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TRANSMETROPOLITAN TOME 1 : ANNÉE 1

Warren ELLIS / Darick ROBERTSON

Transmetropolitan #1 à #12

Transmetropolitan c'est bien, c'est même le bien. On aura beau m'expliquer que Spider Jerusalem (le journaliste déjanté chauve malgré lui, héros de cette bd) est d'inspiration directe du chantre du journaliste gonzo Hunter Thompson, il est clair pour moi que Warren Eliis est Charlie (ou du moins Spider Jerusalem). Quand on connait la prose et le style de l'écossais et qu'en plus on apprécie alors Transmetropolitan est fait pour vous. Transmetropolitan c'est tout Warren Ellis mis en image : les délire, les doutes, les peurs, les prophéties, l’humour noir et piquant et une certaine envie de dire je t'emmerde. Les thèmes récurrents chez Ellis transpirent à chaque page : la ville avec une New York du futur déglinguée et folle (#1 à #3), les bio technologies (#5 et #7 essentiellement) , la religion (à voir surtout dans le #6 et également dans le #7), la politique (le #4, #10 et #11), l'ordre et le pouvoir (#1 à #3 et #10 à #11), le pouvoir des images (endoctrinement) et le poids de la culture ou contre culture (#5 et #9) , les manipulations génétiques (#8 et #7), les civilisations (#9 et #11), racisme et peur d'autrui (#2 et #3) ou tout simplement de la bonne vieille SF des familles (#7).

C'est dur de résumer un tome aussi touffu : 12 épisodes représentant l'équivalent de 6 stand alone et 2 saga (#1 à #3 et #10 à #12).

#1 à #3 où le retour de Spider Jerusalem en ville (après un exil à la campagne), la couverture d'une émeute dans un quartier chaud qui va le propulser à nouveau comme journaliste numéro 1. Trame classique mais on rentre directement dans le vif du sujet et Warren Ellis expose très bien ce qu'est et va être la série. La technologie semble folle (celle de l’apartement ou comment démonter et accréditer les rêves les plus déments de la SF) et la visite en voiture de la ville par Spider Jerusalem semble relever de la bravoure ou de l’inconscience, pour nous pauvres âmes du 21eme siècle. Tout semble fou dans cet univers. Plus tard on s’infiltre dans Angels 8 un quartier assez mal famé repère de trans d’un nouveau genre vu qu’ils poussent le bouchon à vouloir ressembler à des extraterrestres. Des épisodes coup de poing jusqu’au dénouement qui l’est également, le tout dans un rythme varié (le #1 est speed, le #2 plus dans l’observation tandis que le #3 est le temps du passage à l’action pour les forces de l’ordre mais aussi pour le journaliste).

#4 J’aime bien cet épisode qui voit l’arrivé d’une collaboratrice pour Spider Jerusalem. Ce qui est intéressant avec cet épisode c’est qu’assez tôt Warren Ellis étoffe donc le casting des personnages secondaires (on a vu son éditeur dès le premier épisode) et Channon Yarrow qui va devenir récurrente est un jolie contre poids au journaliste gonzo. Un personnage féminin intéressant qui ne va pas cesser de grandir au fur et à mesure de la lecture de ce premier tome. Autre partie prit que j’ai apprécié c’est de taper sur l’exécutif, la plus haute marche assez tôt dans la série avec une rencontre avec POTUS. Forcément rien de va se passer normalement jusqu’au lieu de la rencontre, dans des toilettes. Cet homme est taré dans sa quête de la vérité.

#5 Ouf du repos pour Spider Jerusalem…. du moins en apparence car il va décider de s’infliger un marathon télévisuel. Et si c’était la télé la menace la plus sérieuse de notre monde. C’est en tout cas le message que semble délivrer Warren Ellis puisqu’il nous montre les méfaits du petit écran allant jusqu’à l’endoctrinement et la soumission. On en profite pour faire de plus ample connaissance avec le monde de Transmetropolitan et surtout Spider Jerusalem va s’en donner à cœur joie, montrant qu’il est également très dangereux quand il intervient au téléphone sur certaines émissions. On rit jaune, mais on rit beaucoup.

#6 Bienvenue à la foire des religions. Un épisode très dans l’esprit Charlie Hebdo. La réligion est à vendre (ou plutôt est capitaliste à donf). C’est surréaliste (la double page qui représente des stands entier de religion à l’identique d’un salon de l’agriculture est somptueuse). Tout le monde en prend pour son grade, personne n’est épargné par un Spider déguisé pour l’occasion. Jouissif à lire, surtout en ce moment.

