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Fletcher Arrowsmith 28/02/2018 23h19

Club de lecture II : MAUS
 
CLUB DE LECTURE : MAUS

d'Art Spiegelman

Maus, écrit et illustré par Art Spiegelman est un roman graphique autobiographique qui revient sur une période sombre de l'histoire du XXe siècle. A travers les témoignages de son père, Spiegelman va décrire l'occupation de la Pologne par les nazis (premier volume) puis la vie dans les camps de concentration (second volume). Spiegelman va transcrire ce véritable drame en optant pour une approche graphique originale : les nazis seront des chats et les juifs des souris.

MAUS est à ce jour la seule bande dessinée ayant été récipiendaire d'un Prix Pulitzer (prix spécial en 1992).


Pour ce second rendez vous au club de lecture, je vous propose deux axes de discussion pour entamer les débats :

- Souris et chat : l'anthropomorphisme était-elle une bonne idée ?

- MAUS : une lecture de la shoah ou un catharsis pour Spiegelman vis à vis de sa relation avec son père ?

Fletcher Arrowsmith 28/02/2018 23h20

je ne participerai pas à ce club de lecture.

Je vous souhaite une bonne discussion ;-)

mellencamp 01/03/2018 10h04

Merci arrowsmith. Donc à dimanche (je crois?) pour commencer à en discuter.

Hilarion 01/03/2018 10h10

Détail étonnant : "Spiegel" signifie "Miroir".

Slobo 02/03/2018 23h24

En parlant d'antropomorphie je conseil :
http://www.image-heberg.fr/files/thu...0774803865.jpg

Sinon n'étant pas super joyeux en ce moment je vais éviter de me déprimer plus avec Maus.
Mais je jetterais un oeil à votre discussion.

Fletcher Arrowsmith 02/03/2018 23h59

En parlant de Pulitzer je conseille :

Arrowsmith de Sinclair Lewis

https://www.modernlib.com/authors/lA...th1937.big.jpg

JB 04/03/2018 07h43

Découverte pour moi de Maus : je n'en ai aucune connaissance préalable, donc je peux écrire d'immenses aneries sur le sujet

- Souris et chat : l'anthropomorphisme était-elle une bonne idée ?
La représentation des personnages sous la forme d'animaux permet à mon avis de faire passer des scènes qui auraient transformé Maus en BD pour adulte. Je me demande si ce n'est pas également la simplicité des traits des animaux qui a attiré l'auteur vers ce style.
Dans l'histoire de Vladek - qui offre son point de vue sur la Shoah, je me demande si cela n'illustre pas le racisme du père (manifeste lorsque Art et son épouse prennent un afro-américain en stop.) Cela permet également un jeu sur des masques lorsque les personnages tentent de cacher leur identité.
En outre, cela fait également ressortir les apparitions d'êtres humains : l'histoire courte sur la mort de la mère de Art, la visite de l'auteur chez le psy ou les personnages humains portent des masques d'animaux ou encore la photo de son père (chaque fois lié à l'auteur et à sa famille plutôt qu'à la Shoah ?).
Je crois que deux scènes jouent avec cette représentation : l'interrogation sur le choix de l'animal représentant l'épouse française de l'auteur, convertie au judaïsme (grenouille ou souris ? Art Spiegelman suggère que lors du mariage, le rabbin prononce une formule magique la transformant d'un animal à un autre) ou encore l'apparition d'un véritable rongeur lorsque le couple se cache dans une cave - Vladek tentant de rassurer sa compagne en lui assurant qu'il s'agit d'une souris)

- MAUS : une lecture de la shoah ou un catharsis pour Spiegelman vis à vis de sa relation avec son père ?
Ni l'un ni l'autre, je dirais, j'ai moins l'impression d'une catharsis pour Spiegelman que d'une quête pour comprendre son père ou définir sa relation avec un frère qu'il n'a pas connu ou sa culpabilité vis-à-vis de la mort de sa mère, mais l'écriture de Maus est moins décrit comme une libération que comme une charge émotionelle. La scène qui m'a le plus marqué voit Spiegelman à l'écriture d'une page, donnant des dates hétéroclites sur l'écriture de Maus, la mort de son père, la Shoah, ce en décrivant un charnier sous son pupitre. Tant l'écriture que l'impact médiathique de l'histoire le font régresser plutôt que le libérer.
A l'inverse, l'histoire semble être cathartique pour Vladek, au moins pour le personnage. Celui-ci, dans le "présent" (avant sa mort) se pose régulièrement en victime, dur avec son fils, avare au point que son entourage lui reproche de correspondre au cliché antisémite. En revanche, malgré un désintérêt pour la carrière de Art, il prend un intérêt particulier à passer du temps avec lui, raconte son histoire et lit ses travaux. Même si les souvenirs de son père semblent erronés ou douteux (notamment les dates de sa période dans les camps, contradictoires), la mémoire semble plus importante que la réalité pour l'artiste, au point que lorsque Vladek avoue avoir détruit le journal de son épouse, Art l'accuse d'être un meurtrier.

