Thoor
05/12/2008, 08h35
Dans la douleur voila le premier texte de ce défis qui joue les Arlesiennes
POEME
Les rues sont sales ; malodorantes sous la pluie persistante de ce mois de novembre. Saleté de pluie. Depuis le temps que je vis ici je devrais y être habitué, et bien non. Je la trouve toujours aussi désagréable, aussi froide, aussi collante. Gorgées de pollution et d’acide, elle tombe sans discontinuer de l’aube au crépuscule la moitié de l’année sur cette foutue ville de Luna.
Les éclairages néons vantant les mérites des cabarets, et autre maison close illuminent les trottoirs de leurs lumières criardes. Je rajuste mon feutre et le col de mon imper pour la millième fois de la journée. Le tissu rugueux frotte contre ma barbe naissante. Je longe les murs crasseux et couvert de graffitis plus ou moins originaux. Le quinze de la Banshee Street n’est plus très loin.
Le hall de l’immeuble m’accueille par une sordide odeur de produits ménagers et de préparations culinaires issues des appartements alentours. L’ascenseur est comme de bien entendu en panne. Alors je grimpe lentement les marches jusqu’au cinquième. Un long couloir, je laisse de petites flaques d’eaux sur les dalles de plastique jaune. Un éclairage misérable, erratique, confirme l’état de vétusté avancé du quartier. Un planton se tient devant la porte de l’appartement numéros 585. Me voyant avancé vers lui, il se redresse et gonfle légèrement son torse. Avant même qu’il tente de m’interpeller, la porte derrière lui s’ouvre laissant apparaître un homme courtaud, vêtu de noir, à la mine revêche. Il aboie
« Kine, qu’est ce que vous foutez ? Je vous ai appelé il y a deux heures. »
Je lui lance un regard torve, en grognant une réponse inaudible. Il s’efface pour me laisser entrer dans l’appartement. Un coup d’œil rapide, et mon cerveau trie déjà les premières informations. Logement propre. Bibliothèque fournie. Gamelle pour un chat. Ordinateur branché dans un coin. Kitchenette impeccable. Corbeille de fruits. Aucune photo.
Le nabot me pousse du coude vers la chambre. Lit fait. Vêtements plié sur une chaise. De la salle de bain proviennent des voix. L’inspecteur Rave s’y trouve ainsi que son légiste. La baignoire est pleine d’eau. Marie Bricard, trente huit ans, y gît la tête renversée en arrière. Pas besoin du légiste pour voir que cette pauvre femme a été étranglée. Sur le sol une feuille de papier. Je sais déjà se qui s’y trouve.
« Dans les zoos urbains noyés de pluies acides
Où tout jusqu'au suicide finit par sembler vain… »
Tout un poème, noir et désespéré. Auteur inconnu. Papier ordinaire. Typographie banale. Cet écrit, comme à chaque fois que je le voie m’évoque quelque chose. Une idée, une sensation fugace, qui reste hors de porté, qui me nargue même.
« Encore une victime Robert, c’est la troisième dans ton entourage ! J’espére que tu as un alibi pour hier soir vers 20h00 ? » Me souffle Rave. Il sait aussi bien que moi que j’étais à La Fosse, en compagnie de Jo la Bafouille. Mon enquête, parallèle à la sienne, piétine, et je tentais d’obtenir des infos sur les détraqués du moment.
Rave me regarde d’un air las. A sa question muette je lui réponds :
« Choux blancs. Aucun des malades habituels ne fait de vague en ce moment. » Je lui montre la victime d’un geste de la tête, « Marie et moi sommes sortis ensemble il y a quinze ans. C’était à Hischool Berliviaux de Luna. Cela a durée quelques mois, et c’est la première fois que je la vois depuis notre rupture. »
Les lumières des néons brillent toujours aussi insolemment sur les façades décrépites des immeubles du vieux Luna. La pluie a été remplacée par une bruine poisseuse. Je marche pour m’aérer et réfléchir. Je reprends les éléments que je possède tentant d’y déceler un schéma, une idée.
