mais qui n'est jamais nommée ; la Dame du Lac a 45 secondes de présence à l'écran ; il y a des monstres, des Darklands où il y a plein de monstres, des serpents géants qui disparaissent ; le méchant est une violente copie d'une œuvre phare de Frazetta ; Excalibur est une épée forgée dans un bâton de mage, et permet en gros de stopper le temps, aller plus vite, frapper plus fort, envoyer des ondes de choc...
Je spoile, je sais, mais on n'en est qu'à une partie du WhatTheFuck complet de l'histoire du film. Ritchie livre un film sur un voyou devenant roi, qui adapte ses méthodes de vol et de manipulation à la conquête et à la vengeance ; en soi, Ritchie aurait pu livrer un film sur Robin des Bois très bon dans cette optique, mais ça ne colle tout simplement pas avec la noblesse du Roi Arthur.
Si, en effet, il n'est pas gravissime que la base du personnage change, il faudrait au moins qu'on garde cette noblesse, cet aspect Héros des Héros ; ce n'est jamais le cas. Même à la fin, Arthur reste un voyou, une petite frappe qui a juste un plus gros gang... cette fois-ci l'Angleterre entière.
En tant qu'adaptation, ce n'en est pas une : c'est un massacre du mythe et des personnages, qui ont une vie propre et subissent un name-dropping insupportable (pouf Perceval, pouf Galaad, tant pis si vous ne correspondez en rien aux principes de ces héros).
Gênant, lassant et rageant pour quiconque connaît un minimum, et voulait tout simplement voir un film sur le Roi Arthur.
Après, en tant que film, qu'Est-ce que ça vaut ? Ca n'est pas brillant, mais ça n'est pas une catastrophe.
Si on se sépare du mythe initial, on a l'histoire d'un voyou devenant roi et se vengeant, utilisant parfois des méthodes proches de Ocean's Eleven ; pourquoi pas. Dans un contexte médiéval, avec le bagout de Charlie Hunnam qui est vraiment trop marqué par son rôle de Jax, ça fonctionne très souvent ; le personnage est insupportable, grande gueule, arrogant, mais il s'en prend suffisamment plein la tronche pour réussir à le suivre et à apprécier quand ses tours fonctionnent.
Même l'intrigue elle-même n'est pas mauvaise en soi, on est sur du classique : l'anti-héros qui se découvre, forcé à bien agir, qui refuse, qui se lance finalement, qui gagne la confiance mais perd un peu, avant d'accepter pleinement sa destinée et tuer le méchant ; classique mais efficace.
Non, en soi, ce qui gêne plus ce sont les passages trop rapides de l'intrigue : sur Vortigern et ses liens avec Mordred, sur Mordred et les Mages, sur les liens de Vortigern avec son frère/sa femme/sa fille (pour que certains moments-clés fonctionnent, il faut qu'on sente son attachement aux autres), sur les Darklands, sur l'origine de l'épée, sur tel ou tel va-et-vient qui ne fonctionne pas vraiment. Plus un souci de rythme, très changeant, donc, qui en fait un blockbuster anonyme, mais rien de honteux.
Même le combat final, qui fait clairement cinématique de jeu-vidéo de combat, n'arrive pas à faire de ce film un navet : c'est un peu gênant, ces effets spéciaux lourds et cette image sombre si travaillée, mais ça n'est pas dégueulasse pour autant. Grâce à un Hunnam qui fait son voyou charismatique, globalement on le suit sans s'ennuyer, même si les autres acteurs ne tentent même pas d'y croire (Law, Hounsoun, Gillen, Bana n'y croient pas, Àstrid Bergès-Frisbey y croit trop) et font le minimum.
Pas un navet, donc, mais un bon gros côté nanard pour la démence qui a pris les scénaristes pour rédiger l'histoire, qui piétine tellement toute sorte de mythe autour du Roi Arthur (à côté, le King Arthur de Clive Owen il y a 15 ans et la série TV Merlin sont des adaptations nobles et fidèles, hein).
A la base, le film devait être le départ d'une franchise
Knights of the Roundtable, avec un film par chevalier pour faire une réunion "à la Avengers" ; le projet a bien disparu, et le film seul a fait un bide... pas vraiment mérité, finalement, il y a plus honteux que ça.
En tout cas, j'ai bien rigolé devant les bêtises de l'adaptation, et l'ensemble des rebondissements se suit en éteignant son cerveau. Ca meuble très bien un dimanche après-midi de glande.