L'histoire :
Une bande de petites frappes tentent d'investir les tunnels des morlocks, le bruit courant qu'ils avaient disparu. Pour leur malheur, ils tombent sur Sabretooth qui kidnappe la jeune fille de la bande, ses lâches compagnons l'abandonnent à son sort.
Sabretooth la force à partager son "lit" fait de vieux vêtements et de chiffons comme le nit d'un animal et s'endort.
Pendant ce temps, Daredevil empêche deux voyous de dépouiller un innocent. Mais en guise de remerciement, l'homme l'accuse de n'apporter que du malheur autour de lui. Il estime que les super-héros par leur simple existence attirent les psychopathes de tout genre comme Nuke (Cf DD #233) et mettent en péril la sécurité des simples citoyens.
DD s'en va sans répondre en lui donnant à moitié raison intérieurement.
Le lendemain, une bande de gamins commet la même erreur que le groupe de la veille et s'aventure dans les tunnels des morlocks. Ils sont rapidement repérés par Sabretooth.
L'un des enfants, Butch lui fait front et le prévient que s'il cherche à leur faire du mal, Daredevil lui réglera son compte.
Piqué au vif, le mutant se met en quête de notre héros et ne tarde pas à le retrouver. DD ne comprend pas la raison de cette attaque. Comme toute réponse, le fauve lui répond "Parce que tu existes".
Sabretooth amène le combat dans les tunnels.
En parallèle, Butch de retour à son foyer assiste à une chasse similaire de son chat contre une souris. Il demande à son père pourquoi le chat joue avec elle sans la tuer. Son père lui explique que les animaux sauvages finissent par développer des comportements anormaux lorsqu'ils vivent trop longtemps hors de leur milieu naturel. Ils chassent mais ne savent plus pourquoi.
Dans les tunnels, DD se trouve effectivement dans une position de proie. Sabretooth se révèle être un adversaire redoutable qui est sur le point de lui porter un coup de grâce.
Dans un dernier sursaut, DD projette le mutant griffu contre une cloison qui s'éboule sous le choc découvrant au passage le corps en décomposition d'un morlock tué par les Marauders.
A sa manière de réagir (sentant le cadavre plus qu'il ne cherche à voir), Sabretooth devine que DD est aveugle.
Bloqué par les débris, tête à cornes lui lance en ultime provocation que l'un d'entre eux finira comme ce cadavre puant.
Sabertooth devient comme fou et se précipite sur sa captive et lui décoche un coup de griffe.
Dégagé des décombres, Daredevil se précipite sur la victime et fait croire à son adversaire qu'elle est morte.
Curieusement décontenancé et contre toute attente Sabertooth s'enfuit en hurlant que sa soif de sang est la plus forte.
Daredevil libère alors la jeune fille qui lui avoue qu'elle s'est toujours demandé si le héros existait vraiment. Et maintenant qu'elle le sait, cette idée la rassure.
C'est mon avis et je le partage :
Ann Nocenti a la lourde tache de redresser un titre parti en roue libre, tant sur le plan graphique que scénaristique, depuis la fin de Born Again .
Aprés deux fill-in très dispensables (
#234 &
235) et une reprise avortée du titre par Englehart [#237 - traduit dans Daredevil n°4 chez Semic] (qui souhaitait faire de DD un west coast Avengers en le faisant ainsi quitter NY et Hell's Kitchen), elle reprend doucement la direction de la série.
Quoi de mieux qu'un Crossover mutant pour booster les ventes ? Le numéro clôt une partie des événements du Mutant Massacre en se focalisant sur Sabretooth qui à l'époque commençait à peine s'imposer comme Némésis de Wolvie. Malgré ce passage imposé dont elle se serait sans doute bien passée, son second numéro sur le titre lui permet d'introduire certains des éléments récurrents de son run et de ses thématiques de prédilection.
On y retrouve d'ailleurs des similitudes (relations enfant/adulte, conflit intérieur, impossibilité d'échapper à ce qu'on est) avec le superbe Daredevil #236 (traduit chez Comic USA), premier numéro écrit par Nocenti avec Barry Windsor Smith, qui se penchait sur le sort de Nuke.
Coté background, elle introduit une bande de gamins, bientôt appelés les "Fats boys" qui suivront Daredevil jusqu'à son départ de NY aprés le crossover Inferno, soit plus de 2 ans. (On les verra même à l'enterrement de Karen Page dans la V2 de la série). Les fats deviendront à la fois les protégés de Daredevil, ils le rappelleront à sa part d'innocence et d'enfance (avec les bons et mauvais souvenirs rattachés pour Daredevil). Ils seront également parfois "ses associés", ce qui n'est pas sans faire écho aux "Wise Guys", l'autre bande de gosses débrouillards qui aidaient le Daredevil de Gleason.
Karen Page n'est pas évoquée mais le personnage sera sur le devant de la scène sur la suite du run.
Elle fait également le lien avec les événements passés et leurs répercussions, ce qui après l'équivalent de 3 fill-ins n'est pas du luxe.
Coté adversaire, le portrait qu'elle fait de Sabretooth même s'il n'est pas off-character (surtout vu les évolutions contradictoires que le perso connaitra) est malgré tout inédit pour l'époque.
Elle en fait un personnage mut purement par des instincts bestiaux dont la partie humaine bien qu'elle ne réprouve pas complètement ce comportement ne supporte pas de perdre son contrôle. Cette facette de sa personnalité montrant une forme de culpabilité, de fragilité et d'impuissance face à son coté animal sera complètement gommée de la construction du personnage qui comme beaucoup d'autres sera emporté par la vague Dark'n'gritty. Il est amusant de constater que sa fiche wikipedia ou sur marvel.com passe à coté cette histoire.
La mise en scène parallèle du comportement du chat et de Sabertooth ainsi que les petites notes d'humour est particulièrement agréable.
Bref, vu le contexte Ann s'en très sort bien.
Aux dessins, Sal Buscema assure, comme beaucoup sur cette période, l'intérim, le temps que JRjr déboule sur le titre. Sal sait y faire et même si son style un peu daté n'est pas forcement le plus adapté au contexte, il assure une prestation classique mais efficace.
L'encrage de Leiahola rajeunit un peu son trait mais l'association des styles n'est pas vraiment maitrisée et parfois peu convaincante.
"DD # 238 : "Chat va mieux" 