Le premier meurtre, vieux de deux semaines. La victime s’appelait John Irvin. Informaticien sans envergure. Divorcé, sans enfant. Nombreuses bouteilles d’alcool retrouvées dans son studio. Découvert mort dans son canapé, étouffé avec un sac plastique. Un poème coincé dans la main. Aucune empreinte, aucune effraction. Rave m’a appelé dés le lendemain car il y avait une photo de moi et de la victime accrochée sur un mur. Comme on se connais depuis longtemps tout les deux il a pensé que je pourrais l’aider. Tu parles, John et moi nous ne nous sommes pas vus depuis sept ou huit ans. Nous étions de bons potes à la Hischool, puis cette foutue vie de dingue nous a happés.
Cinq jour plus tard, nouveau cadavre. Un serveur au Paladin. Trouvé mort devant chez lui par son compagnon. Un seul coup de couteau dans le dos. Toujours aucun indice, malgré le sang répandu. Pas de témoin dans cette banlieue dortoir. Le poème se trouvait sous la victime. A fréquenté aussi la Hischool. Je me souviens vaguement de ce petit bonhomme timide, nous avons du faire une ou deux soirées avec la bande du dortoir sept. Une époque bénie où nous étions plus occupés a tenter de trouver de nouveaux cocktails plutôt que de suivre nos cours respectifs.
Je tourne en rond des heures durant. L’écho de mes pas résonnent lugubrement entre les immeubles indifférent à mes soucis. Il n’existe qu’un seul lien dans cette affaire et c’est moi et la Hischool. Je sais que je ne suis pas le meurtrier. C’est déjà ça. Pour le reste mon esprit se tourne inlassablement vers le poème. Outre que le tueur doit y attacher une certaine importance, il remue quelque chose dans les tréfonds de ma cervelle.
Quatre heures du matin. Je retourne à La Fosse. L’alcool et les filles vont me changer les idées.
L’endroit est quasi désert. Une dizaine de clients dans les balcons, quelques putes défraîchies, les serveurs aux yeux fatigués qui attendent la relève. La musique joue en sourdine des airs de Jazz, je vais à ma table. Le temps de traverser la pièce, mon verre de whisky m’attend déjà. Je le regarde. Je l’admire même, ce verre, rempli du nectar ambré, juste à bonne température, servi dans ce verre qui tient si bien dans la main. Je m’affale dans le fauteuil. Le verre me provoque. Il me défit de le boire. Je lève le bras, Pfeizt, le serveur manchot m’apporte aussitôt un verre d’eau gazeuse. Je sirote le breuvage, tout en contemplant le verre d’alcool. Je tente de me persuader que le goût est le même.
Le whisky restera sur la table, je n’y toucherai pas. Trois mois de sevrage, cela compte.
Perdu dans mes pensées, je ne voie Jo qu’au moment ou il s’assoie à coté de moi. Le visage d’un bouledogue, la carrure d’un athlète russe, et pourtant un caractère en or, Jo est moins mon indic que mon ami.
« Salut », crachouille t’il, « J’crois qu’j’ais un truc pour toi. »
Je lève un sourcil interrogateur tout en lui faisant signe de s’asseoir.
Son bégaiement plus actif que jamais, il poursuit vaillamment « Y’a un type qu’est venu. Y’ voulait des renseignements sur toi. »
Une bulle de silence s’installe autour de nous. Je ne perçois plus ni la musique ni les conversation alentour. Une onde glacée descend le long de mon échine annonciatrice de mauvais présages. L’homme d’une quarantaine d’années, d’une taille moyenne, maigre, a tenté d’obtenir de Jo et d’autres indics du coin tous les renseignements possibles sur moi. Adresse, parcours professionnel, famille, etc.