mellencamp 04/03/2018 14h31

J'avais lu Maus une fois il y a plusieurs années, au moins 10.
L’anthropomorphisme permet sans doute d'identifier plus facilement les nationalités et appartenances religieuses: les souris sont les juifs quelles que soient leurs nationalités, alors que les polonais non-juifs sont des cochons. C'est finalement une bonne idée car ça permet à tout le monde, ainsi qu'aux lecteurs jeunes, d'appréhender le contexte de l'époque, le lieu (on est dans une zone entre Allemagne, Pologne et Tchéquie il me semble) et ce qu'impliquait l'appartenance à telle ou telle communauté.

Maus me paraît parler autant du parcours de Vladek durant la Shoah que de la façon dont Art va inclure ces infos dans son propre parcours. Mais ça aboutit pour moi aux passages les moins réussis du récit, surtout dans la 2ème partie.
On ressent la même frustration qu'Art devant l'absence des témoignages de sa mère, quand Vladek devient trop agaçant.

Zen arcade 04/03/2018 21h52

Citation:

Envoyé par mellencamp (Message 1744759)
le lieu (on est dans une zone entre Allemagne, Pologne et Tchéquie il me semble)

L'action se déroule en Pologne.

Zen arcade 04/03/2018 22h43

"Souris et chat : l'anthropomorphisme était-elle une bonne idée ?"

A mon sens, la question ne se pose pas en ces termes.
Je pense surtout que pour Spiegelman, c'était la seule représentation possible.

La représentation de la vie (et de la mort aussi évidemment) dans les camps d'extermination pose des questions éthiques que n'a pu éviter de se poser Spiegelman.
L'anthropomorphisme, c'est le seul moyen de représenter :
* l'irreprésentable : le mal absolu en tant que processus industriel dans un lieu circonscrit
* l'irreprésenté : il n'existe aucune documentation d'époque de ce processus industriel d'extermination

A cela viennent se greffer d'autres choses, entre autres :
* la confusion entre camps de concentration et camps d'extermination, alimentée par le film "Nuit et brouillard" d'Alain Resnais (et ses images de Bergen-Belsen), film exceptionnel et pionnier mais qui est confus sur ce point.
* la posture théorique d'intellectuels comme Theodor W. Adorno qui s'interrogent sur la possibilité d'écrire après Auschwitz
* la position de Claude Lanzmann (qu'il formalisera dans le monumental "Shoah") que la recréation artistique des camps d'extermination relève de l'obscénité.
Tenter de représenter les camps d'extermination en utilisant des procédés relevant d'une forme pouvant être apparentée au réalisme, c'est abject.
Dans ce sens par exemple, et pour rester dans le monde des comics, l'épisode de Wolverine à Sobibor par Mark Millar est abject.

L'anthropomorphisme joue aussi dans Maus un rôle de distanciation par rapport à l'horreur de ce qui est décrit.
On peut dire que cela permet d'ouvrir la lecture de l'ouvrage à des lecteurs plus jeunes (c'est sans doute vrai) mais je ne vois pas là le cœur de la démarche de Spiegelman.
Passé le prérequis qui fait de l'anthropomorphisme la seule représentation possible de ce qu'il entend montrer, Spiegelman utilise l'anthropomorphisme comme un outil de distanciation qui lui permet de générer l'émotion mais sans jamais verser dans le pathos.
Le soucis de distanciation, le travail sur la distance, me paraissent au cœur de la démarche de Spiegelman.
Parce que le cœur de Maus, c'est le travail sur la distance entre Art et son père, entre Art et son frère décédé et plus généralement entre ceux qui ont vécu la Shoah (Vladek et les autres) et ceux qui ne l'ont pas vécue (Art, nous lecteurs).
Il y a une volonté de se confronter à ce fossé infranchissable, d'approcher l'indicible tout en sachant qu'il est par essence inatteignable.
Travailler sur la distance, c'est évidemment se demander comment il peut être possible de représenter l'irreprésentable.