#7 Channon se fait larguer par son petit ami qui souhaite devenir un nuage. Véritable réflexion sur la dé matérialisation de la chair et l’âme, Warren Ellis adoucit un peu sa narration qui est ici moins rentre dedans. Il ne juge pas. Il présente les faites et nous invite à la réflexion. La technologie (spécifiquement l’électricité que le scénariste affectionne, voir Jenny Spark) nous est montrée sous un nouveau jour. Numéro intéressant à plus d’un titre.

#8 De la SF pur et dure avec le côté cynique en plus pour ce huitième numéro. Thèmes classiques de la SF sont au rendez vous : clonage, immortalité, cryogénisation… et surtout ré insertion (la cela grince par contre). Raconté à la troisième personne, je ne n’ai pas trouvé que c’était le meilleur numéro sauf lors de l’étape du retour qui est à se pisser dessus (c’est plus qu’une image d’ailleurs). La chute est pénible à lire car peu reluisante. C’est ce qui fait la force de l’épisode au final.
#9 Comment préserver la mémoire de l’humanité et surtout les civilisations ? En les parquant dans des réserves naturelles qui sont comme des zoo grandeurs natures. Beaucoup d’observation et de réflexion et pas beaucoup d’action. J’ai bien aimé le running gag sur Spider Jerusalem qui cherche à tout prix à avoir un rendez-vous galant (et surement plus vu l’état de son entre jambes) et qui prend autant de râteaux variés que de demandes. Episode assez dur dans son propos. Ellis frappe fort et où cela fait mal.

#10 à #12 les épisodes les plus désarçonnant et peut être les plus faible de ce volume. Warren Ellis déconstruit sa narration en nous présentant 3 récits en 1 ce qui déroute à la lecture. On y apprend surtout du passé de Spider Jerusalem quand il avait des cheveux, spécialement à l’occasion lors d'un reportage à Paris (et vive la France qui s'attaque à l'hégémonie de la culture et la langue Anglo Saxonne pour préserver la sienne). De l'action par contre dans ces 3 numéros (alors que le reste en est dépourvu) et des situations plutôt réalistes et humaines qui sont rapidement tournés en dérision, vers le burlesque (le prétendu fils de Spider Jerusalem, une nouvelle race de flic, la femme de Spider Jerusalem, une vengeance au journal).

Graphiquement c’est du grand Darick ROBERTSON. Il fait corps avec le scénariste et il n’y a aucune faute de gout dans son interprétation en image du monde déjanté de Transmetropolitan. Cela fourmille de détails et il faut prendre le temps d’admirer chaque cases et planches. Mais ce n’est jamais surchargé. Son trait donne toujours l’impression pourtant qu’il dessine tout de façon un peu exagéré (à la différence par exemple d’un Paul Ryan où tout semble plus petit). Attention ce n’est pas une critique mais c’est ce que j’aime dans son style assez en rondeurs. Du coup cela nous explose au visage à la lecture. I maitrise également parfaitement le personnage de Spider Jerusalem. En me renseignant j’ai même appris que Robertson dessiné à l’identique les tatouages sur le corps du journaliste. Quelle méticulosité. Les décors ne sont pas en reste et le dessinateur ne s’économise pas. La ville du futur est entre de bonnes mains avec lui. Néons, taudis, passants étranges (et bizarrement vêtus), publicités.. tout est à sa place et contribue à enrichir la lecture, exigeante car fournie. Il arrive à varier son story telling dans ses diverses compositions glissant comme son complice écossais beaucoup d’humour. Du grand art.

En ces temps troublés la lecture des épisodes #6 et #9 est fort à propos. Faux prophètes, marché géant des religions, civilisation sauvegardé dans des réserves naturelles à faire peur, foi artificielle accompagné d'autant de gadget.... Warren Ellis ne s'interdit rien et frappe fort avec en permanence un côté cynique et méchant. Peu de concession car le scénariste n'a pas envie de s'emmerder avec ses conneries. Il veut dénoncer alors il y va franco. Ce n'est pas forcément toujours subtile (quoi que), c'est souvent (toujours ?) vulgaire, mais cela marche.

Donc j’ai aimé et bien plus que cela. Bijoux d’humour noir, inventif sans se répéter, sans concessions et rentre dedans, Transmetropolitan est de ces séries qui ne vous laisse ni indemne ni indifférents. Le côté rentre dedans n’est que superficiel et il ne faut surtout pas s’arrêter à ce que l’on pourrait prendre pour des artifices faciles, bien au contraire même car c’est au service d’un scénario très corrosif.