Bien entendu, l’individu n’a pas laissé de nom ni de moyen de le contacter. J’enrage de ne pas être venu plus tôt.
Sept heure du mat, je suis encore dehors dans cette pluie qui me harcèle. Je remonte l’avenue tout en tentant de héler un taxibulle. Peine perdue. Mon aspect mieux, l’imper trempé et la mine déconfite ne rassure personne et je suis bon pour rentrer chez moi en tram. Je coupe par une petite ruelle coincée entre deux buildings de standing. Ce petit raccourci ne me fait gagner que quelque bloc, mais c’est toujours cela de pris. Un camion à ordures occupe une bonne partie du passage. Je suis bon pour attendre qu’il passe à l’abri sous le linteau d’une porte de service. Bah je serai protégé de la pluie pendant quelques minutes. Je me cale contre l’embrasure. Une minute passe et la porte derrière moi s’ouvre. Un couteau jaillit et se plaque sous ma gorge. Un effluve chargé d’une forte odeur d’eucalyptus, me souffle désagréablement sur le coup. « Fait pas le malin Kine. Je serai plus prompt que toi. »
Ma main descend lentement le long de mon imper, quittant le holster ou je l’avais précipité. Ce dingue ne veut pas me tuer tout de suite.
« Qui es tu, bordel.
_ Tu ne te souviens pas Kine, sa voix monte dans les aigués, les autres non plus remarque….
_ C’est donc bien toi le tueur au poème. Mais j’avoue qu’avec un surin sur la gorge que j’ai du mal a fouiller dans ma boite à gamberge un quelconque souvenir.
_ Ne t’inquiète pas Kine, tu vas te souvenir. Il place devant mes yeux un papier froissé, maculé de taches. Un poème. Le poème.
_Lit. La pointe du couteau pressant légèrement ma peau, la coupe et fait couler une goutte de sang.
« Dans les zoos urbains noyés de pluies acides
Où tout jusqu'au suicide finit par sembler vain… »
Je lis mécaniquement, tout en essayant de trouver une échappatoire à ce cirque.
_ Et maintenant Kine, te souviens-tu du lundi 7 novembre 2025 ?
Je me creuse pourtant la cervelle mais rien n’en sort. Je sens bien qu’un non n’est pas la réponse souhaitée, je temporise
_ Ben donne moi une seconde, vieux, c’était à la Hischool, c’est ça.
Il exhale un oui, quasi jouissif. Et entament un monologue qui gagne un peu de temps.
_ C’est cela Kine, tu te rappelles….. Maudit jour que celui là…… Toi et la bande du dortoir 7…… je ne demandais rien qu’un peu d’attention……. Et vous……. Vous avez ….
Il renifle bruyamment tandis que l’émotion le submerge. J’en profite. Coup de coude dans le plexus. Je me retourne pendant qu’il expire violement l’air de ses poumons. Visage crayeux, cheveux brun long. Regard fou. Coup de poing dans cette face remplit de haine. Le bonhomme s’écroule.
Bon sang je boirais bien un verre.
Rave et ses acolytes ont rappliqués vite fait. Mon agresseur se trouve dans le panier a salade et j’ai presque pas eût besoin de le re-cogner pour qu’il reste sage le temps qu’arrive mes amis les flic.
Le poème se trouve sur le sol, trempé. Je le reconnais maintenant. Je n’en suis pas fière mais je suis en partie responsable de la folie de Mathias Dumoulin. Ce pauvre gars a ressassé sa vengeance depuis tout ce temps. Depuis qu’en rentrant d’une soirée plus qu’arrosée, John Irvin, Patrick Natural, Marie Bricard et moi-même sommes tombé sur cet étudiant en lettre qui finissait son poème dans les couloir du dortoir. Jeunes, stupides, bourrés, nous lui avons fait passer un sale quart d’heure.
Cette humiliation gratuite aura été notre perte.
Les flics sont partis. Je retourne sur mes pas, vers la fosse.