Enfin, narrativement parlant, Maus se présente comme un gigantesque jeu du chat et de la souris entre Juifs et Nazis et dès lors, les Juifs en souris et les Allemands en chats, ça s'intègre à merveille dans la construction du récit.
Je trouve cependant perso qu'au delà de la formidable idée de représenter les Juifs en souris et les Allemands en chats (sans gommer le fait que toutes souris ne sont pas nécessairement gentilles et tous les chats nécessairement méchants), ça fonctionne moins pour les Polonais en cochons (même si l'idée de faire porter un masque aux Juifs qui veulent se faire passer par des Polonais non-Juifs est superbe).
S'il y a une limite au choix de l'anthropomorphisme par Spiegelman, je pense que c'est là qu'elle réside.

JB 04/03/2018 23h03

Citation:

Envoyé par Zen arcade (Message 1744803)
Parce que le cœur de Maus, c'est le travail sur la distance entre Art et son père, entre Art et son frère décédé et plus généralement entre ceux qui ont vécu la Shoah (Vladek et les autres) et ceux qui ne l'ont pas vécue (Art, nous lecteurs).
Il y a une volonté de se confronter à ce fossé infranchissable, d'approcher l'indicible tout en sachant qu'il est par essence inatteignable.
Travailler sur la distance, c'est évidemment se demander comment il peut être possible de représenter l'irreprésentable.

C'est vrai que, du coup, le coeur du récit est la relation difficile entre un père et son fils, leur seul point de rencontre étant le récit de la Shoah. Je me demande si cela était l'idée d'origine ou s'il y a eu un glissement, mais je crois que plusieurs dizaines de pages se déroulent dans le second volume avant de revenir sur les camps de concentration

FredGri 04/03/2018 23h15

Malgré tout, en relisant Maus maintenant, je me dis que cet anthropomorphisme est assez primaire. Les méchants sont des chats, les persécutés sont des souris, les polonais des cochons... A la limite je trouve La Ferme des animaux d'Orwell bien plus subtil et plus profond dans son choix d'interprétation.
Sur le propos, Maus s'inscrit dans une tradition amenée par des choses comme Le Journal D'Anne Frank, matinée de confidences sur le père de Spiegelman, sur sa famille. Et c'est peut-être ce qui en fait toute sa force à mes yeux, bien plus que l'énième récit de rescapés de guerre, des expériences de camps, qui en soi n'est pas aussi original qui soit !
(je continue demain, car je suis fatigué, désolé !)

JB 04/03/2018 23h24

Ce qui est intéressant, c'est que l'auteur évoque tous ces ressorts (l'anthropomorphisme, le côté tranche de vie (dès le début), les journalistes qui l'interroge sur le coté cathartique du travail) sans vraiment trancher
Tiens, une conséquence de l'anthropomorphisme : Art modifie la réalité, notamment en suggérant une transformation magique de son épouse de grenouille en souris afin de l'intégrer au comic. Du coup, si l'on sait déjà que son père est un narrateur peu fiable, il n'est pas exclu de penser que le fils suit le même chemin. Dès le début, il promet de ne pas raconter les détails de la vie sentimentale de son père avant la guerre, histoire que nous avons pourtant lue peu avant. La transformation en animaux est-elle la seule modification qu'il a apporté à ce récit ?

Fletcher Arrowsmith 04/03/2018 23h26

Pour ceux qui veulent aller plus loin sur la compréhension d'une oeuvre comme MAUs je conseille METAMAUS. Art Spiegelman se met un peu plus à nu et livre le processus de création de MAUS.

Fletcher Arrowsmith 04/03/2018 23h30

Citation:

Envoyé par Zen arcade (Message 1744800)
L'action se déroule en Pologne.

D'ailleurs MAUs n'a été traduit qu'en 2001 en Polonais et Spiegelman n'a pas eu de visa pour aller en Pologne. La représentation des Polonais en cochon est très mal passée.


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