Foutue pluie qui continue de tomber.
POEME
Les rues sont sales ; malodorantes sous la pluie persistante de ce mois de novembre. Saleté de pluie. Depuis le temps que je vis ici je devrais y être habitué, et bien non. Je la trouve toujours aussi désagréable, aussi froide, aussi collante. Gorgées de pollution et d’acide, elle tombe sans discontinuer de l’aube au crépuscule la moitié de l’année sur cette foutue ville de Luna.
Les éclairages néons vantant les mérites des cabarets, et autre maison close illuminent les trottoirs de leurs lumières criardes. Je rajuste mon feutre et le col de mon imper pour la millième fois de la journée. Le tissu rugueux frotte contre ma barbe naissante. Je longe les murs crasseux et couvert de graffitis plus ou moins originaux. Le quinze de la Banshee Street n’est plus très loin.
Le hall de l’immeuble m’accueille par une sordide odeur de produits ménagers et de préparations culinaires issues des appartements alentours. L’ascenseur est comme de bien entendu en panne. Alors je grimpe lentement les marches jusqu’au cinquième. Un long couloir, je laisse de petites flaques d’eaux sur les dalles de plastique jaune. Un éclairage misérable, erratique, confirme l’état de vétusté avancé du quartier. Un planton se tient devant la porte de l’appartement numéros 585. Me voyant avancé vers lui, il se redresse et gonfle légèrement son torse. Avant même qu’il tente de m’interpeller, la porte derrière lui s’ouvre laissant apparaître un homme courtaud, vêtu de noir, à la mine revêche. Il aboie
« Kine, qu’est ce que vous foutez ? Je vous ai appelé il y a deux heures. »
Je lui lance un regard torve, en grognant une réponse inaudible. Il s’efface pour me laisser entrer dans l’appartement. Un coup d’œil rapide, et mon cerveau trie déjà les premières informations. Logement propre. Bibliothèque fournie. Gamelle pour un chat. Ordinateur branché dans un coin. Kitchenette impeccable. Corbeille de fruits. Aucune photo.
Le nabot me pousse du coude vers la chambre. Lit fait. Vêtements plié sur une chaise. De la salle de bain proviennent des voix. L’inspecteur Rave s’y trouve ainsi que son légiste. La baignoire est pleine d’eau. Marie Bricard, trente huit ans, y gît la tête renversée en arrière. Pas besoin du légiste pour voir que cette pauvre femme a été étranglée. Sur le sol une feuille de papier. Je sais déjà se qui s’y trouve.
« Dans les zoos urbains noyés de pluies acides
Où tout jusqu'au suicide finit par sembler vain… »
Tout un poème, noir et désespéré. Auteur inconnu. Papier ordinaire. Typographie banale. Cet écrit, comme à chaque fois que je le voie m’évoque quelque chose. Une idée, une sensation fugace, qui reste hors de porté, qui me nargue même.
« Encore une victime Robert, c’est la troisième dans ton entourage ! J’espére que tu as un alibi pour hier soir vers 20h00 ? » Me souffle Rave. Il sait aussi bien que moi que j’étais à La Fosse, en compagnie de Jo la Bafouille. Mon enquête, parallèle à la sienne, piétine, et je tentais d’obtenir des infos sur les détraqués du moment.
Rave me regarde d’un air las. A sa question muette je lui réponds :
« Choux blancs. Aucun des malades habituels ne fait de vague en ce moment. » Je lui montre la victime d’un geste de la tête, « Marie et moi sommes sortis ensemble il y a quinze ans. C’était à Hischool Berliviaux de Luna. Cela a durée quelques mois, et c’est la première fois que je la vois depuis notre rupture. »
Les lumières des néons brillent toujours aussi insolemment sur les façades décrépites des immeubles du vieux Luna. La pluie a été remplacée par une bruine poisseuse. Je marche pour m’aérer et réfléchir. Je reprends les éléments que je possède tentant d’y déceler un schéma, une idée.
Le premier meurtre, vieux de deux semaines. La victime s’appelait John Irvin. Informaticien sans envergure. Divorcé, sans enfant. Nombreuses bouteilles d’alcool retrouvées dans son studio. Découvert mort dans son canapé, étouffé avec un sac plastique. Un poème coincé dans la main. Aucune empreinte, aucune effraction. Rave m’a appelé dés le lendemain car il y avait une photo de moi et de la victime accrochée sur un mur. Comme on se connais depuis longtemps tout les deux il a pensé que je pourrais l’aider. Tu parles, John et moi nous ne nous sommes pas vus depuis sept ou huit ans. Nous étions de bons potes à la Hischool, puis cette foutue vie de dingue nous a happés.
Cinq jour plus tard, nouveau cadavre. Un serveur au Paladin. Trouvé mort devant chez lui par son compagnon. Un seul coup de couteau dans le dos. Toujours aucun indice, malgré le sang répandu. Pas de témoin dans cette banlieue dortoir. Le poème se trouvait sous la victime. A fréquenté aussi la Hischool. Je me souviens vaguement de ce petit bonhomme timide, nous avons du faire une ou deux soirées avec la bande du dortoir sept. Une époque bénie où nous étions plus occupés a tenter de trouver de nouveaux cocktails plutôt que de suivre nos cours respectifs.
Je tourne en rond des heures durant. L’écho de mes pas résonnent lugubrement entre les immeubles indifférent à mes soucis. Il n’existe qu’un seul lien dans cette affaire et c’est moi et la Hischool. Je sais que je ne suis pas le meurtrier. C’est déjà ça. Pour le reste mon esprit se tourne inlassablement vers le poème. Outre que le tueur doit y attacher une certaine importance, il remue quelque chose dans les tréfonds de ma cervelle.
Quatre heures du matin. Je retourne à La Fosse. L’alcool et les filles vont me changer les idées.
L’endroit est quasi désert. Une dizaine de clients dans les balcons, quelques putes défraîchies, les serveurs aux yeux fatigués qui attendent la relève. La musique joue en sourdine des airs de Jazz, je vais à ma table. Le temps de traverser la pièce, mon verre de whisky m’attend déjà. Je le regarde. Je l’admire même, ce verre, rempli du nectar ambré, juste à bonne température, servi dans ce verre qui tient si bien dans la main. Je m’affale dans le fauteuil. Le verre me provoque. Il me défit de le boire. Je lève le bras, Pfeizt, le serveur manchot m’apporte aussitôt un verre d’eau gazeuse. Je sirote le breuvage, tout en contemplant le verre d’alcool. Je tente de me persuader que le goût est le même.
Le whisky restera sur la table, je n’y toucherai pas. Trois mois de sevrage, cela compte.
Perdu dans mes pensées, je ne voie Jo qu’au moment ou il s’assoie à coté de moi. Le visage d’un bouledogue, la carrure d’un athlète russe, et pourtant un caractère en or, Jo est moins mon indic que mon ami.
« Salut », crachouille t’il, « J’crois qu’j’ais un truc pour toi. »
Je lève un sourcil interrogateur tout en lui faisant signe de s’asseoir.
Son bégaiement plus actif que jamais, il poursuit vaillamment « Y’a un type qu’est venu. Y’ voulait des renseignements sur toi. »
Une bulle de silence s’installe autour de nous. Je ne perçois plus ni la musique ni les conversation alentour. Une onde glacée descend le long de mon échine annonciatrice de mauvais présages. L’homme d’une quarantaine d’années, d’une taille moyenne, maigre, a tenté d’obtenir de Jo et d’autres indics du coin tous les renseignements possibles sur moi. Adresse, parcours professionnel, famille, etc.
Bien entendu, l’individu n’a pas laissé de nom ni de moyen de le contacter. J’enrage de ne pas être venu plus tôt.
Sept heure du mat, je suis encore dehors dans cette pluie qui me harcèle. Je remonte l’avenue tout en tentant de héler un taxibulle. Peine perdue. Mon aspect mieux, l’imper trempé et la mine déconfite ne rassure personne et je suis bon pour rentrer chez moi en tram. Je coupe par une petite ruelle coincée entre deux buildings de standing. Ce petit raccourci ne me fait gagner que quelque bloc, mais c’est toujours cela de pris. Un camion à ordures occupe une bonne partie du passage. Je suis bon pour attendre qu’il passe à l’abri sous le linteau d’une porte de service. Bah je serai protégé de la pluie pendant quelques minutes. Je me cale contre l’embrasure. Une minute passe et la porte derrière moi s’ouvre. Un couteau jaillit et se plaque sous ma gorge. Un effluve chargé d’une forte odeur d’eucalyptus, me souffle désagréablement sur le coup. « Fait pas le malin Kine. Je serai plus prompt que toi. »
Ma main descend lentement le long de mon imper, quittant le holster ou je l’avais précipité. Ce dingue ne veut pas me tuer tout de suite.
« Qui es tu, bordel.
_ Tu ne te souviens pas Kine, sa voix monte dans les aigués, les autres non plus remarque….
_ C’est donc bien toi le tueur au poème. Mais j’avoue qu’avec un surin sur la gorge que j’ai du mal a fouiller dans ma boite à gamberge un quelconque souvenir.
_ Ne t’inquiète pas Kine, tu vas te souvenir. Il place devant mes yeux un papier froissé, maculé de taches. Un poème. Le poème.
_Lit. La pointe du couteau pressant légèrement ma peau, la coupe et fait couler une goutte de sang.
« Dans les zoos urbains noyés de pluies acides
Où tout jusqu'au suicide finit par sembler vain… »
Je lis mécaniquement, tout en essayant de trouver une échappatoire à ce cirque.
_ Et maintenant Kine, te souviens-tu du lundi 7 novembre 2025 ?
Je me creuse pourtant la cervelle mais rien n’en sort. Je sens bien qu’un non n’est pas la réponse souhaitée, je temporise
_ Ben donne moi une seconde, vieux, c’était à la Hischool, c’est ça.
Il exhale un oui, quasi jouissif. Et entament un monologue qui gagne un peu de temps.
_ C’est cela Kine, tu te rappelles….. Maudit jour que celui là…… Toi et la bande du dortoir 7…… je ne demandais rien qu’un peu d’attention……. Et vous……. Vous avez ….
Il renifle bruyamment tandis que l’émotion le submerge. J’en profite. Coup de coude dans le plexus. Je me retourne pendant qu’il expire violement l’air de ses poumons. Visage crayeux, cheveux brun long. Regard fou. Coup de poing dans cette face remplit de haine. Le bonhomme s’écroule.
Bon sang je boirais bien un verre.
Rave et ses acolytes ont rappliqués vite fait. Mon agresseur se trouve dans le panier a salade et j’ai presque pas eût besoin de le re-cogner pour qu’il reste sage le temps qu’arrive mes amis les flic.
Le poème se trouve sur le sol, trempé. Je le reconnais maintenant. Je n’en suis pas fière mais je suis en partie responsable de la folie de Mathias Dumoulin. Ce pauvre gars a ressassé sa vengeance depuis tout ce temps. Depuis qu’en rentrant d’une soirée plus qu’arrosée, John Irvin, Patrick Natural, Marie Bricard et moi-même sommes tombé sur cet étudiant en lettre qui finissait son poème dans les couloir du dortoir. Jeunes, stupides, bourrés, nous lui avons fait passer un sale quart d’heure.
Cette humiliation gratuite aura été notre perte.
Les flics sont partis. Je retourne sur mes pas, vers la fosse.
Foutue pluie qui continue de tomber.